vendredi 23 novembre 2012

Fruits de la passion


 
                   Depuis la nuit des temps, nous chassons ces fruits sauvages qui nous piquent les yeux avec leurs 807 épines. Nous armons notre lance-pierre et nous leur tirons des pépins de pomme en plein milieu de leur tête de poire. Bien qu'ils aient une couleur lie de vin, nous en raffolons ! Nous marchons sur des kilomètres pour en manger. D'ailleurs, ces fruits sont toujours en grappe pour nous impressionner : ils jouent l’effet de groupe, car ils ont compris que nous chassons seuls !


                     Nous ne comptons plus le nombre de fois où nous sommes tombés en déconfiture, à même le sol, un peu comme si nous avions poussé mamie dans les orties blanches. Nous sommes des hommes à tête de chou et nous n’avons pas un clou de girofle à nous planter dans la narine pour ressembler à un vrai guerrier.


                      Ces fruits nous piègent trop souvent avec leur peau glissante sur laquelle nous posons un pied marin, mal assuré. Résultat : nous terminons notre course dans les fougères, le nez sur un nid de fourmis rouges ; et nous rentrons au village avec la gueule comme un panier de fraises !




 

mardi 20 novembre 2012

Conte d’été (Derrick Romhair)



                       —     L’été est fini ! On devrait tourner la page huit, tu sais ! lui ai-je dit, avec une petite voix mélancolique. 
     Tu devrais peut-être la lire avant de partir ! m’a-t-elle répondu, en chuchotant comme le vent dans le cœur des arbres.


                       —      Ce que cent femmes veulent, Dieu le veut ! lui ai-je répliqué, pour me donner un air spirituel.


                    Et sur le blanc immaculé de sept feuilles de papier glacé par ce dernier coucher de soleil estival, elle avait écrit — avec toute la force imaginative de son rouge à lèvres pailleté — une phrase qui danse encore à mes oreilles : « Casse-toi ! Pov con ! »

samedi 17 novembre 2012

Bricoles et vigiles

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                       Le Père Noël n’existe pas et je ne mesurerai jamais un mètre quatre-vingt. Je raye vigile de la liste des métiers que j’aimerais exercer dans un futur proche.
Toutes ces illusions qu’on avait, qu’on couvait et qui fondent comme neige au soleil. Prennent l’eau comme une vieille barge délaissée maintenant qu’un pont relie les deux rives.
Et pas question d’écoper, il faut s’y faire, soit être comme on est. Il faut y aller. 



                     - S’il vous plaît, mademoiselle, votre sac!
- Ok, je vous l’ouvre, que des bricoles, 807 bricoles... 
807 est le sésame pour le service de sécurité du musée. La vie réelle bruisse de ces nombres particuliers qui font franchir les portes. Le vigile ne vous fait pas asseoir, il a la main dans votre sac à dos comme s’il y touillait une bouillie primordiale, vous lui dites « eh, faites attention, s’il vous plaît, j’ai des trucs importants !»
« Vous trouvez ça drôle de nous compliquer la vie ? » répond-il en vous poussant dehors, avec votre sac débraillé dans vos bras.  



                      Les vigiles ne savent pas ce que représentent les sacs pour les filles. En plus, il m’a tordu le bras, le sagouin, et l’écran de mon téléphone est tout taché de ses gros doigts. A Londres, gare de Saint Pancras, les douaniers anglais mettent des gants avant de plonger dans vos bagages.
Sur la liste, je rajoute Coach pour vigiles. À la 807ème place, quand même.

mercredi 14 novembre 2012

Ailes brisées


                      - Si j’étais optimiste, je dirais que mon sujet me bat un peu froid, qu’il souhaite prendre de la distance, qu’il est froissé de mes balourdises, qu’il attend que je me ressaisisse pour mieux me rouvrir sa porte et me dire, d’un ton mi-paternel mi-professoral : aller, avec un bon coup de collier, tu vas finir par y arriver ! Mais en homme lucide, je préfère parler d’un fiasco définitif. Ah ! ce sujet ! J’étais vraiment parti pour lui faire mille grâces, l’inviter à danser une très longue pavane, mais ces jours-ci il ne me voit même plus, fait mine d’être occupé avec d’autres, se perd en entretiens savants, avec des mots obscurs qu’eux seuls comprennent, je les entends brasser des concepts, et dès que je m’approche d’eux le petit cercle s’esclaffe.  J’imagine qu’ils se disent : quel sombre idiot ! Il y avait tant de sujets faciles, la Campagne de Russie, l’impératrice Eugénie en ses jardins, l’histoire de la porcelaine de Meissen... mais non, ce petit bonhomme avait des ambitions plus hautes !



                - C’est vrai que tu étais quand même parti pour dix bonnes années de travail en bibliothèque avant d’oser seulement le saluer de loin, ton fameux sujet...


 
                        - Et pourtant j’avais déjà un bien joli titre : 807, idéal ou idéel ?

lundi 12 novembre 2012

Vous qui entrez ici


                         « Je n’y retournerai pas deux fois ! » se dit-il à la sortie du col de l’utérus. Laissant derrière lui matrice mouillée et moelleuse, il décide de s’engager, dans la vie pour commencer.




                         « Je n’y retournerai pas deux fois ! » se dit-il à l’entrée du four du crématorium. Lui qui laisse derrière lui 807 choses inachevées s’apprête enfin à terminer quelque chose.

samedi 10 novembre 2012

Un dernier tour au Parc.


                           Remarquez les baies rouges et les fleurs blêmes, profusions échevelées se déversant des arbres des jardins. Un jogger croisé ainsi que deux petits enfants trainés par leur grand-mère. Au Parc revient brouillée la silhouette d'un homme qui fumait en descendant quelques marches, dégaine entraperçue à la résidence La Fontaine. Point de départ. Au Parc, se défaire fissa des murs imaginaires. Au milieu de la verdure, une rivière revoit le jour. Il pourrait être amer, ce flux boueux, vaseux, stagnant en fine couche sur un long aplat de béton, eau sombre charriant quelques cailloux et s'insinuant entre vert et ocre, stries d'herbes courtes ou trainées argileuses. Bordant la rivière, une large pelouse aux brins verdoyants dont le parfum piquant se dilue dans la brise fraiche. Elle s'élargit sur une vingtaine de mètres. De gras bosquets aux feuilles à éraflures la longent, ainsi que des saules pleureurs. Sont-ils aussi doux que leurs lianes le semblent, quand épaisses et aérées ou bien nues, elles se balancent dans la brise, s'inclinent précisément dans la lumière dorée, 807 rubans oscillants sur le même lent tempo ?


