jeudi 10 novembre 2011

Sourde et mouette

À l’horizon, l’océan fermentait sous la quille des navires silhouettes, îles de métal posées sur les brisants. S’asseoir sur un rocher, ne plus bouger. Attendre. Profiter seulement de la douceur de ce mois d’octobre, de l’odeur du varech et des lubies du climat. Bâillonner le langage intérieur qui babille en permanence. Ne plus penser. Étouffer ce bruit de fond parasite qui pervertit toute spontanéité et renforce le sentiment de solitude. Atteindre un état végétatif, le temps de générer une nouvelle vie, sans mémoire. Sourde au grouillement de l’âme.


Alice concentra son regard sur la ligne de vagues qui frappait les roches. Elle se laissait bercer par le rythme de la marée en essayant de laisser filer sans les retenir les 807 pensées qui lui venaient, souvenirs ou questions obsédantes. Incapable d’endiguer ce flot intime, elle tentait au moins de ne pas s’y noyer, de se laisser porter, de n’être que sensation hors de toute conscience, comme les nuages indifférents qui filaient au loin. Elle fut un court instant la mouette frôlant la crête des vagues ébouriffées par le vent, portée par les courants ascendants, ombre violette sur le gris vert de la lande. Elle survola à haute altitude un chalutier qui revenait au port, ses hélices tissaient des dentelles blanches et vertes à son arrière. Vertige. Revenant brutalement à la réalité et prise de panique, elle battit des ailes si vite que son cœur explosa en plein vol.

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