mardi 30 novembre 2010

#264 – L'autre moi

Pourquoi bon sang est-ce si difficile ? Pourquoi attendre lundi pour manger sainement, pour faire de l'exercice, pour se réveiller tôt ?


Je me fais la promesse chaque soir, et je crois sincèrement que je vais la tenir. « Je commence demain matin. » Mais quand le soleil se lève, une nouvelle personne prend ma place. Elle ne veut pas se lever tôt, elle se moque bien de faire de l'exercice, elle bourre son estomac de malbouffe, et à la fin de la journée c'est moi qui trinque pour ce qu'elle a fait de moi. Je fais 807 promesses – elle ne les tient pas, je lui donne vie – elle ruine la mienne, je la soigne comme un enfant – elle me crache au visage.


Bordel, pourquoi est-ce si difficile d'être MOI tout le temps ?

dimanche 28 novembre 2010

#262 – Google blues

Il tapa fébrilement ses nom et prénom puis cliqua sur « Recherche Google ». Environ 807 262 résultats s’affichèrent en 0,21 seconde.


Parcourant les différentes pages, il s’aperçut que l’on comptait beaucoup plus d’homonymes que l’on ne croyait. Et tous ces sites consacrés aux recherches généalogiques. Et tous ceux destinés à retrouver vos anciens camarades de classe. Voilà qui brouillait terriblement les pistes.


Déçu, il se dit qu’une recherche avancée pourrait sans doute mieux satisfaire son ego. Heureux homme qui ignorait encore le profond désarroi qui le saisirait lorsqu’il se demanderait quels mots-clés permettraient de le définir.

samedi 27 novembre 2010

#261 – Faire plaisir

il se dit que peut-être bien que c'est vrai qu'il fait plaisir à son ventre : il en est à son 807e Activia


il se dit qu'elle se fait plaisir, c'est sûr : elle en est à son 807e autofictif partagé


mais c'est dommage, les comptes facebookiens étant pour le moins approximatifs on ne saura jamais qui est son 807e ami(e), pourtant ça lui aurait fait plaisir de mettre un nom sur le hasard...

vendredi 26 novembre 2010

#260 – Enfants

La douce houle, le flot vert doux amer.


Ils avaient grimpé sur la falaise et s’étaient assis dans l’herbe haute brûlée par le sel des embruns. Poussières de foin, étoiles de paille, herbes filantes. Litière de lumière frottée de vent. Il pris son visage entre ses mains et la regarda comme s’il ne l’avait jamais vue. Dentelles fougères, ombres légères sur sa peau d'épice. Elle l’attira à lui et leurs corps moissonnèrent callunes et tormentilles. Les fleurs de chèvrefeuilles nourrissaient leur souffle. Il voyait dans ses yeux des forêts enfanter le silence et 807 soleils avancer de front. Dans son corps, le sien retrouvait sa mémoire et l’avenir devenait possible. Il pressentait les jours et les nuits avec elle, leurs enfants dans son ventre. Enfants des greniers, des jetées sans fin. Enfants des îles vierges. Enfants miel des garrigues, enfants lavande, sève acide des sources. Leur flux les déposerait, coquillages, aux rives rêvées. Leurs mains nues les cueilleraient au creux de leurs corps pour les rendre à l'espace. Poussières d’homme, promesse d’univers. Enfants des anciennes blessures, argile tendre, terre de révolte, de récoltes mûres, ils seraient une revanche sur la mort et l’abandon, leurs justes enfants du midi des groseilles. Ils ouvriraient l’horizon et rebâtiraient un monde juste et fraternel, ils franchiraient d'un bond les haies des prairies nocturnes pour créer la lumière.


