samedi 15 mai 2010

#115 – Poison

C’est lui qui a commencé. C’est ce que je me répète tous les matins depuis ce fameux 13 septembre. Ce jour-là, j’aurais dû tourner 7 fois ma langue dans ma bouche avant de mettre le pied à l’étrier.


Une fois de plus, il m’a coupé la parole. Comme ça, tout à trac, lors de la réunion de service. Et pour dire quoi ? Exactement ce que je lui avais confié la veille, à propos du projet. Il a exposé mon point de vue, mes idées, mes mots. À la fin, tout le monde l’a félicité. J’ai attendu quelques jours, le temps de me procurer l’arsenic. Puis je l’ai invité à déjeuner. « Pour fêter ça », lui ai-je annoncé. J’ai trinqué à son succès, en prenant soin de vider le contenu de mon arme dans son verre. Je l’ai regardé se contorsionner sur le sol, en proie à des spasmes d’une violence incroyable. J’ai fait semblant d’appeler les pompiers en fixant ses yeux écarquillés. De sa gorge sortait des sons rauques, de plus en plus étouffés. Le poison achevait son effet. Je suis sortie du restaurant, soulagée, en me disant : « En voilà un qui ne parlera plus ».


J’y ai pris goût. À chaque fois, c’est différent, j’affine mon scénario. Je suis devenue experte dans l’art de mêler le poison à toutes sortes d’alcools. J’ai commencé une carrière internationale, si bien que je change de ville, de pays, de continent. J’en suis à ma 807e victime.

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