                          Vif, le vert d'herbe, il s'étend au delà du décrochage bétonné qui traverse tout l'espace en contre-bas. Sur toute sa longueur, un fin filet d'eau s'y traine, y flaque d'ici à au delà. Contigüe, l'étendue herbeuse jusqu'à un promontoire où elle se plie en trois haute marches. Pour aboutir sur un grillage et derrière un chemin, puisque deux petits marcheurs et un chien minuscule avancent en ligne. Quelques peupliers grisâtres ceinturent le fin fond du Parc, qu'une trouée, cernée par deux larges masses de saules. Aiguisées, leurs branches verticales cachent autant l'entrée que la sortie vers le bassin de recyclage. Leurs troncs sont verticaux et sobres, tandis que les ramures se caractérisent par des traits chaotiques, longs hameçons tremblants dont les mouvements hypnotiques ne ramènent aucune prise. Pendant un instant un rayon solaire allège les futaies molles, un corbeau apparaît, aussi furtif qu'un dernier expire. Sur la jetée qui surplombe la rivière, un tag tracé à la peinture blanche : Dieu a un plan pour chacun, l'enflure.


                          Dans le pavillon de mon oreille gauche vrombit un ronronnement mécanique qui s'accentue, décroit, s'efface. Dans celui de la droite un pépiement aigu, sec, note suspendue dans l'air entre deux silence, un pépiement, répétition. Quand avec le vent vaguelettes de frottements, les feuilles résonnent de concert. Longue plainte grave d'une moto filant vers Fresnes. Les bruits flous des végétaux se déploient quand ceux des moteurs se dessinent nettement. Son froissé des graviers écrasés par les baskets des joggers, halètements secs du clebs à la balle rouge dans la gueule. Traversées par un souffle, les feuilles argentées des bouleaux crépitent, bien plus crissantes que celles des saules, quand derrière moi une mélodie criarde fait se décrocher un portable. - Ah oui, ah bon, dans le four répond une voix perchée. Plus tard, silence revenu, plus tard les futaies s'animent les unes après les autres avec délicatesse quand le grondement étouffé d'un avion écrase les autres sons. Longeant les buissons taillés, les sapins bleutés, les mimosas encore fleuris et les flèches barrées, la promenade se replie. Point final. Quelques trouées de lumière quand s'éloigne le zigzag d'un enfant après un détour à la boulangerie.

mercredi 7 novembre 2012

Dans les choux


                       Savez-vous les planter, ces crucifères ? 

 

                       Eric Chevillard, bienheureux inspirateur des 807 grâce à autant de brins d'herbe (quelle idée !) ne désavouerait pas une telle propension à gloser sans fin sur des propos les plus anodins.


                       Pourvu que la truite amendée ne se transforme pas en infâme gratin.

lundi 5 novembre 2012

Doigt dans l'oeil !


Huit : au royaume des poutres, l’œil de l’homme fait figure de paille.


Cent : il me sera toujours plus facile de crever l’œil d’autrui que de crever l’abcès entre lui et moi.


Sept : en fait, ce n’était pas une larme qui coulait de son œil de verre, mais le reste d’un vieil écoulement nasal.

mardi 30 octobre 2012

Promenade


                               L’écorce rugueuse, noire et blanche s’écaille, se fissure et laisse apparaître de grandes zones lisses et brunes. Le tronc du bouleau est dur dans mon dos. Le froid rentre dans mes doigts, tandis que la chaleur du soleil pénètre ma peau. J’écarte une branche souple, les feuilles fraîches caressent ma main. La pelouse est élastique et quelques pas me ramènent à la dureté du béton de la route. Quelques foulées, et je suis sur la passerelle en bois au-dessus de la Bièvre. Les travées vibrent sous mes pieds lors du passage d’un coureur. Je m’arrête un instant, appuyé sur la rambarde rugueuse.


                              Une forte odeur de décomposition envahit mes narines, presque fétide. Un mélange de terre mouillée, d’herbes en décomposition, mon nez enrhumé ne filtre que les odeurs délétères. Un camion passant non loin m’asperge de son odeur de diesel, après avoir déjà fui au loin.


                              Le léger vent souffle doucement et continûment dans mes oreilles. Sous mes pieds, à quelques mètres, un petit bruit de cascade discret signale la rivière. A l’autre bout de la passerelle, un piéton aux semelles dures s’éloigne bruyamment. Le zip de mon gilet déchire sèchement ce presque silence. Devant, à gauche puis à droite des oiseaux échangent quelques cris. Au grondement sourd de réacteurs, je lève la tête pour repérer dans le grand ciel bleu le quadrimoteur responsable. Mon oreille gauche est au calme, tandis que par la droite pénètrent tous les sons de la route distante : quelques voitures, une moto pétaradante, un camion au son grave et fort. Je me tourne d’un quart de tour sur la droite en fermant les yeux. Je suis soudain envahi par la spatialité du son : les véhicules se déplacent d’un coté à l’autre, je surprends mon esprit qui les localise, les suit sur leur trajectoire en position et vitesse. Ils s’arrêtent ou accélèrent, tournent au croisement pour s’éloigner. Je suis plusieurs véhicules simultanément, qui se suivent ou vont dans des directions opposées. Je joue à ouvrir et fermer les yeux pour confirmer par la vue cette véritable vision sonore, et cela marche étonnamment bien. Je suis au bout de la passerelle, le bruissement de 807 feuilles agitées par la brise envahit mes oreilles. De tout près, je peux individualiser ces milliers de petits chocs des feuilles entre elles ou contre les branches voisines. Deux corbeaux s’envolent en croassant. L’aboiement d’un chien traverse le parc. Je croise un couple qui discute à voix basse, l’un se racle la gorge bruyamment. Les pas d’un coureur rythment pendant quelques instants le soufflement du vent.  Sur le fond du ciel bleu, au-dessus du toit d’une maison, se détachent les silhouettes variées d’un saule, d’un cèdre et d’un sapin.

vendredi 26 octobre 2012

La magie des lieux

                 Ça n’avance pas vite. Mais si. Recalculons. J’en suis déjà à 807 caractères espaces compris. En multipliant cette somme par le même nombre, on obtient un résultat assez correct. Pour un premier roman.



