vendredi 15 février 2013

le fil de ses maux


        
              Il a perdu le fil de ses maux, comme tout ce qui l’entoure. Il a cherché vainement les pinces, pour les étendre sur le fil. Le fil des mots. L’alphabet semble absent. Le A s’en va, le B tourne en rond, le C joue au plus fort, le D se sépare, le E s’éloigne, le F s’en fiche, le G n’aime que les gâteaux, le H est trop haut, le I est presque invalide, le J les juge, le K pose son képi bien droit sur la table, le L est sans elle, le M se meurt, le N nie tout, le O est frappé d’oubli, le P est en train de partir,  le Q essaye d’être quelqu’un, le R est enfin résigné, le S ne pense qu’au sexe, le T va de travers,  le U essaye d’être utile, le V est déjà encore en voyage, le W saute dans un wagon, le X est un peu xénophobe, le Y ferme les yeux, même le Z est au zoo.


             Comment va-t-il s’y retrouver ? Comment choisir une émotion qui enfin se tiendrait devant lui ? J’ai promis de lui tendre la main,  lentement, l’approcher de ses cheveux, le caresser, doucement. Lui dire, je suis ton égale. S’envelopper dans notre accolade. J’en profite pour évoquer ces 807 vérités qu’il racontait, avant, dans un radieux éclat de rire. Tous ces possibles en lui. Le fil est tendu, les pinces sont perdues, la mémoire nous échappe. Le temps passe. Il évoque sa peine, sa longue solitude, sa liaison d’avec sa quête, la fuite des mots.



            Puis lentement il se souvient.

2 commentaires:

  1. Le style nous permet de suivre à la lettre, le fil de l'être qui se glisse, à pas feutrés, dans les abimes du souvenir ! Bravo !

    RépondreSupprimer