Il entendit nettement leur rire tandis que la mer assaillait la falaise et qu’elle ondulait avec eux.

jeudi 25 novembre 2010

#259 – Complément à l'œuvre de René Girard

La petite ville de Gstaad peut passer pour l’une des plus jolies des Préalpes occidentales. Il y fut précepteur dans les années soixante-dix. Un couple de Portugais catholiques et dociles assurait alors l’essentiel du train de vie d’une riche famille polonaise dans un chalet de maître situé entre la Lauenenstrasse et la Rotlistrasse : elle cuisinait, blanchissait le linge et tapottait les traversins ; il faisait les courses, endossait le gilet de Nestor et ripolinait chaque matin le véhicule qui menait la maîtresse de maison au Palace dans les salons duquel elle s’adonnait au bridge. Et puis il y avait l'Autrichienne, jeune nurse bien faite ma foi qui s’ennuyait un peu, lui aussi si bien que leurs liens se resserrèrent. La première semaine ne fut pas achevée que le précepteur se retrouva prisonnier du chalet à des heures qui dépassent les convenances. Il lui fallut donc sortir coûte que coûte avant le réveil de la maisonnée. L’Autrichienne le conduisit par la main sur le balcon en lui murmurant les milles folies qui réchauffent nos hivers. Mais pas d’échelle et deux étages à vaincre, ... fermez les yeux c’est fait. Ne voyez-vous pas l’amoureux qui s’éloigne dans la nuit ?


J’ai lu que le X-Seed 4 000 culminerait à 4 000 mètres et regarderait dans les yeux le mont Fuji. Un peu de haut puisqu’il le dépasserait de plus de 200 mètres. Il serait ancré dans l'océan au large de Tokyo et abriterait plus d’un million de personnes. Il compterait, dit-on, 807 étages.


Julien mon frère, que serions-nous devenus si ta Mathilde et mon Autrichienne avaient eu l’invraisemblable idée d'être de ce siècle ?

mercredi 24 novembre 2010

#258 – Strabisme

« J’exorbite, dit l’œil gauche, devant tant d’impudeur étalée sans vergogne sur la voie publique. Exhibée honteusement devant les yeux innocents des écoliers rentrant de l’école et des vieilles dames vertueuses qui promènent leur petit chien. Hou ! »


« J’écarquille, dit l’œil droit, devant tant de beauté, d’harmonie dans les formes, de fraîcheur virginale. Cette photo printanière a tout ce qu’il faut pour rendre moral et dynamisme à l’ouvrier harassé revenant du travail. Oh ! »


« Mettez-vous d’accord, enfin ! Je commence à loucher. », dit l’homme planté depuis trois quarts d’heure devant l’affiche de la nouvelle campagne publicitaire de
807,
Le string des starlettes !

mardi 23 novembre 2010

#257 – Terre en peine

Ils avaient recouvert le terrain vague d'un pavage de blocs rigoureusement identiques en tous points. De telle sorte que cela formait un damier aux teintes grisâtres.


La moindre trace de petit brin d'herbe, sage ou bien affolé, avait purement disparu. Le nombre d'heures passées pour réaliser ce chef-d'œuvre dépourvu de toute vie et qui avait conduit à mettre la terre en terre était incroyable ; cela s'était fait si rapidement, en moins de 807 heures.


Les odeurs de cuisine venant du bâtiment qui jouxtait ce terrain (qui n'avait plus rien de vague) apportaient une couleur locale, un soupçon de vie, une ombre d'humanité. Cela faisait du bien de sentir ces effluves, car cet endroit était affreusement désert et baignait dans un silence déroutant, celui du monde minéral...

lundi 22 novembre 2010

#256 – Le cargo

Derrière le terrain vague, il y a la cabane. C’est là que j’ai vu mon père pour la dernière fois, entre les montagnes de ferraille et les débris des moteurs. Des tas immenses d’acier qui, à la tombée des pluies, devenaient gris métallique ou noir ardoise. Quand on est arrivé à Oklawa, mon père a décidé de se poser, le temps d’une saison. Dans ce patelin de 807 âmes, on ne risquait pas grand-chose. On aurait la paix. Enfin c’est ce que mon père a dit.


