vendredi 1 juillet 2011

La symétrie de la peur

Il regarde son ami plaqué sur le mur de terre. Son meilleur ami, il l’aime plus que son père, plus que sa mère, plus que sa femme ou son fils. Comment en serait-il autrement, dans une tranchée ? Ensemble ils survivent à la folie, aux éclats de mort et de chaos. Ça fait plusieurs semaines qu’il attache son regard à la couleur de ses yeux, aux poils de ses bras, à la forme de son cou. À l’instant présent, c’est son nez qu’il fixe intensément, il veut ne jamais l’oublier, se concentrer sur sa forme, et s’en souvenir infiniment. L’autre aussi le fixe, c’est son miroir jour et nuit. La même symétrie de la peur. La terre continue de le plaquer contre elle, pour lui dire, c’est moi ta meilleure amie. Il a déjà honoré la terre, pour aimer une femme. À quatorze ans, la nature l’a appelé, et dans un trou qu’il a creusé, il l’a entendue. Il pense à ça, maintenant, alors que les shrapnels forment un mur au dessus de lui. Reviennent aussi l’odeur et les corps qu’il a caressés depuis que ses mains supportent le fusil.


Le vide se sépare en deux soudainement. C’est l’instant où on les pousse dehors. Il a toujours dans sa tête l’image des fesses d’une fille qu’il a connue plusieurs fois. Il court, comment mille obus peuvent-ils rentrer dans un centimètre carré de terre. Il regarde à droite, son ami court dans les mêmes abysses. La seconde qui précède l’impact de l’obus, des huit cent sept morceaux d’acier dans son corps, et encore en tête les fesses de cette fille.

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