jeudi 15 décembre 2011

Bonne pomme

Elle aime particulièrement ce moment où le silence descend sur les grands arbres, quand le bleu du ciel enlace la nuit, dépose sur ses joues un baiser et disparaît lentement derrière la forêt. Tout le jour, elle l’a passé à nettoyer, laver, cuisiner, ne s’accordant une pause qu’à midi, le temps d’un déjeuner frugal et d’une courte sieste à l’ombre d’un chêne centenaire. Elle ne pensait pas que cette vie simple lui apporterait autant de réconfort. De son passé, elle ne garde que de vagues souvenirs zébrant sa mémoire. Flashs de cris, de larmes, de menaces, de coups. Elle s’est enfuie une nuit, n’emportant avec elle que ses vingt ans et sa rage de vivre. Elle a marché longtemps traversant la ville et la campagne avant d’atteindre l’orée de la forêt. Les arbres étaient denses, serrés, menaçants. Eux non plus ne voulaient pas d’elle, semblant lui dire dans un bruissement de branches : fais demi-tour, va-t-en, tu n’es pas des nôtres. Mais elle savait que la profondeur du sous-bois la protégerait et que jamais personne ne l’y retrouverait. Alors elle a marché encore, droit devant elle, jusqu’à arriver ici, dans sa nouvelle maison, au cœur de la forêt. Elle sourit à la nuit qui s’avance, étire ses bras endoloris d’avoir pétri, haché, épluché, remué, toute l’après-midi. Elle voulait que tout soit prêt pour leur retour, que la petite fête organisée en leur honneur soit un succès. Ils ont été si gentils avec elle, l’accueillant comme leur enfant perdue sans jamais lui poser la moindre question. Des pas légers se font entendre sur le chemin jonché de feuilles. Bientôt, ils apparaîtront en file indienne : Timide, Prof, Grincheux, Atchoum, Simplet, Joyeux, Dormeur. Ses chers nains.


Suivis de leurs huit cents invités.

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