Au début, j’allais à l’école, comme tout le monde. C’est pas que ça m’intéressait tant que ça, mais au moins, il y avait des filles. J’avais de quoi m’amuser, ne serait-ce qu’en les coursant pour leur faire peur. Je les attendais à la sortie de l’école pour les suivre jusqu’à chez elles. Elles jetaient des regards furtifs derrière elles, effrayés. Leurs yeux écarquillés, le pas qu’elles pressaient, j’aimais bien. Et puis un jour, tout s’est déglingué.


Il était encore tôt quand je les ai vus arriver. Les deux flics ont à peine frappé à la porte de la cabane : « Bonjour petit, est-ce que Mr Johnson est là ? Ou son épouse ? » Ça m’a fait rire ce mot épouse, même si je sentais que ce qui allait se passer n’allait pas être drôle. Son épouse… plutôt l’une des femmes qui couchait avec lui cette nuit-là ! Et c’était pas ma mère. Celle-là, je ne l’avais pas vue depuis longtemps. Partie un jour sur un cargo avec un marin. C’est la voisine qui m’a raconté ça, Debbie. Je l’aimais bien, Debbie, au moins, chez elle, je pouvais regarder la télé pendant qu’elle écoutait ses émissions à la radio. Et c’est bien la seule qui m’ait un peu parlé de ma mère. Bon d’accord, elle m’a menti. Mais ça, je l’ai su après, quand les policiers ont déboulé, qu'ils ont menotté mon père pour l’embarquer. Il hurlait comme un forcené. Je me suis retrouvé seul dans cette cabane qui puait l’abandon. J’ai traîné toute la journée. Le soir, j’ai rejoint le bar miteux de la station-service. Par nostalgie de mon père, je crois. Et là, les langues se sont déliées. La nouvelle avait circulé. « Deux flics l’ont emmené... la pauvre femme... la mère de son fils, quand même. Tuée à coup de hache... une histoire de jalousie. » Dans les vapeurs moites d’alcool qui m’enivraient, j’ai senti mes yeux se mouiller pour la première fois. J’ai imaginé le cargo tracer une ligne blanche dans l’océan et je me suis dit qu’un jour, je monterai à bord.

dimanche 21 novembre 2010

#255 – Jealous guy

– Chérie ?
– Mmmm, oui, quoi ?
– Je te dérange ?
– Mmm...
– Tu fais quoi là ?
– T'occupe... Qu'est ce que tu veux ?


Elle est assise dans le fauteuil, sa jambe gauche – toujours la gauche, pourquoi ? – repliée sous elle, ses lunettes sur le bout du nez, elle lève la tête vers lui et le regarde de l'air mi-attendri, mi-exaspéré de la mère dérangée par un enfant capricieux.


– Encore en train d'écrire un tes foutus 807 ?

samedi 20 novembre 2010

#254 – Trois

– Je te préviens mon bonhomme : je compte jusqu'à trois, et si tu ne t'excuses pas, tu as une fessée. Un. Deux...
– Papa, pourquoi tu comptes pas jusqu'à 807 ?
– ...
– Bah oui, quoi, t'arrêtes pas de nous parler de ton blog.
– Allez, file !


Jamais deux sans trois, dit-on. Je le conçois pour un triptyque, par définition. De même pour un haïku. Mais qu'en sera-t-il pour les saisons des 807 ?


l'automne du gros célibataire
les feuilles qui tombent
et trois rateaux par jour

vendredi 19 novembre 2010

#253 – Drôle emploi

Vous avez plus de quarante ans, êtes flexible, montrez un pouvoir d’adaptation conséquent.


Vous avez fait vos preuves chez Darty, savez lire une étiquette, vous en servir pour mentir et flouer votre client.


Envoyez votre CV à l’Élysée.


PS : le 807e CV reçu aura un poste de ministre au gouvernement

jeudi 18 novembre 2010

#252 – Le violon de Crémone

Danse du ventre. Vibrato de la peau, excité par la musique. Friselis du vent, délices.


La chaleur monte soudain dans les reins, dans les siens, dans les miens. Le violon en fond n’arrange rien. Rêve d’Orient...