                 Dans un premier temps, je vais apporter un soin tout particulier à mes descriptions. Tout bien considéré, bien des gens ont bâti une œuvre en s’en tenant là, et pas des moindres. Ne citons pas de noms, ça donnerait le vertige. Un peu de modestie, que diable.



                 Dans un deuxième temps, j’effacerai tout. Mes personnages feront le décor à leur idée. Ils n’en seront que meilleurs.

mardi 23 octobre 2012

Scriptorium


                          - Et puis soyez assez aimable de vous relire plus attentivement. Votre texte n’est pas mauvais en lui-même mais le style en est franchement relâché. Les répétitions, notamment, sont extrêmement gênantes. Vous n’êtes pas sans connaître les dictionnaires de synonymes, je présume ? Et n’oubliez pas d’utiliser vos barres d’outils. Elles n’ont pas été uniquement conçues pour amuser les chats. Allons, revoyez-moi ça plus sérieusement.




                         - Vous n’aimez pas les répétitions ? C’est curieux, dans La Recherche j’en trouve plein, tout le temps, partout ! Le même mot, la même expression à trois lignes d’intervalle ! Au moins 807 fois, pour rester indulgent...



                         - Vous savez, se relire, à son époque, ce n’était pas une sinécure. Voilà probablement la cause de toutes ses petites maladresses. Ah, s’il avait pu en disposer, de cette fameuse fonction recherche...

vendredi 19 octobre 2012

taille

                        un va et vient vol bourdonnant l'intrigua. vladje suivit les arabesques du vol et découvrit une maison en forêt. maison spécialisée qui n'allait pas sans son train ordinaire de conséquentes douleurs violettes à voir les créatures qui entraient,  visiteuses légères à robe jaune et rayures. leur venue semblait contrainte par quelque noire et inexorable nécessité. vladje remarqua qu'elles demeuraient deux à trois jours dans la maison de la forêt



                         la veille on avait vu un homme à mâchoire électrifiée déchiqueteur de hauts arbres s'attaquer à un petit bois  entre deux combes. bientôt toute verticalité effroi de cathédrales s'était rabattue à l'horizontalité d'une jonchée de branches brindilles copeaux et bientôt sections de troncs. des sangliers déboulaient de quelque soue secrète et des autruches en cavalcade lâchaient quelque noires plumes.



                          vladje observa les créatures sortant de la maison de la forêt. elle les trouva changées, moins  lianes, moins mobiles, plus empâtées mais ne parvint pas à désigner précisément le détail construisant la métamorphose. elle attendit. elle en vit une autre puis une autre puis encore une autre. à la 807° elle se décida à questionner. quelle était cette maison et qu'est-ce qu'il s'y passait. une créature répondit : ablation de nos tailles de guêpe

mercredi 17 octobre 2012

Euh…



– C’est dingue ! Faut qu’te raconte : une histoire de tryptique, de texte coupé en trois, ça m’rend folle ! Merde, le téléphone, j’reviens…

 

– C’était Paul. Qu’est ce que j’disais ? Ah oui ! Les huit sans sept ! Tu veux du café ?

  
 – Hein ???

samedi 13 octobre 2012

Feu de joie

                        Repasser la porte de la zone bleue, personne ou presque juste une réceptionniste la jeune de l’autre fois qui apprenait et un type qui écrit dans un coin, elle tend son ticket rose la fille sort une enveloppe brune qu’elle ne lui donne pas c’est le docteur qui.



                        « Tout est normal vous n’avez plus rien à craindre, ça fait bien plus de trois mois ?» « Oui » elle ressort, la même cour pas de banc libre s’assied sur les marches, une clope, relit le papier blanc, alors c’est fini bien fini mon Dieu qu’elle a eu peur pour elle pour lui surtout pour lui ne plus se demander comment lui dire faire exploser sa vie une vie deux vies d’autres vies.



                          Rentrer un peu sonnée, cœur léger, reprendre les papiers, le rose et l’autre, lire encore : négatif négatif négatif négatif négatif jusqu’à s’en transpercer la rétine prendre un briquet allumer un feu de joie regarder 807 petites flammes balayer le passé et même la petite ombre triste à la fenêtre.

jeudi 11 octobre 2012

Repassage interdit

                     – C’est bien joli, Monsieur, ces plissés Fortuny que vous portez au coin des yeux, dites-moi s’il vous plaît où m’en procurer de pareils ?



                      – Hélas ma chère enfant, ces plissés-là ne s’achètent pas. Ils se gagnent sur les champs de bataille de la vie. Le général Temps les décerne à ses meilleurs soldats.



                      – Alors tant pis. Moi je n’attendrai pas huit cent sept ans. La saison prochaine, la mode en sera déjà passée.

mercredi 10 octobre 2012

Douceurs

 
                   Entrer dans la boutique du chocolatier. Sourire d’aise en découvrant les religieuses aux petits chapeaux lustrés, les opéras rectangulaires, les dacquoises croustillantes…S’attarder sur les pyramides de crottes en chocolat. Résister, détourner le regard. Observer, par exemple, la patronne, impeccablement maquillée, permanentée de frais, le tailleur de bonne façon sans excès, le visage amène mais le port de tête rigide, serrée contre son tiroir caisse. Se concentrer sur la jolie vendeuse empressée, désireuse de donner satisfaction à la matrone sévère. Attendre son tour en s’impatientant légèrement de toutes ces civilités inutiles qui sont la base du bon commerce. Désigner enfin l’objet de tous nos désirs, ce sachet anonyme dans la vitrine réfrigérée, non pas celui-là Mademoiselle, celui qui est au premier rang, celui-là, oui, supposé plus frais. Il vous faudra autre chose ? Non. Huit euros sept cents! Le voir disparaître illico dans un sac plastique au nom du chocolatier, censé lui apporté un regain de popularité auprès des passants.
 

