jeudi 30 octobre 2014

Nettoyage insulaire


   En 2012, on pouvait lire aux éditions de Minuit, page 9 et 11 de L'auteur et moi d'Éric Chevillard ceci : « Il est en revanche, dans ce même cimetière, une tombe qui l'attire irrésistiblement, où sa mélancolie trouve un charme qui la berce, qui l'apaise et la change en un sentiment très doux, voisin de la sérénité, une tombe simple et modeste, un tertre de gazon ceint d'une bordure blanche et planté d'un rosier jaune, avec en son centre une dalle de marbre portant en lettres dorées les noms de ses occupants et les dates entre lesquelles s'écoulèrent leurs jours : Dina Egger et Nino Egger. » « La rêverie émue de l'auteur tournait depuis longtemps autour de ce drame et de ce tombeau et il résolut de mêler les deux prénoms, Dina et Nino, lorsqu'il conçut le personnage de son dernier livre. » « L'auteur apprend qu'elle fut une belle jeune femme au teint clair, Suisse allemande, architecte urbaniste, drôle, engagée, féministe, amoureuse, et qu'une lame de fond l'a emportée sous les yeux de son compagnon, alors qu'ils se promenaient sur la côte sauvage de l'île, le 31 décembre 1985. La mer n'est pas ton amie, avait-elle confié quelques mois plus tôt, lors d'un séjour à Naples, à Élisabeth, qui, elle l'était, son amie. » 
En 1986, on pouvait lire dans la publication intitulée Transpositions, les actes du colloque national (organisé à l'Université de Toulouse-Le Mirail, sous le patronage de la Société française de littérature générale et comparée, 15-16 mai 1986), page 105, un hommage d'Élisabeth : « Ce texte aurait dû être rédigé avec Dina Egger, architecte. Elle a quitté ce monde le 31 décembre dernier. Je dédie donc à sa mémoire le fruit de nos conversations passionnées et heureuses pendant l'été 85, à Naples et à Aix : tout petit signe de mon affection et de ma tendresse. 
" Les mots ont trop menti, leur crédit est épuisé. 
Je le dirai avec des pierres, rien que des pierres " 
La maison des Prophètes, Seuil, 1984, p. 144. »
En 2014, on pouvait lire aux éditions de Minuit, page 33 de Pour Éric Chevillard (co-écrit par Bruno Blanckeman, Thiphaine Samoyault, Dominique Viart et Pierre Bayard) ceci : « À la démesure élémentaire du réel et ses imprévisibles flux, dont la "lame de fond" emportant sur son passage la promeneuse d'hiver de l'Île d'Yeu pourrait être la manifestation, répond en écho le discours du bavard, les flots incessants d'une parole qui, aux seules digues de ses tropes, tente de faire barrage contre son propre Atlantique. » 




  Stella Maris prit connaissance de cette légende littéraire et chevillardienne. Elle avait lu le livre Dino Egger d'Éric Chevillard. Cette lecture l'avait beaucoup amusée (on peut lire ses billets sur l'Espace Childfree : 164169178213214216232). Son ami de la Toile Joachim Séné avait aussi poursuivi l'œuvre d'Albert Moindre (on peut apprécier avec gaîté ses inventions ici) . Elle voulut vérifier sur place l'exactitude des confidences romanesques du maître Chevillard et elle se rendit sur l'Île d'Yeu. Huit heures de route, zéro stress, sept jours de clôture insulaire. Après des heures passées dans les allées du cimetière, Stella Maris trouva enfin la tombe à l'état sauvage : 





   Stella Maris se remémora cette phrase chevillardienne : « La tombe embroussaillée demeure un beau jardin pour le songe et la méditation. » Mais le songe et la méditation n'étant pas sa tasse thé, elle décida de prendre en main ce « beau jardin » avec son amie de chair et de sang Florence qui mit du cœur à l'ouvrage car Stella Maris ne voulut pas risquer de s'écorcher les mains avec les épines des rosiers jaune et roses. Les deux complices purent enfin après deux heures d'effort pour Florence et de contemplation pour Stella Maris se recueillir sur la tombe nettoyée et arrosée :





    On laissa même une petite étoile de mer sur le marbre qu'on acheta à Port Joinville. On pria pour les âmes des disparus qui ne faisaient plus seulement partie à présent de la constellation chevillardienne mais aussi stellamarisienne et florencienne. 

1 commentaire:

  1. le journal s'etait trompe en annoncant la mort d'une architecte de 73. je m'interrogeais sur la concordance entre cet age et cette profession.J'avais revu Dina a Avignon quelques semaines auparavant apres 10 ans sans nous rencontrer.
    Debut janvier 86 la lettre que j'avais ecrite a Dina me revint avec l'annonce ce sa mort sur l'ile.
    Combien de jours et d'heures ai-pleure
    est ce la qu'il faut dire 807 ?
    Avril 92 j'ai pu faire le voyage sur Yeu
    la tombe les noms les rose jaunes
    installe une plante.
    J'avais amene ma lettre
    je l'ai brule sur la tombe puis melange les cendres dans la terre au pied du rosier.
    Daniel.

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