Ce qui décida l’épouse, lassée, à réveiller son mari pour la 807e fois fut le superbe mais tragique conte d’Hoffmann qu’elle vit trôner sur sa table de nuit. Ne prends pas ton rêve pour la réalité, criait-elle, le secouant comme un prunier.

mercredi 17 novembre 2010

#251 – Cheveux d’âge

Il craignait qu’aux rigueurs de son âge
La parure qui fit sa fierté
Ne subisse les puissants outrages
D’une blanche et triste vétusté.


Aussi s’assurait-il que le nombre
De ses cheveux blancs n’aille croissant,
Par un décompte des plus sévères
Qu’il pratiquait au soleil levant.
807 un beau matin manquèrent.
Médusé du rajeunissement,
Il s’en fut courant d’humeur légère,
Mais il se rompit tout l’ossement.


Il n’est de jeunesse qui revienne
Et bien tôt se tarit la fontaine :
Qui de son âge médit ou ment
De son âge aura tous les tourments.

mardi 16 novembre 2010

#250 – De l'autorité

Le moustachu en képi a tourné au moins huit cent sept fois autour de la voiture. On aurait dit un chien qui se prépare à pisser sur une roue et prend son temps pour choisir la meilleure. Il nous a reluqués pendant un bon moment et comme on se tenait à carreau, il a fini par abandonner. Il est reparti avec ses collègues, mais dans ses yeux, on voyait bien qu’il était déçu.


La vie est une prison. Pour s’en échapper il faut passer l’arme à gauche.


Après sa garde à vue qui avait duré pas moins de 807 minutes, elle apparut, le visage marbré, les yeux gonflés, les lèvres démaquillées et les cheveux ébouriffés.
– Alors, tu fais moins la maligne maintenant ! fit l’inspecteur, goguenard tout en mâchonnant le mégot éteint d’un cigare.
Il l’a trouva même moins blonde que la veille. C’est vrai qu’elle n’en menait pas large derrière son rimmel dégoulinant. Redescendant de ses hauteurs, l’orgueil humilié et des larmes dans la voix, elle entreprit de cracher le morceau.

lundi 15 novembre 2010

#249 – Écrivez ! qu’ils disaient

Mieux vaut taire le nom de cet écrivain qui 807 fois remit le métier sur l’ouvrage.


Découragé du piètre résultat obtenu, surtout après de tels efforts, notre homme de lettres sombra dans la plus profonde mélancolie.


Hélas, une seule tentative lui suffit pour mettre fin à ses jours.

dimanche 14 novembre 2010

#248 – Hiver

Il habitait une ville d’opérette avec son kiosque à jamais déserté par les orphéons, ses pâtissiers repérés dans les guides gastronomiques, ses noces en dentelles de chantilly sur le parvis de la cathédrale et sa vraie misère confinée hors des remparts. Ce qui le rendait triste, c’était de se sentir trop éloigné de lui-même, de son propre être poétique. L’elfe en lui, mourait trop souvent d’une indigestion de saucisses.


Il n’avait pas dormi de la nuit, torturé par mille souvenirs encombrants et retors. Il s’était levé plusieurs fois pour boire un verre d’eau ou pisser, alternativement. Il passait un moment devant sa fenêtre avant de regagner son lit. La comète glacée près du croissant couché insolait le ciel vide au feu de sa neige. Le nez tendu vers le bleu de la nuit, il eut envie d’un verre d’alcool pour noyer sa logique. Il en but plusieurs. Le sommeil l’avait pris à l’aube et son radio-réveil avait hurlé une heure plus tard. Il s’était levé d’un bond comme à son habitude, pris d’un léger vertige et avait titubé vers la salle de bains, migraineux, vulnérable. Il s’était douché, rasé, habillé machinalement et la fatigue l’avait plombé d’un coup. Une lueur grise filtrait par les rideaux de la baie vitrée. Il avait frissonné, avait enfilé son manteau d’hiver et s’était assis dans son vieux fauteuil de cuir. Ce matin-là, il n’eut pas envie de sortir de chez lui. Trop peur de se faire tuer par un autobus qu’il n’aurait pas vu, par le sourire mendiant d’un malheureux recroquevillé dans un coin de porte, par le parfum d’une belle qui le croiserait sans un regard. Ce fut la première des 807 heures où il continua à attendre assis, sans un geste et bientôt sans une pensée.


