dimanche 22 mai 2011

C'est dimanche

Ce sont les dimanches où chacun reprend sa place autour de la table, fourchettes et couteaux vont bon train dans les assiettes qui fument de trop plein alors qu’on en rajoute encore, à peine le temps de parler que les plats se succèdent toujours meilleurs et préparés avec amour ceux-là, parce que des heures durant depuis le matin on épluche, coupe en menus morceaux les légumes, guette l’ébullition, vapeur fatiguant les tempes et louche au bout des doigts à écumer le gras qui s’est formé à la surface du bouillon pour tirer le meilleur de la viande et pas la lie qu’on aimerait cacher sous la table où si on l’a effleurée 807 fois à force de remplir les verres on aimerait qu’elle soit oubliée, volatilisée comme si on n’avait rien dit et surtout pas parlé à couteaux tirés, œil rivé sur l’autre, les mots dressés comme des fantômes à chaque fin de phrases suspendues dans le silence de l’après-midi qui s’écoule aux sons de la télé du voisin, des voitures qui se garent dans la rue déserte de banlieue où on aime quand même respirer au printemps l’odeur des vieux lilas. On s’essuie la bouche avec la serviette empesée des autres fois, celles où on regrette de ne pas avoir fait honneur à l’eau fraîche restée intacte dans la carafe posée délicatement sur la nappe usée d’en avoir trop entendu, son tissu rugueux et légèrement gris à force d’avoir été lavé accueille les fleurs qui finiront fanées parce que l’air est trop confiné, serrés que l’on est entre nous malgré la distance qu’on aimerait garder, alors on ouvre la fenêtre au moment du dessert et les voix s’abaissent pour ne pas montrer aux voisins qu’ici aussi dimanche ne coule pas comme un long fleuve sans histoires.


Et pourtant on aimerait repartir repu des mets et non pas de ce qu’on n’a pas encore pu dire ou parce qu’on aimerait baisser les armes, le jour du repos serait celui de la trêve ou enfin on profiterait de ces jours qui nous ont réunis tant bien que mal.

4 commentaires:

  1. Un long dimanche de ripailles

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  2. Qu'il devienne un jour un beau dimanche d'accordailles.

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  3. Magnifique ce texte... je l'avais manqué celui-là. C'est beau ! C'est beau !

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