                 Monter dans la voiture. Jeter négligemment le trésor sur la banquette arrière et rentrer vite à la maison !


                          Se débarrasser de l’emballage encombrant, s’asseoir enfin dans le vieux fauteuil en cuir et contempler ce bonheur suprême : deux cents grammes de caramels mous au chocolat ! Dénouer fébrilement le lien rigide, le petit nœud énervant qui sépare du Nirvana et profiter des effluves volatiles du cacao amer, extirper délicatement un de ces délices du paquet translucide et bruyant, enfoncer l’index dans ce petit carré brun, légèrement huilé, un peu humide, sentir juste un peu de résistance, en apprécier l’élasticité et la fraîcheur, l’approcher avec gourmandise de sa bouche. Goûter sa légère froideur sur les lèvres, et immédiatement son onctueuse granulosité sur la langue, laisser fondre avec volupté, savourer le mélange subtil de sucre, de beurre salé et de chocolat, laisser cette salive douce-amère envahir la bouche. Déglutir lentement et sentir cette douceur exquise inonder sa gorge. Langoureusement, du bout de la langue pousser ce caramel fondant entre la gencive et la joue, s’abandonner avec délectation au plaisir suave de la fonte inexorable de la friandise, mollement sans réagir. Finalement, avaler le petit résidu de sucre dans un dernier sursaut de plaisir. En manger un deuxième, un troisième…..Puis tout le paquet. Le regretter !

jeudi 4 octobre 2012

Pierre Jourde et nous

- Tu n’as qu’à lire sa biographie. Elle est très bien détaillée. Tu m’en diras des nouvelles. Ça rend modeste. Ça donne envie de faire glisser bien soigneusement sa prose jusqu’à la corbeille, de la vider sans repêchage possible puis, enfin, d’aller vivre des choses intéressantes avant de recommencer à faire son malin avec des mots. Voilà ce que je pense. Et toi ?
- Moi c’est pareil. Mais quand j’ai lu qu’il avait fait des manœuvres hivernales dans la neige, je me suis un peu rengorgée. Je me suis dit : tiens, si je n’ai pas 807 points communs avec ce grand écrivain, j’en ai tout de même un. Et celui-là, il me parle. Manœuvres hivernales dans la neige, je pratique. Presque tous les ans. Pour ça, l’essentiel, c’est le bonnet. Bien enfoncé sur les oreilles. Note bien, pour écrire un roman intéressant, c’est un peu pareil. Avoir la tête près du bonnet, c’est essentiel. La tête près du bonnet... Joli titre. Y a plus qu’à.

lundi 1 octobre 2012

Les vivants 3

– Je n’ai pas envie de rentrer chez moi le soir en ce moment.
– Pourquoi tu me dis ça ?
– ...



– Demain soir je vais au cinéma.
– Je ne serai pas libre demain soir.
– ...
– Et ce soir je suis invité.
– Ah... Je te souhaite une bonne soirée alors.
– Et toi, que vas-tu faire de la tienne ?
– Essayer de trouver le sommeil.
– Et ?
– Et t’embrasser 807 fois dans mes rêves.
– Je vois.
– Je n’en suis pas certaine justement.
– ...



– Je ne sais pas comment tu fais pour me supporter : moi, je ne me supporte plus.
– C’est peut-être parce que je ne te supporte pas assez.
– Sale type !
– Sale type toi même !
– Mais... Je suis une femme, tu l’as oublié ?
– Et alors, tu n’as jamais lu Echenoz ?

jeudi 27 septembre 2012

Casse-tête

Depuis sa retraite, le vieux professeur consacrait sa vie aux mathématiques. Les calepins qui débordaient de ses poches étaient noircis de chiffres, de symboles, de figures géométriques. Il inventait des jeux de société à base de mathématiques de plus en plus ésotériques, dont il était le plus souvent le seul à comprendre les règles et le but. Il inventait aussi des casse-têtes, dont une intuition fulgurante lui donnait simultanément et sans effort la formulation et la réponse. Progressivement, il se mit à raconter à voix haute ses raisonnements, suscitant surtout l’incompréhension amusée de son boulanger et de son boucher. Lorsqu’un matin il sortit nu dans la rue en hurlant et répétant sans arrêt « combien de carrés et de rectangles ? », arrêtant les passants, les voitures et même les chiens errants, la police municipale n’eut plus de doute. Alors que les infirmiers de l’hôpital psychiatrique l’emmenèrent, un dessin s’échappa de sa main.
Son domicile, un modeste deux pièces à Montrouge, regorgeait de ces calepins et feuilles bien rangés. Mais cette dernière énigme, sans titre, ni question, ni explications, ni solution, ne fut jamais résolue.

mardi 25 septembre 2012

Lexington avenue, New York, NY

Des jours que ça dure. Ça crie, ça balance des trucs à la figure de l’autre, et le gamin qui pleure pendant ces interminables disputes. Les voisins n’en peuvent plus, et moi le premier. Cette famille du 3e étage nous pourrit la vie. En plus, on commence à craindre pour sa vie à elle. J’hésite à appeler la police. Et je pense à la chanson de Tracy Chapman, Behind the wall.


Aujourd’hui c’est pire. L’homme vient enfin de comprendre qu’elle le trompe avec un serveur du restau indien en bas, il hurlait déjà dans l’escalier avant d’entrer chez lui. Tout l’immeuble le sait depuis longtemps : l’amant monte lors de ses pauses. J’ouvre ma fenêtre pour m’en griller une en attendant qu’ils terminent : ils abordent des sujets intimes, et je ne veux pas entendre. Un bruit métallique attire mon attention. C’est le serveur qui essaie de descendre discrètement – c’est raté – l’escalier de secours en façade. On peut dire qu’il l’a échappé belle, celui-là, heureusement que le mari a fait du boucan en arrivant. Il saute maintenant de l’échelle, négligeant les derniers barreaux, et atterrit sans encombre sur le trottoir. Une sirène hurlante s’approche rapidement de notre immeuble.

lundi 24 septembre 2012

Vagues



                     Combien de temps aux vagues pour gommer, polir, caresser, estomper, supprimer,
radier, éradiquer l'ineffaçable ?