On le retrouva 33 jours et 15 heures plus tard, cadavre liquide, assis devant la télé allumée.

samedi 13 novembre 2010

#247 – Dans une bonne main

Vous jouez au tennis ? Non. Vous avez reçu un coup au coude ? Non. Tenu quelque chose à pleine main, en exerçant des pressions répétées pendant un certain temps ? Elle hésite, ça lui rappelle... une image apparaît, c’était la nuit... la fenêtre entrouverte... Ils se blottissaient l'un contre l'autre. Sa main droite dosait un mélange de douceur et de vigueur jusqu’au parachèvement, ce paroxysme absolu où il s’abandonna dans sa paume...


Avez-vous contracté votre main dans un effort intense ? Pendant que la face blême de la lune était apparue à l'embrasure de la fenêtre, elle avait prit Pierre en main. Elle y avait mis du cœur à l'ouvrage, épousant parfaitement la forme du membre, ça la ravit encore. Une douleur dans le coude la ramène illico à maintenant, une semaine qu'elle ne se sert plus de son bras droit palpé et malaxé en cet instant par l’osthéo. Il le tire tout du long, saisit l’espace entre le radius et le cubitus d'une main de fer et débloque le coude, crac ! Elle jauge la fragilité de sa constitution et le prix du plaisir, elle envie la solidité des tractopelles et des cargos, aspire devenir inébranlable dans une prochaine vie. Pour une fois qu’elle s’abandonnait à son instinct dans les grandes largeurs.


Et quand pourrais-je reprendre mon sport préfèré ? Pas demain, lâche l’osthéo. Dans 807 jours, avec un peu de chance. Je vous conseille d'y aller mollo avec le bras droit en général et de développer votre côte ambidextre... Elle sort du cabinet avec l’impression d'avoir été prise en flagrant délit de main dans le pot à confiture et les larmes montent d’un coup. Rauque, un sanglot jaillit.

vendredi 12 novembre 2010

#246 – Cassé

Ils n'étaient pas faits pour être ensemble. Je pouvais le voir en décembre. J'en étais sûre en mars. Ils auraient pu le deviner bien avant le rituel du « pour le meilleur et pour le pire ». Mais ils l'ont quand même fait en août.


12 Novembre. 08:07. Elle fume dans sa chambre et la fumée bleue monte jusqu'au plafond. Elle fait tomber les cendres dans une soucoupe. La cigarette a un goût amer. Elle regarde dans le miroir et pense qu'elle devrait acheter de la Visine en allant au bureau. Il est peut-être encore en train de travailler, et son téléphone portable est sûrement mis en mode silencieux. Il travaille avec des clients américains, pas étonnant qu'il travaille tard. Pas étonnant qu'ils se parlent à peine. Pas étonnant qu'elle ne soit toujours pas enceinte.


12 Novembre. 02:46. Il n'est pas encore ivre, il peut boire davantage il en est sûr. Pas ivre, juste fatigué. Cassé.

jeudi 11 novembre 2010

#245 – Vendredi 15 octobre 2010

Là-bas, à 800 mètres sous terre, 200 invités triés sur le volet sabrent le champagne, le dernier pan de rocher est vaincu. Aujourd'hui une merveille industrielle est née au coeur du Massif du Gothard : 57 kilomètres d’un tunnel nouant solidement le sud avec le nord.


Là-haut, à la verticale du puits d'accès, un mineur prie les yeux tournés vers le ciel. Il a placé 7 mètres plus haut, dans la voûte de l’église de Sedrun, 50 kilos d’explosifs. Il veut honorer ainsi ses 9 amis morts pendant les travaux et nouer le bas avec le haut.


