vendredi 20 septembre 2013

Répondre à la Question

Je l’ai reçue ce matin dans ma boite mail. C’est dans trois ans. Dans trois ans et cela a un prix. Mais trois ans ce n’est rien. Et quand on aime, quand on aime vraiment, on ne compte pas ce qui est nécessaire à la réalisation de son attente. Et j’ai le désir d’être une femme quelles que soient les épreuves à traverser.
Elle vient dans trois ans faire un concert à côté de chez moi, dans mon pays. Le mail le dit qui envoie l’information à tous ceux qui l’aiment. Alors, le ciel bleu peut bien s’effondrer, la terre s’écrouler, je souscris dès aujourd’hui à un crédit pour acheter la meilleure place. Mon amour est grand comme la peine que j’aurais à ne pas la retrouver.
Etre une femme, c’est avoir une destinée. La mienne est là : dans cette somme d’argent à réunir. Et qu’importe le flou pour l’instant. L’assistante sociale, la conseillère de Pôle Emploi, la voisine et le compagnon disent que c’est une folie. Qu’importe. Ils sont lâches. Quand on aime, les autres ne peuvent plus vous en conter.



J’aimerais tellement ressembler à Céline, avec un regard de braise calme sous lequel souffle le tempo de la passion, une chevelure de lionne blonde avec un tombé tout à la fois lourd et souple et sans plus jamais de pellicule, un grain de peau impeccable comme un désert que le regard frôle mais ne pénètre pas, une bouche offerte, lisse, brillante de promesses qui ne se violent pas.
J’aimerais tellement ressembler à Céline. Je passerais mon temps à chanter, même bouche fermée, même dans le silence. J’aurais des cours d’amélioration de mes constantes et des cours d’optimisation de mes formes. Sans douleur, sans regret, avec accompagnement. Je répondrais à des questions pour lesquelles je connaîtrais les réponses qu’on aurait construites. Je voyagerais. Je prendrais beaucoup la lumière, la limousine et l’avion privé.
Je serais femme, tellement femme. J’aurais des seins incroyables et des fesses juste ce qu’il faut, une taille qui se fasse passage, chemin fin et précieux entre ma cage thoracique et mon bassin. Et si le temps passe, inexorable pour ses cruautés, c’est moi qui ferais tout pour le regarder passer chez les autres. Et qui réussirais.
Femme, j’aurais des hommes tout autour de moi pour s’occuper de moi et non pas moi pour m’occuper d’un seul. Femme, on me regarderait, on me trouverait précieuse comme une larme de princesse.
Femme, comme Céline, je serais Femme qui chante, et qui crie, comme dans l’amour, comme quand les gens s’imaginent des sons pour illustrer le plaisir. Pourtant, s’il est un territoire où je suis muette, malgré les recherches … optimiser ? redessiner ? trouver une issue ?... c’est sur le plaisir. Sur le plaisir de Céline.
Céline, quand tu fais l’amour, est-ce une aventure toute aussi travaillée de spontanéité calibrée ?
Sais-tu, Femme ?
Femme, vraie, femme, pleine, femme, quand j’aurai la réelle réponse à cette question, j’aurai 807 raisons de ne plus me poser de question sur la féminité. Et si un doute encore persiste, alors, arrivée à ce stade de plénitude optimisée, là, je me suiciderai. Je suis sûre que ça fera vendre.



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