                     Les flots t'emportent au loin, mais tu reviens toujours, inexorablement,
t'échouer sur le sable.




samedi 22 septembre 2012

zinzolin


                      vladje le regarda remuer tant qu'il pouvait les liqueurs violacées du grand chaudron. elle l'avait entendu dire que la consistance de ces liqueurs secrètes devait rester d'une souplesse de danseuse. s'il advenait qu'elles épaississent un peu - et cela advenait souvent près des bords car la force du remuement était plus puissante et plus efficace au centre du chaudron - on le voyait agiter une inquiétude tenace et s'épuiser à remuer encore. ce jour-là il fallut qu'il appelât là l'aide des spécialistes de liqueurs molles dont le savoir en ces substances réussissait quelquefois à liquéfier celles qui ont épaissi au-delà du tolérable.

                      la veille on avait fait sonner tambour, djembé, timbale, tambourin, qilaut, daf, bongo, conga, caisse claire. des mains, des baguettes frappaient frappaient, presque sauvage, les peaux animales. autour des batteurs on voyait libellules vertes, libellules jaune d'or, demoiselles bleues, paons du jour, abeilles charpentières. d'aucuns disaient aimer le contraste qu'apportait leur légèreté dans tant de démonstration de vigueur.

                      le remueur poursuivait son incessant remuement. les liqueurs commencèrent à quitter leur sournoise épaisseur. il crut pouvoir s'arrêter. vladje pourtant se demanda si ce n'était pas chaudron des danaïdes et s'il n'y avait pas, à voleter dans l'air avec moustiques, papillons, mouches, libellules, éphémères, taons, abeilles, une rouge condamnation. peut-être remuer au-delà de 807.

vendredi 21 septembre 2012

Loterie.

                               
                              Passer le porche, accueil, c'est pour un dépistage, oui, passez la porte vitrée puis traversez la cour en diagonale, zone bleue, couleur de la mer, de sa trouille et de ses coups de bad. 


                             Pousser la porte, bonjour, prendre un ticket, un mec titube jusqu'au bureau, il faut prendre un numéro monsieur, il sort le 808, s'approche d'elle vous avez lequel, 807, retitube et s'assied. Ils sont quatre, elle compris. Deux toutes jeunes blacks, leggings sous jupe en jean, un trentenaire costard cravate, elle veste kaki lunettes noires tenue de camouflage et le 808 qui a laissé tomber son papier par terre et sort en tanguant on dirait qu'il danse. 



                            On l'appelle elle se lève bonjour voilà un questionnaire, un ticket, le médecin va vous appeler passez dans la salle à côté. Elle remplit le questionnaire partenaires multiples seringues échangées prostitution occasionnelle ou régulière mais qu'est ce qu'elle fout là. Le médecin vous avez des questions non, si, c'est quand les résultats, faut voir avec l'infirmière, au revoir merci. On la pique, elle sent rien, c'est quand les résultats, vendredi, entre midi et deux, merde, elle pourra pas venir. Au revoir merci avise broc d'eau gobelet en plastique boit avidement, sort, plus loin une cour des bancs, s'assied, une clope, des gens en pyjama tout abimés prennent le soleil des infirmières mangent elle regarde les fenêtres, voit son ombre pleurant derrière les carreaux, vingt-sept ans déjà, se demande si c'est les mêmes paumés qui sont là. Elle planque le ticket rose dans son portefeuille ne le perdez pas c'est pour les résultats tu parles qu'elle va pas le perdre c'est le ticket gagnant, ou perdant, elle sait pas. Elle sait pas.

mercredi 19 septembre 2012

Semblance.

Il sourit aux enfants.
Il semble heureux.
Il marche sur la plage en continuant à sourire.
Il semble attentif.
Il sourit aux femmes.
Il semble amoureux.
Il marche sur la plage en laissant éclater son sourire.
Il semble exister.

Vous souriez.


Il pose sa serviette en laissant un sourire flotter sur ses lèvres.
Il semble paisible.
Il plonge dans la mer en gardant son sourire.
Elle semble délicieuse.
Il nage en mer en restant souriant.
Elle semble le caresser.
Il fait 807 mouvements en persistant à sourire.
Il semble consentant.

Vous gardez votre expression rieuse.



Il sent son coeur battre vite en faisant durer son sourire.
Il semble prendre du plaisir.
Il a un malaise.
Il semble surpris.
Il se noie.
Il semble mort.

Vous cessez de sourire soudain.

mardi 18 septembre 2012

abordage



                         vladje regarda. des rayures aux bords effrangés griffaient une surface. il y en avait de différentes dimensions, longueur et largeur. d'aucuns se demandaient s'il restait des étoiles quelque part. vers le nombril, peut-être. vladje se demanda plutôt si ces rayures étaient toutes lignes de très anciennes voies d'abord depuis déjà bien des années inaccessibles. on aurait ainsi pénétré au-delà et visiter d'obscures régions peu visitées, à réseaux enchevêtrés, quelquefois sanguinolents. à moins que ce fut traces d'anciens combats lignes de fracture et autres traits de rupture. 


                         la veille il y avait eu grand conciliabule de chefs à plumes. chacun s'était paré de ses plus voyantes couleurs. une rivalité d'araras régnait dans l'air. on les entendait jacasser en un jargon  rouge et vert inaccessible aux simples oiseaux ordinaires. d'aucuns prétendaient qu'ils partageaient des informations. d'autres étaient sûrs au contraire qu'ils cherchaient plutôt à noyer un poisson. certains repéraient mots connus dans le salmigondis comme carbone pervenche if ou platine. quand ils sortirent leurs flèches curarées on en vit plusieurs rire jaune de chrome. on crut entendre prononcer safari. on se demandait à quoi ils se préparaient vraiment. on se demandait qui ils étaient vraiment.

                         hiatus dans l'àvraiment. barres de seuil. gaziers. tissu cousu. linge défait. orées des bois. ciels. gargouillis. fleurs de boutonnière. mineurs. grands manitous. chacals. les surfaces poussaient comme des peaux. quelqu'un voulut chanter. les années lumières déboulèrent. il s'en fut de peu que tout s'écroula. des plumes vinrent se ficher en des étoiles mourantes. on s'étonne encore d'avoir entendu quelqu'un réclamer 807 microgrammes de poudre stellaire

lundi 17 septembre 2012

Tourner.


