mardi 16 septembre 2014

le Tartux


      
      Voilà, c'est cette dernière chute de glace qui termine cette histoire ; entre nous j'en avais un peu marre de tous ces jobards. Ils voulaient à tout prix rejoindre le versant Est, je les ai embarqués tellement plus loin. Quelle chance de Bidard ils ont eu un temps pareil au mois de décembre ; j'ai cru qu'ils allaient jamais dévisser. Heureusement, j'ai chopé le sac à dos de Max, y a sûrement le Tartux dedans. En tout cas, ils avaient l'air suffisamment inquiet pour me suivre au bout du monde, c'est le principal.                                   

      Le Tartux, vous vous demandez ce que c'est, vous avez raison, rares sont ceux qui le savent; je vais vous révéler son secret. C'est une sorte de code très ancien, jamais numérisé et dont il ne subsiste que quelques exemplaires ; l'essentiel de son contenu est sans intérêt, mais ce n'est pas le cas de l'article 807. Un article qui détaille les étapes du protocole en vigueur au Royaume Givré. Autant dire que sans le Tartux, c'est assez suicidaire de s'y aventurer, même si c'est juste pour atteindre le versant Est. J'essaye de tourner ses pages, j'ai du mal à en saisir une entre mes doigts gelés, enfin voici l'article :

      Article 807 - Tout d'abord, le Givré se repèrera alentours quand le vent d'Est tournera à pi/2. Il faudra s'y diriger à la cadence de huit pas par minute. Au bout de 19 fois 4 secondes, on n'entendra plus le Vent qui soufflera pourtant avec une force croissante. 


      Une gifle glacée, je sursaute, le vent s'est levé. J'enjambe le cadavre congelé de Max, aux aguets. J'inspire et regarde ma trotteuse pour marcher à la bonne cadence. Le vent vrombit de plus en plus fort, ça m'inquiète. Je referme mon col, enlève mon écharpe et la laisse flotter dans le vent, je vois de combien de degrés il a tourné. Un angle droit, bon, allons-y. Je dois me faufiler sous ces immenses surplombs de glace. Tout à coup : silence. Un froissement au dessus de ma tête, un craquement. Un rugissement de la glace. Le blizzard silencieux coalesce en une forme gigantesque, une vague de danger me submerge, j'écume. Un craquement...


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