mardi 19 février 2013

Puis, venue dont ne sait où, l’inspiration:


             Passé derrière Céleste, l’ange blond l’enserre de son bras gauche, sous son cou il glisse la lame d’un cran d’arrêt. Il la traine et recule de trois pas, se cogne à un poteau. Essoufflé, rapproché, Cyril demande qu’il lâche la fille. Le sourire d’Alban qui s’accentue...La bouche de Céleste se tord dégoûtée, elle sent la respiration de l'autre dans sa nuque et le bloc compact de haine et de peur qui l’envahit. Elle n'ose bouger d'un millimètre avec la lame froide qui pince la peau. Cyril piaffe sur place. Comment la libérer ? Il ne supporte plus l’expression satisfaite qui flotte sur le visage de Alban. Comment l'exploser définitivement ? Une chape de béton engloutit son cœur. Il a appris à tirer en entraînement, il mettait toujours la balle dans la cible, mais il n'a jamais tiré en vrai. Le geste, il le connaît par cœur, allonger le bras, visser son regard sur l'objectif, retenir son inspiration, amorcer un micro mouvement de l'index, suspendre le temps et caresser l'objectif. Tirer. Le recul qui bascule la main et l'épaule en arrière. Le sourire en apercevant la cible trouée là où il avait prévu. Tout ça lui revient, mais en est-il capable maintenant. Quelque chose de lourd compresse son thorax. Ses os tressaillent, une vague de colère gronde, il sort son flingue et le tend. 


            Alban regarde le canon de l’arme braqué sur lui à deux mètres de distance. Il n’y croit pas. On ose le menacer, lui qui est craint de tous. Un raclement reste coincé dans sa gorge. La circonférence de métal parait être un grand oeil noir écarquillé qui se moque de lui. Et ce gout de sang qui envahit son palais, est-ce déjà la saveur de la mort ? Une goulée d’air glaciale fuse dans ses narines quand son palpitant augmente gravement sa cadence. Il la planterait bien, cette gueuse, mais vivante elle lui sert de bouclier. Il a raconté souvent comment il a échappé aux 807 Russes en Somalie, aux gardes du Shah en Iran, aux espions israéliens en Syrie mais c’était que du vent. Et maintenant, face à l’arme, il hésite, sa main tremble, son souffle se raccourcit. 


           Puis, venue dont ne sait où, l’inspiration: il fait une clé au bras de Céleste, elle se penche en gémissant, il la tire sur le côté, bondit en avant et balance un grand coup de jambe sur le flingue qui valse dans les airs. Stupide, Cyril regarde ses doigts rougis, sa main flotte comme un chiffon inutile. Céleste vacille et se pisse dessus. Alban fait un bond à droite, il n'a pas coordonné son élan ce qui permet à Céleste de glisser entre ses bras dans un mouvement de chat. Elle crie, borborygme assourdi, Cyril crie aussi mais lui c’est limpide.

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