Il a perdu le fil de ses maux, comme tout ce
qui l’entoure. Il a cherché vainement les pinces, pour les étendre sur le fil.
Le fil des mots. L’alphabet semble absent. Le A s’en va, le B tourne en rond,
le C joue au plus fort, le D se sépare, le E s’éloigne, le F s’en fiche, le G
n’aime que les gâteaux, le H est trop haut, le I est presque invalide, le J les
juge, le K pose son képi bien droit sur la table, le L est sans elle, le M se
meurt, le N nie tout, le O est frappé d’oubli, le P est en train de
partir, le Q essaye d’être quelqu’un, le R est enfin résigné, le S ne
pense qu’au sexe, le T va de travers, le U essaye d’être utile, le V est
déjà encore en voyage, le W saute dans un wagon, le X est un peu xénophobe, le
Y ferme les yeux, même le Z est au zoo.
Comment va-t-il s’y retrouver ? Comment choisir une émotion qui enfin se
tiendrait devant lui ? J’ai promis de lui tendre la main, lentement,
l’approcher de ses cheveux, le caresser, doucement. Lui dire, je suis ton
égale. S’envelopper dans notre accolade. J’en profite pour évoquer ces 807
vérités qu’il racontait, avant, dans un radieux éclat de rire. Tous ces possibles en lui. Le fil est
tendu, les pinces sont perdues, la mémoire nous échappe. Le temps passe. Il
évoque sa peine, sa longue solitude, sa liaison d’avec sa quête, la fuite des
mots.
Puis lentement il se souvient.
Le style nous permet de suivre à la lettre, le fil de l'être qui se glisse, à pas feutrés, dans les abimes du souvenir ! Bravo !
RépondreSupprimerMerci.
RépondreSupprimerM@claire