lundi 6 septembre 2010

#179 – Malédiction familiale (2/3) : Alphonse II

Il y a eu Alphonse II. On lui a donné une femme, Élise. Une jolie petite, et vaillante. On l’avait nommée ainsi à cause de sa voix et de la lettre si bien connue qui porte son nom. Élise a fait bien vite tout plein de tout petits minots, filles et garçons. Tous solides et tous beaux. On les voyait courir sur le gazon et patauger dans l’eau, hardi petit, à faire tout plein de saletés. Un plaisir, de les voir. La vie partout.


Mais un jour, allez savoir pourquoi, l’enfant a voulu rire un peu. S’amuser. « Alphonse, Alphonse », il a appelé. C’est qu’il l’aimait son Alphonse II, tout comme il avait aimé l’autre, le premier. Alphonse à la voix de l’enfant, a tourné la tête. Ce n’était pourtant qu’une carabine de gosse, absolument sans danger, surtout sur un corps où tout glisse, tout le monde sait ça. Mais Alphonse a baissé la tête à ce moment-là. Et toc ! En plein dedans ! Tout près de l’œil. Et Plop ! Alphonse est tombé d’un coup, sur le côté. L’enfant l’a mis dans la barque et jusqu’à l’île l’a mené, blanc, de douleur et de rage. Derrière lui, Élise suivait à la nage. Et elle pleurait. De toute la force de son corps, elle pleurait. Elle avait donné des coups à Alphonse, des petits coups d’amour, partout sur son corps : Réveille-toi, Alphonse, réveille-toi, j’ai besoin de toi, Alphonse, je t’aime, Alphonse. Car elle l’aimait. Mais rien.


Élise est restée longtemps, dressée sur la tombe, à gueuler son deuil vers le ciel. Le cou tendu vers les étoiles : 807 étoiles, et la lune aussi seule qu’elle, là-haut. Un jour et une nuit, au moins, à crier sa peine. Et ça vous broyait les entrailles, de l’entendre. L’enfant n’a entendu que ça, de son lit. Et il se rappelait la corde d’Alphonse le 1er. Et le coup de carabine, pour rire. Et l’enfant avait mal, et l’enfant avait honte. Tout ça, c’est sa faute.

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