dimanche 24 avril 2011

Nuit garou

Dans cette nuit absente de lune, on n’y voit goutte. On avance à l’oreille, dans un raclement de gravier. Du plat sous les semelles. La route. La sueur dégoulinant jusqu’aux tempes, courir, courir, yeux écarquillés pour déchiffrer les ombres, nos enjambées s’étirent sans fin... Sur la droite, une branche craque. Tout en courant tourner la tête, 807 feuilles viennent de frémir, deux lueurs percent l’obscurité. Frisson glacé le long de la colonne vertébrale juste de percevoir un grognement. Sans se retourner, foulées sur le goudron, on accélère. Dare-dare la course acide, la course à tout rompre. Des jappements acérés se rapprochent petit à petit. Les mollets brûlent, la bouche s’assèche. La peau perçoit la silencieuse vibration de l'air. Qu'est-ce qui se tapit entre les buissons secs, quel estomac se tord, quelles babines se relèvent. À qui ces griffes qui raclent ?


On jouerait un rôle dans une chasse, un rôle quelconque. Tout est clair comme en plein jour. Quelle odeur de chair réjouissante. On s'expose, on gagne encore du terrain. Rugir ce n’est pas la peine. Avant le bond, se contracter, la fraîcheur de l’air fuse le long du dos, s'exploser, s'élancer, une douceur ouatée amortit l’élan de notre patte gauche. On touche au but. Dans des éclairs de griffe, on déchiquette facile. Faucher ainsi chaque nuit et que jaillisse le flot chaud du festin. Les os se broient facilement. La moelle est délicieuse. On n'a pas rugi, ce n’est jamais la peine. Les crocs sortis, la viande est vie. Des vautours se décrochent la mâchoire dans l'obscurité et ça fait des petits clics.

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