mardi 25 mai 2010

#125 – Forever

Memphis, Tennessee. C’est ici que j’ai atterri, à quelques pas de Graceland, entre la piscine et la propriété où, chaque jour, des centaines de touristes affluent.


Avant, j’étais colleur d’affiches dans le métro parisien. Dès l’ouverture des stations, je sillonnais les quais avec mon sac en toile de jute, ma raclette et mon seau de colle. Mes gestes s’enchaînaient mécaniquement : décoller les anciennes pubs, encoller le papier plié, déplier une partie, encoller, déplier, encoller, déplier, encoller, déplier... Je jouais à imaginer ce qui allait émerger devant moi : une voiture plus rapide qu’une étoile filante, une plage au sable cristallin, des femmes à la cuisse généreuse dont je tentais de deviner la chevelure... Et puis un jour, j’ai eu un choc en découvrant le dernier morceau d’une affiche où s’étalait en lettres scintillantes : « Elvis Presley Forever ». Je me suis mis à placarder sa silhouette sur tous les murs, en fredonnant Always on my Mind. Au fur et à mesure que Le King habillait les stations, je voyais partout : « rendez-vous en août à Memphis pour vivre la semaine d'Elvis ». À la 807e affiche, ma tête a volé en éclats. J’ai laissé tout mon fatras sur le quai, couru à la banque pour vider mon compte, et pris un billet d’avion.


Depuis, je ne suis jamais reparti de Graceland. Je ne m’en plains pas, au contraire. J’ai l’impression de faire partie de quelque chose de sacré, d’immuable, presque autant que la Maison Blanche.

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