Lorsque tout sera oublié je reviendrai à Sedrun.

mercredi 10 novembre 2010

#244 – All night long

23:47:03 j’aurais pas dû boire tout ce café.
23:48:17 pourquoi elle est partie comme ça ?
23:52:35 ces chiffres luminescents de ce réveil cube Orégon commencent à me gonfler.
23:57:08 putain, il n’est pas encore minuit ?
00:01:12 ça y est, on est déjà demain.
00:02:47 j’aurais dû la retenir.
00:03:09 connasse...


00:05:22 j’ai trop chaud.
00:05:32 je vais me branler, ça va me détendre.
00:06:13 gnnn gnnn gnnn
00:06:58 gnnn gnnn gnnn
00:07:22 oui, mmm, oui...
00:07:49 ah... ah... ah...
00:08:00 Ouiiiiiiii...


00:08:07 je t’aime, reviens, merde.

mardi 9 novembre 2010

#243 – Germaine & Edmond

C’est la grande chevauchée, brides rabattues, casaques vertes toques noires cravachant leurs montures. Colchique dans les près est en bonne position... Elle est où la télécommande ? Tous ces culs hauts montés me donnent le vertige. Germaine, je change de chaîne. Zip...


Le peloton roule en formation. L’échappée est loin devant. La montée de l’Alpe d’Huez et ses 807 tournants est éreintante. Regardez le gros plan sur le champion de la grimpette, voyez… Quelle vision affligeante que le frétillement de ces moule-bites ! Change, Edmond. Zip...


Monte le son Edmond, je n’entends pas. Ah, voilà : Peintures de Delacroix, Cul-de-four de la Paix, peinture à l'huile et à la cire (7,35 x 10,98 m).

lundi 8 novembre 2010

#242 – Ombre portée

Une ombre venue du ciel irradie les voies, les maisons, terrasse les clochers. Façades éteintes à volets tirés, murs terreux. Le silence s’engouffre dans le dédale des ruelles, brusquant la vie dans ses moindres recoins, tourmentant l’herbe jaunie entre les pavés. On n’entend plus les oiseaux. Un voile s’est posé sur la ville, les visages raidis sous son étreinte. Tous tendus vers le firmament, les yeux encerclés de lunettes en polymère noir.


8 heures 07. On attend sur la plage de Dieppe. Ciel et terre unis dans un horizon grivelé préfigurent un crépuscule anticipé. Il y a des vols suspendus, des frissons soudains, le froid au milieu de l’été.


Un trou noir. La silhouette lunaire recouvre le Soleil. Une couronne lumineuse encercle l’astre dévoré. En bas, les visages assombris par l’ombre projetée sur Terre. Tremblants derrière les lunettes, bouches bées. Une onde de peur se répand, et si ça dure, la fin d’un monde.

dimanche 7 novembre 2010

#241 – Voyance

Huit ans de malheur, c'est ce que le grand marabout lui a prédit, sauf s'il lève le sort pour la modique somme de 807 euros.


Ô merveille ! S'écrie la voyante en découvrant dans sa boule de cristal un chemin pavé de roses, un mariage princier et beaucoup d'enfants.


Sept nains exactement. Le marabout était bourré semble-t-il.

samedi 6 novembre 2010

#240 – Radiation

Il marche. Il avance contre vents et marées, contre la mémoire de sa naissance et contre les 807 signes de sa mort. Il va de l’avant et pénètre toujours plus profondément la matière compacte de la foule. C’est un lutteur, un combattant, un résistant de la première horreur, un fanal dépenaillé pour ses semblables égarés comme lui sur l’arête blessante du monde. Sa voix voudrait convaincre la multitude inquiète qui crie des paroles crues, des slogans rouge sang.


Flash. Le soleil de magnésium grille les révoltes. Après le grand souffle brûlant, des silhouettes noires restent plaquées sur le sol irradié.