                           Tourner autour du pot, tellement, tellement longtemps que tu ne sais plus ce que tu voulais dire, et que les dents t’en grincent. 


                          Alors tu pars tourner pour de vrai. Comme les jeunes conducteurs, te voilà place de l’Etoile, à tourner, encore et encore, comme un sillon que tu creuserais avant de décider dans quelle rue t’engouffrer. Soudain, au bout de l’aile droite défoncée et fumante, le soldat inconnu, sa tombe et toi dans ta voiture encastrée sous l’Arc de Triomphe, et tous ces touristes dont les téléphones scintillent sur ta nuit d’effondrée sur le volant.


                           Le médecin est une femme, elle s’appelle Apolline. En fait, c’est une dentiste. Délicatement, elle t’allonge sur son siège futuriste. La lumière en plateau t’éblouit, mécaniquement tu ouvres la bouche comme si tu allais léguer ta mâchoire à la science. La voix de la dentiste flotte en direction de son assistante : 807 dents abîmées en bas, notez, voyons s’il y a autant de travail en haut.

vendredi 14 septembre 2012

A un chiffre près


                J’ai cru entendre récemment sur France Culture une émission consacrée à un site littéraire, les « 807 » : celui-ci venait de changer de meneur de jeu (Franck Garot) mais continuait sur sa lancée. Oui, j’ai la radio dans ma Porsche de collection, et ce ne sont pas les ondes qui font tant vibrer le capot arrière : car c’est là où se trouve le moteur, la traction.
Dès que le soleil perce un peu les nuages parisiens (comme ici le 4 mai, peu après que je suis passé devant l’Institut du monde arabe), je prends ma voiture, je la décapote et je parcours la ville, les cheveux au vent.
J’ai même installé quatre photomatons de ma petite famille, juste en bas à gauche du pare-brise, cela me rappelle leur précieuse existence et m’évite de dépasser – même si ça me semble parfois difficile – les limitations de vitesse.
Pourtant, je regrette aujourd’hui que l’immatriculation de mon véhicule remarquable (et j’en suis assez fier) ne corresponde pas à l’objet du blog auquel j’ai adressé cette photo, reçue d’un admirateur qui ne m’a pas laissé son nom : à un chiffre près, j’aurais pu concourir à cette aventure littéraire.


                – Tu vois la bagnole, là ?
– Oui, sacrée décapotable, mais ça doit coûter bonbon !
– Bizarre, le type qui la conduit, j’ai comme l’impression de l’avoir déjà vu quelque part : à la télé, au cinéma ?
– On s’en fiche : elle bouge beaucoup, dis-donc, sa tire, elle est agitée de tremblements du cul. Je suis sûr qu’elle ne correspond pas aux normes anti-pollution !
– Tu m’étonnes : elle doit dater des années cinquante…
- Et en plus, l’immatriculation, c’est louche : « 808 », pourquoi pas « 807 », tu sais, un exercice de littérature qu’on trouve sur Internet.
– Connais pas : moi je regarde les infos « people » et les sites « coquins » !
– OK, mais allume le gyrophare, enclenche la sirène, on va le contrôler : ces petits privilégiés il faut leur faire sentir que « le changement, c’est maintenant », comme dit l’autre !


mercredi 12 septembre 2012

amer


                           on voyait une couche épaisse entre neige et goudron. vladje lançait ses couteaux avec vigueur féroce. grande bête sauvage ongles becs et canines. elle avait beau les lames n'avaient pas de prise dans la bouillie jaune et noire. quelquefois elles raclaient un fond de quelque chose mais ce n'était que rognure inapte à retenir qui ou quoi que ce soit. après un petit monticule, elle crut qu'elle réussirait à s'extraire de ce jus. mais inexorable quelque chose suivait son cours.  le sol était savonneux. vladje glissait lentement. elle glissait navire sur gouffres. elle glissait. 

                          
                         la veille il en fut certaine pour lui donner l'ordre de quitter ses terres bien-aimées. vladje avait dit qu'elle réfléchirait. elle croyait que. elle ne fit que différer son obéissance. on l'installa en pays inconnu, quelque fois hostile, avec dragons, hexe à chevelure serpent, frelons, mégères à casques, trublions à galettes, vociférateurs de miel,  hypnotiseuses à mandibules, semeuses d'humeurs, malandrins à vis, lanceuses de vilebrequins, extirpeuses de gouges, raboteuses de joie, moulineuses de phrases prêtes à l'emploi, parleuses d'autobus. il fallut qu'elle trouva moyen de vivre avec. 



                         c'est quand elle comprit qu'elle glissait que soudain vladje compta. d'aucuns disaient ça peut durer. d'aucuns demandaient elle va glisser jusqu'où.  elle compta. d'autres demandaient aussi jusqu'à quand.  elle compta. quelqu'un dit quand elle en sera à 807 quelque chose aura suivi son cours.

mardi 11 septembre 2012

Huit sans sept



                          Cher Fritz,
Je comprends ton désarroi mais pour parvenir à la phase huit il faut que tu en passes par la septième, dont jamais assez on ne souligne l'importance. C'est la phase du paiement, et la communauté toute entière attend ton chèque afin de te pouvoir accueillir.
Religieusement tien.


(...)


                            Cher Gourou,
Elle, cette femme, m'assure que non. Non que je ne crois plus au lien direct que tu m'offres avec Dieu. Tout est venu de cet orgasme avec elle : ne cessant d'y repenser, je l'ai reproduit avec elle, et depuis, de toi, de Dieu, je me fous. Absolument.
Tu attendras ton chèque plus longtemps qu'elle la parure dont je tiens à l'orner.
D'un mot - ou deux, trois - crève donc, charognard.

vendredi 7 septembre 2012

Retour


                  La chaude pluie de juin entre par la fenêtre ouverte. Le salon est aux oiseaux. L’ampelopsis enlace les solives. Les douces algues grises couvrent la tenture. Dans la cheminée nichent huit cent sept souris. Du toit presque tombé on voit sortir des saules. Les herbes soyeuses cachent le seuil. L’homme est mort et comme lui sa maison n’a plus ni dehors ni dedans. 
 
