jeudi 14 novembre 2013

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              À l’origine, la tortue était sphérique. Elle formait même un globe autonome et suffisant qui en tout point tournait le dos à la Terre.
Éric Chevillard (6.11.13)


            La tortue lutte toujours pour se faire entendre, même entre les mains musicales d’un fin luthier — amateur de Ginger ale et de bowling —, qui lui plante deux doigts dans les narines, avant de la lancer sur la piste au lièvre. Strike ! La tortue a dézingué deux gardiens anglais de la paix dressés devant Buckingham Palace. Deux bobbies — qui ont vu que la bête avait fait bobo aux bons soldats — tentent de la saisir par la carapace, aussi glissante que les piquants d’un hérisson tissé au crochet sur une tapisserie d’Aubusson. Résultat, elle a réussi à se faire la malle en passant sous le ventre enfumé d’un taxi londonien. Puis, elle a roulé, a divinis*, dans les avenues pentues de San Francisco, car, fluctibus opes*, et là voilà sur le sable chaud, sa centenaire carcasse dévorant des yeux les eaux bleues de l’océan. Ah ! L’instinct ! Elle brasse à s’en rompre les pattes ; en fait, elle creuse un bout de plage, afin d'y déposer ses œufs précieux qui, au grand jamais — parole de scaphandrier —, ne serviront pas de boules pour une bachique partie de pétanque sur la côte marseillaise, au milieu des tièdes bouffées de pastis.



       Son devoir accompli, la tortue tourne le dos à la terre pour couler à pic au sein du Pacifique, loin des jeux de main de ces vilains humains…


*A divinis « Hors des choses divines. »
*A fluctibus opes « La richesse vient de la mer. »

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