jeudi 28 octobre 2010

#231 – Animaux

L’enfant appelle dans la nuit. Sa mère ne vient pas. Il n’ose pas bouger et voit, dans les ombres projetées à travers les persiennes, une savane incendiée où fuient des animaux. 807, exactement… Il s’endort au petit matin et s’éveille adulte, le regard ouvert sur le vide blanc du plafond. Sa mère a disparu depuis longtemps. Elle n’est jamais venue à son secours, la savane a fini par s’éteindre et les animaux en feu ne viennent plus jamais se réfugier dans ses rêves. Il avait pourtant appris à les aimer et à ne les plus craindre...


Mes animaux doux aux yeux d'énigme, d'où veniez-vous, où êtes-vous ? Girafes aux jambes d'herbe, muettes au trop long cou. Mouettes au long cours, ours tranquilles aux mains de miel, en quel sommeil nous aimions-nous ? Et vous, les deux grands bœufs aux sabots de boue, quelle chanson nous vit peiner au creux d'un labour lourd ? Mes chenilles de soie, quel cocon nous protégea ? Qui dévida notre écheveau pour tisser sa robe de noce ? Eh, Cheval des vents ! Petit cheval blanc toujours devant, souviens-toi du trèfle sucré. Nous y dormions debout appuyés sur l'air, bercé par le bêlement des agneaux de lait, mes petits frères de laine. Petits nuages des prairies, quelles tétines d'étoiles tétions-nous sous la voie lactée ? Vous les éphémères, quelle seconde parfumée nous parut un siècle et vit notre chute sous la lampe ? Toi, le taureau rouge, notre sang comète quelle banderille glacée le fit jaillir et rouler mercure sur la poussière ? Quelle clameur mourut avec nous sous l'astre blanc ? Souviens-toi nos coups de cornes contre les vantaux fermés ! Vers quelle ellipse glissons-nous sans fin ? Ce coup au cœur !


Ils meurent les animaux, ceux des rêves et ceux de la réalité. Il repense à cette vieille photographie, un matin de Noël. Il avait le regard clair sous un large chapeau de feutre et brandissait deux colts de plastique. Il a encore l’odeur neuve de la panoplie dans les narines. Il ferme les yeux et cherche le sommeil. Cow-boy de mes nuits d’enfance, fais entrer dans le corral mes animaux tristes et ne chasse pas les oiseaux gais qui picorent leur crottin.

1 commentaire:

  1. Oui, ils meurent les animaux, mais il n'y aura pas une journée sans qu'ils ne nous guettent pour se venger,nous bombardant de fiente, pas une seule de nos nuits qui ne soit hantée d'un cauchemar.
    Le "807" de J. Hamm est une poignante réflexion sur l'amour, le chagrin et la dépossession ; ou comment continuer à vivre dans une société qui nous laisse au bord de la route ? Comment entretenir encore l'espoir de s'y intégrer sans renoncer à l'estime de soi que mille entraves quotidiennes vous incitent incidieusement à abandonner ?

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