 
                        Maintenant il n’est rien, maintenant il est tout, sable, animaux, cailloux, fougères, atomes, encore et encore.
 
 
 

jeudi 6 septembre 2012

lieu


                             Cette cour fermée dont le sol est recouvert de cailloux de Loire, petitesse et matières diverses, tous ronds de s'être réciproquement polis par frottements, cette cour se révèle sur l’obscur des paupières. Cailloux de toutes teintes, des douces déclinant les ocres de la terre ou bien grisées, opaques. Osselets minéraux qui, arrosés, se sculptent de transparences sourdes. Il suffit de tourner vivement la roue d’une pompe, animant laborieusement tout un mécanisme rouillé, pour que l’eau enfouie surgisse et les nuances minérales chatoient. Dans le coin gauche de la cour, juste un tas de sable, grains des bords du large fleuve, blancs, beiges, irréguliers.


                          Une remise en pierres claires clôt la cour sur toute sa largeur, maintenant ça me revient qu’au fond à droite trônait cet escalier aux marches irrégulières, sa lourde porte à ouvrir à deux mains. Enfin le jardin, longue pente bordée de buissons chargés de fruits rouges. Deux petits chemins en partaient sur les côtés, nos pieds évitant de peu orties, mauvaises herbes et les ronces échappées des buissons touffus.


                          Des poiriers régulièrement taillés pour étendre leurs branches à l'horizontale, un portique orange orné d’une balançoire et d’un trapèze. Une frontière de grillage qui laissait le jardin de la voisine sur la gauche et de l'autre côté un chemin serpentant en pente dont je ne me rappelle plus où il nous a emmenés, partait-il vers une autre maison ou un bois en surplomb ? Chemin de mauvaises herbes, orties, fleurs de trèfles, pissenlits et foultitude parachutes blancs prêts à souffler dans toutes les directions, 807 au bas mot. Ce foisonnement, ce fouillis où s'égarer et la certitude de l'endroit devenu immobile. Pas sûre d'y avoir vu les arbres grandir ou leurs feuillages s'épaissir. Sur l'obscur des paupières, cette cour débouchera toujours sur la remise qui emmène au jardin.

mercredi 5 septembre 2012

L’interrogatoire.




- Pourquoi depuis toutes ces années répétez-vous le même ? C’est le nombre d’or ? La combinaison du coffre-fort ? Le numéro de téléphone du médecin de famille ?
- Est-ce que je sais on est là pour faire ce qu’on nous demande on m’a jamais rien dit pas donné d’explication plus que ça du moment que c’est pas un travail au-dessus de mes forces même quand ils sont en vacances à Trouville et qu’ils peuvent pas me surveiller moi je continue c’est un principe au moins une fois le matin une fois le soir je suis habitué et même je peux vous le dire ça me manquerait si...

- Et le dimanche ?
- Le dimanche c’est pas mon jour de sortie du reste ça a fait un drôle de foin avec Pomponnette c’est ma femme elle voulait pas qu’on prenne cette place-là elle disait c’est des mécréants travailler le dimanche le Seigneur nous en voudra je lui ai dit qu’il était pas comme ça qu’il pouvait comprendre.

- Elle s’est inclinée ?
- Je sais pas ce que vous voulez dire aussitôt arrivée elle est partie avec le garde-chasse mais je suis jamais tout seul au moins maintenant j’ai mon huit cent sept dans la tête qui me tient compagnie et puis ça rime avec Pomponnette c’est peut-être pas un hasard comme on dit une passion chasse l’autre.

mardi 4 septembre 2012

Bilan.


                  Il avait sorti le cahier qui ferait office de journal Recettes & Dépenses Existentielles. Sur chaque page, séparée en deux par un trait vertical, il s’agirait de noter, à gauche, les plus ; à droite, les moins. Il avait suivi dans sa jeunesse une formation accélérée d’aide-comptable dont il ne lui était rien resté, si ce n’est : à gauche, "pain blanc", à droite, "ce qu'il en coûte"… Ou l’inverse, quant à la latéralité ? Finalement il avait un doute.


                  In fine, il s’était trouvé, les notant dans la colonne de gauche – puisque en étant resté à son sentiment premier selon lequel la gauche enregistrait le positif et la droite le négatif - : 807 raisons d’apprécier la vie contre 806 – à droite donc - de la détester. Résultat serré : il convenait de recompter.


                  Assuré de ne s’être pas trompé, il tira le bilan.  Chose faite, il rangea le cahier reconverti en journal Recettes & Dépenses Existentielles, ainsi que le revolver, sorti au cas où. Il poussa un profond soupir, la journée était déjà bien entamée en arguties comptables, et il avait un tas de trucs à faire, à gauche et à droite.

lundi 3 septembre 2012

copeaux

                    vladje en faisait livrer. il fallait cogner dur et une bonne fois pour toutes. elle en faisait donc livrer beaucoup. elle donnait des ordres légers mais précis. ils avaient installé des rails depuis l'entrée jusqu'au bâtiment. une grue déposait les requins de terre sur des plateformes elles-mêmes déposées sur les rails. elles glissaient jusqu'à la grande bâtisse de tuffeau. à  hauteur de façade, on arrêtait la plateforme. vladje guettait. lorsqu'une plateforme était là, à l'aplomb d'une fenêtre, elle jetait jetait jetait dans la mâchoire ouverte en contrebas. puis une autre plateforme à requin se présentait. et elle jetait jetait encore.

                    ils avalaient tout : vieille armoire fond contre-plaqué, portes dégonflées miroir fendu, buffet formica jaune aux pieds pourris à force d'eau de cave, tailleur pied de poule du mariage de paulette, bibelot bois chien à tonneau de rhum en sautoir, boîte à colifichets et pendeloques, armoires en plastique, étagères bois aggloméré mélanine blanche, piano et l'âne, lit en fer à ressorts tue-mouche, castelet guignol à crin d'acier, mappemonde à manivelle, tiroirs orphelins, machines à gaufres, espaliers à torsions, jupes de juillet, repas refroidis, mauvais plans pliés, verres à pieds assoupis, matelas dérisoires, tablettes à cactus, peluches crevées, manteaux marbrés mités, livres obsolètes, chapeaux à entonnoirs, cheminées à ridelles, seaux à charbon, clés à fils, pots des chambres et cuisines, moulins à sardines, distributeurs de rien, encensoirs à faïence, ventilateurs sans cervelle, raisins francs du collier

                  la veille, vladje avait admiré dans le port d'amsterdam la beauté industrielle des containers de marchandises, leur proportion, couleur et disposition. elle avait rêvé possible d'en faire venir quelques uns jusqu'à son domaine. impossible lui avait-on dit. elle avait alors choisi les requins blancs. lecteur il en fallut bien 807 pour venir à bout de tous ses trop

vendredi 6 juillet 2012

Couvade.


