jeudi 29 mars 2012

Le volet

Il pleut. Les feuilles gorgées d'eau se détachent une à une, constellant le sol et le toit de tâches brunâtres et déjà pourrissantes. La maison vacille sous les premières attaques du vent glacial du petit matin. Les nuages lourds et chargés de menaces s'amoncellent en masses informes et boursouflées. Un volet claque. Celui de la chambre rose, celle où dort Clémentine. Rideaux poudrés épais tirés sur de lourds secrets. Papier peint parsemé de roses aux teintes fanées dont elle compta longtemps les 807 boutons pour apaiser ses nuits sans sommeil. Lit imposant et haut, recouvert d'une courtepointe aux tons assortis à ceux des murs. Table de chevet sur laquelle repose une carafe d'eau restée intacte. Grande armoire sombre jetant une ombre vaguement menaçante sur le lit. Chandelle et âtre éteints. Au milieu du grand lit, Clémentine n'entend rien. Ni le volet qui claque, ni la tempête qui gronde. Ses mains pâles reposent sans un tremblement de part et d'autre de son corps immobile. Son visage aux yeux clos, posé au creux du gros oreiller de plume ne tressaille pas. Ses lèvres serrées et son nez pincé dessinent à peine une expression vaguement contrariée.


Tout à l'heure on l'appellera et elle ne répondra pas. Après-demain on mettra son cercueil en terre sous le soleil revenu. Le volet continuera à claquer aux murs de la chambre rose. Ainsi va la vie.

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