dimanche 25 avril 2010

#95 – Alice et le lapin

Alice connaît exactement le bruit que fait un corps projeté contre un mur. Et elle peut dire avec exactitude la morphologie des filles qui s’écrasent comme des balles molles dans l’appartement d’à-côté. La grosse a un bruit qui s’étale, la maigre se reconnaît à son cliquetis d’os, la grande, elle, fait vibrer la paroi, de la plinthe au plafond...


Le voisin est un chaud lapin, chaque soir une fille en jupe courte le suit. Elle laisse au petit matin des traînées de patchouli, de rose ou de jasmin dans l’allée du jardin. C’est un beau brun à moustache avec un chapeau noir. Il porte des gants blancs, et fume des cigares. Il répète en boucle « je vais être en rrretard » (avec trois r, car il les roule, œil de braise et air latin).


Chaque nuit le flamand rose, allongé près d’Alice, râle. Il a le sommeil léger.
Des petits halètements, des grognements, et puis des claques.
Des injures, des soupirs, et puis des coups.
Des sons mats, des impacts sourds, et des bruits lourds.
Un voisin joue à la patate qu’on balance du lit. La fille splashe contre le mur et pleure presque sans bruit...
– Alice, s’il te plaît, fais quelque chose... dit l’oiseau en claquant du bec, excédé.
– Chut !!! Écoute les larmes tomber... répond Alice en baisant son cou, de sa langue rose.
Elle compte lentement, le visage niché dans les plumes, les larmes qui s’échouent sur le parquet.
Généralement, quand elle arrive à 807, son flamand ronfle...

2 commentaires:

  1. Alice t'inspire et ton imagination n'a pas de limite ! Plus que saisissant ce texte qui claque fortissimo !
    Tu m'impressionne, ma belle !
    Baci
    Marie

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  2. Tu m'impressionnes tellement que j'en ai perdu le S !
    Baci bella
    Marie

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