mercredi 19 mai 2010

#119 – Le jeu de la botte de foin

La vieille femme s'approchant de son miroir et tendant la main vers la boîte de cosmétiques, le curé se penchant sur l'autel et effleurant du doigt le ciboire empli d'hosties consacrées qu'il s'agira de déposer sur des langues tendues, l'écrivain, enfin, ouvrant l'application Word et posant ses doigts, consciencieusement, sur les Q SDF G H JKL M, ne partagent-ils pas tous la fatigue de la redondance, l'espoir du miracle et la niaiserie quotidienne du Jocrisse ?


Parfois, je m'imagine tous les mots que j'ai déjà écrits comme autant de petites fourmis noires, innombrables, affairées et vaguement répugnantes, montant à l'assaut de mes obsessions, en rang serré. J'en appelle au fly-tox, avant de réaliser que ce dernier mot, étrange, un peu désuet et hérissé de lettres rares comme de fines antennes, a tout à voir avec la mante religieuse, et que c'est à cause du plaisir de le contempler que j'ai commencé cette phrase.


Se dire qu'il va falloir pourtant, un jour, tirer son épingle du jeu de la botte de foin. Penser à la meule que représentent les mots de 807 écrivains... Et se dire que parmi eux, il y a des prêtres ayant perdu la foi, des vieilles femmes enlaidies et des mains atteintes d'arthrose articulaire.

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