                               Ils te disent oui je lis tes 807 c'est pas mal c'est sympa tes trucs. Toi tu as juste envie de crier que tu as mis tes tripes à l'intérieur et qu'ils n'ont rien compris.



                               Et tu couves ta vengeance comme un plat qui se mange chaud. 





jeudi 5 juillet 2012

Lecteur d'ombre.



                                 Au cœur de la station balnéaire, 807 festivités et occasions 
              de perdre son temps qui ne vaut plus rien en vacances.



                               Au cœur de l'ombre, aucune raison de rompre l'immobilité.





mercredi 4 juillet 2012

Avec ou sans bulle – les chiffres de l’oubli.



-                       - Et mes yeux, tu les aimes mes yeux ?
-     - Oui
-    -   Et mes mains, tu les aimes mes mains ?
-    -   Oui
-    - Et mes dents ?
-     -  Oui
-     -  Et mes idées ?

                     A la 807ème bulle d’eau gazeuse qui éclata à la surface de son verre, posé sur la petite table basse de ce salon aéré, et clair, mais constellé de fines gouttes de sang se répandant en halo autour d’une mare saignante au centre de laquelle ce qui fut autrefois il y a quelques secondes encore une femme et ne se résumait plus désormais qu’à un tas de chair morte exhalait un ultime borborygme, Pedro considéra nécessaire d’oublier cette vie commune qui d’un coup brutal sur le sol de béton  venait enfin d’abattre sa femme une fois pour toutes.

                   Il descendit tranquillement les escaliers. Dernier regard panoramique sur le hall de vie high-tech de cette résidence de standing. Puis le verre d’eau gazeuse, pour s’en désaltérer. Il jeta l’eau sur la masse rouge qui se répandait. Il quitta le lieu sourire aux lèvres. Selon son idée, la sienne, puisqu’aucune autre se manifestant, il pourra quand bon lui semble ouvrir une bouteille d’eau.

mardi 3 juillet 2012

K, le fruit.

                           Forme d'œuf. Enfin approximativement. Base légèrement élargie et plate où une trace arrondie, nombril plat, témoigne de la présence passée d'une branche. Au sommet une légère excroissance de peau. Tout le reste de sa surface est uniforme sans être lisse, son fond d'un vert moiré recouvert de 807 pluches marronnasses, ou plus peut-être. Peau nuancée, légèrement rugueuse.

                        La peau, une épaisseur protectrice de la chair, une armure dense qui ne dévoile rien de l'intérieur. Sa texture s'attendrit avec les jours, les doigts peuvent s'y imprimer. On ressent alors une impression de moelleux, on devine aussi que sous cet aspect terreux, arrondi et balourd, il y a du subtil. 
 
                        Crépitement de la chair entre les dents, ça disparaît en bouillie, ça fond, ça se délite sans bruit. Son parfum acidifiée l'empêche de tomber dans la mièvrerie. Sans manière sucrée, sans chichiterie, entre le pincement du citron et le désagrément de la pomme pas mure. Mollesse et piquant sont ses deux versants.

lundi 2 juillet 2012

ruban


                   vladje marchait grande allure. elle marchait à choisy-le-roi, à tremblay-les-gonesses, à chilly-mazarin, à toussus-le-noble, à courthenay, à bezons, à maisons-alfort, à pouilly-en-auxois, à brie-sur-marne, à vaux-en-velin,  sur le plateau de saclay, dans la zone de courtaboeuf, à gif-sur-yvette, elle marchait à boynes, à montfort-lamaury, à enghien-les-bains, à châtel-censoir, à vaucouleurs, à alésia, à massabielle, à knokke-le-zoute. elle marchait escortée de petits rongeurs  le long des routes aux arbres. elle marchait escortée d'escargots le long des glissières d'autoroutes. elle marchait jour escortée d'hirondelles. elle marchait nuit escortée de chevêches ou d'étoiles. d'aucuns disaient que l'artère fémorale se fatiguait. d'autres disaient si elle reste au bord des merveilles elle ne craint rien, mimosa à la hanche


                  vladje moissonnait lavandes sur macadam, pissait debout derrière haies d'aubépine sans même relever robe rouge au fond des impasses, mâchait blés en épis dans de blancs cabriolets, mordait dans les fleurs d'acacias sur des fauteuils coton imprimé, faisait liste des trous d'égout, comptait panneaux d'interdictions urbaines, se baignait rivière affolée dégringolant de grandes avenues à marronniers, au bord d'étangs nourrissait chevaux de bouquets crevettes et fenouil, jetait hiboux au fond des puits de massacre
 

                 la veille, l'avant-veille peut-être, on l'avait vue lancer des rubans inaccessibles sur des surfaces improbables et transparentes. écharpes d'isis peut-être. ils se collaient en transparence orange, formes évidées de ciel, avec tissu cicatriciel sur les arbres.  en transparence sinueuse verte au gré des vents urbains certains devenaient calligraphie à ventre et réécrivaient une histoire inaudible soulignée de fer blanc déchets et herbes sauvages. quand elle en fut au fil de soie jaune, de chrome plutôt que de naples, elle s'arrêta. puis elle leva le pied, telle une gradiva, et plusieurs fois passa souplement les molécules de cette surface avec élégance. puis, vous vous en doutez, elle les traversa 807 fois. et on ne la vit plus qu'au loin funambuler aux toits des grands immeubles avec ombrelle de mésanges, marguerite entre les dents