Il avance seul, maintenant. Son corps filtre la lumière qui le traverse ne laissant passer que des particules de suie. Cela lui donne une ombre dense, épaisse, grumeleuse tant la lumière est faible. La surface de son ombre est pelliculeuse et desquame quand la pluie bleu cobalt crépite sur le sol cramé. Sa voix est sans écho maintenant. Il avance plus lentement. Les rayons trop vifs carbonisent ses cellules de chair. Son ombre s’alourdit au fil de la journée. Elle devient de plus en plus pénible à tirer. Il fait très attention à elle mais, parfois, par maladresse, il piétine sa flaque grasse, s’en met plein les chaussures et laisse la trace brillante de ses pas sur les trottoirs de la ville schématique.

vendredi 5 novembre 2010

#239 – Superstition et peur

– Quelqu’un vous veut du mal ! Je vois un homme jeune qui...
– Improbable ! trancha-t-elle en se levant.
L’attitude moqueuse de sa cliente avait vexé la tireuse de cartes. Et c’est pour se venger sans doute, et alors que l’autre s’apprêtait à passer le seuil de sa porte, qu’elle ajouta :
– Méfiez-vous !


Pour elle, tout était présage : un volet qui bat, un mouchoir qui tombe. Et tout ce qui était trouble la troublait. Le bruit du vent dans les branches d’un arbre, le regard d’un chien, l’aspect fantomatique d’un objet du quotidien, l’entraînaient dans huit cent sept territoires inconnus où sa raison n’avait aucune prise, impuissante qu’elle était à la maîtriser.


Je connais ses habitudes et m’y soumets avec bonne humeur. Je sais que ses 807 marottes les plus récriminatrices, comme le pli particulier qu’elle donne à une serviette, la disposition arithmétique des objets sur la table... masquent une peur lointaine d’enfance.

jeudi 4 novembre 2010

#238 – Le compteur

Tous les 807 kilomètres elle remet à zéro le compteur de sa voiture.


Elle l'admettrait volontiers si on le lui faisait remarquer : c'est d'une crétinerie absolue.


Et pourtant, ajouterait-elle, parfois quand on aime, on compte.

mercredi 3 novembre 2010

#237 – Mythique

807 belles histoires par jour. Et la vôtre, elle commence quand ?


Il hésitait à cliquer. Commencer une histoire n’est rien, mais lui trouver une fin digne de ce nom...


Qu’on lui demande son numéro de carte bleue le ramena vite à la réalité.

mardi 2 novembre 2010

#236 – En arrière, marche

J’étais un peu ivre je l’avoue. Il faisait nuit et pluie, je le concède. En traversant cette rue étroite à sens unique, j’avais pourtant bien regardé à droite puis à gauche. Alors, ces feux rouges de cette voiture, ils auraient dû s’éloigner, forcément. Bien trop engagé en ce milieu de chaussée, bien trop imbibé pour mettre en action la mécanique complexe de mes reflexes, j’eus néanmoins un sursaut de lucidité pour imaginer que la marche arrière était aussi une option d’utilisation sur la plupart des véhicules à moteur. Un poil trop tard, j’en conviens. Alors, pourquoi perdre mes forces à vouloir m’extirper de ce pneu bien trop lourd pour mes petites entrailles ? Et quelle victoire célébrer en parvenant à hisser mon visage sur la plaque d’immatriculation qui était bien trop près pour en décrypter quoi que ce soit ?


Lorsque l’automobiliste enclencha la première et que sa carrosserie s’éloigna de mon visage, ce fut donc un réel plaisir, malgré cette ultime douleur fatale, de pouvoir lire en lettres d’argent : 807.


Un peu moins idiot, je libérai mon dernier souffle.

lundi 1 novembre 2010

#235 – Sublime élégance

Celui qui nous a quittés a invité 806 de ses admirateurs à l'accompagner au Père Lachaise.


Dernier coup de génie du bonhomme.


Il faut compter avec les morts.