dimanche 27 novembre 2011

Dans le nez

Nous débouchons dans une crypte où attend un croulant, barbe blanche, yeux de merlan bouilli, visage livide ; la coupe que tu lui tends débordante du sang d'un bélier sacrifié, il la porte à ses lèvres, à chaque gorgée sa peau reprend les couleurs de la vie, celle qui resplendit au soleil et déserte cet endroit ; l'ancêtre demande si tu es seul ; ça fait des calendes que, aveuglé par l'espoir, tu attends son oracle, il est sensé t'éclairer sur ton retour dans l'île ; en fronçant les sourcils, tu me fais signe de rester immobile et bouche cousue, tu me gaves et enchaînes : Il n'y a que moi ici, prêt à écouter tes visions... j'aperçois à gauche une galerie pavée de sombres intentions... au loin un fleuve souterrain plus obscur que le pot-au-noir qui avait failli engloutir notre embarcation... Du coup, nous plantons le vieux ; à grandes enjambées tu fonces dans la galerie ; lâchant la place pour l'ombre je rejoins le fleuve, y plonge ma main ; son eau trouble ne me dit rien qui vaille, je reste sur ma soif, on avait festoyé de fèves avant de descendre dans ce trou... Le croulant patiente dans la crypte ; tourmenté, avec un pet de travers, tu arpentes la galerie ; je t'observe, aimerais mettre les pieds dans le plat de vos salamalecs, ça rime à quoi tes mystères, cette façon de me demander de faire comme si je n'étais pas là ; dans l'ennui les clapotis du fleuve résonnent, 666 petites vagues, faiblardes pas comme celles de la mer qui me manquent terriblement... La crypte est déserte ; dans la galerie on attend, (peut-être un moment propice pour une prédiction de derrière les fagots ?), justement le vieux, je l'ai bien à l'œil, maladroit il longe le fleuve, est-ce qu'il te cherche, va-t-il te monter un bateau ? Je retourne dans la crypte ; dans la galerie tu médites (tu te mets le doigt dans la pupille en espérant qu'une prédiction puisse abolir le hasard, car rien ne nous détourne de notre destin erratique et au royaume des aveugles, tu n'as plus rien d'un roi...). Crypte et galerie vides ; au bord du fleuve froid où cent quarante et un clapotis refluent, je réalise que je ne sais compter au-delà de 807, le vieil aveugle, toi et moi ne te quittant plus d'une spartiate ; sans vouloir jouer les Cassandre comme l'impression que votre entrevue va tourner en eau de boudin ; œil pour œil, tu vas payer le fait de me dissimuler ; trop de choses retenues, je lâche un vent retentissant, oui je pète, l'ancêtre prend un air dégouté et aboie : Traître, mais qui est avec toi ?



Musique originale composée par Xavier Brillat et Michel Gaspérin, tous droits réservés.

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