lundi 20 décembre 2010

#284 – Mortel été

À un moment donné, le printemps arrivait. Les maisons se secouaient de leur somnolence, des explosions de glycines dévalaient les murs en meulière, le goudron se couvrait de parcours à la craie où ciel et terre se rapprochaient. Le soir, on s’asseyait aux seuils des portes pour regarder le ciel s’assombrir. Les enfants jouaient jusqu’à ce que la nuit les écrase de fatigue.


Arriva l’été. Une vague de chaleur balaya la ville, insoutenable. Une chaleur épaisse comme un nuage de feu brusquant tout sur son passage. Au début, on arpenta les nuits à travers la ville, guettant la fraîcheur des parcs, l’eau des fontaines. Le goudron s’enfonça sous nos pas, chaque heure devint plus chaude. Dans les maisons, on étendit du linge mouillé aux fenêtres pour humidifier l’air. Rien n’y fit. Une chape suffocante se répandait d’une pièce à l’autre. Les jours passèrent au gré des pics de chaleur, une onde de choc jusqu’aux confins de l’Europe. La mer, même, n’y suffit plus. Elle charria des poissons crevés sur le rivage, ventres retournés, dégageant une odeur pourrie. Il fallut chercher ailleurs, dans les forêts d’altitude qui finirent aussi par s’enflammer. Puis la nouvelle arriva, on l’entendit à la radio un matin, elle circula toute la journée jusqu’au soir. On commençait à compter les cadavres. Des nuits tuèrent d’autant plus que le vent s’était tari dans la journée. Les hôpitaux donnèrent l’alerte, les urgences débordaient. Ce fut trop. Alors, on entassa les corps violacés dans des hangars réfrigérés.


L’automne s’annonçait. On inhuma les 807 dépouilles abandonnées sous un ciel de lin.

2 commentaires:

  1. Orly bloqué par la neige, ce matin. Franck aime les contrastes thermiques....

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  2. Un texte dont les mots chantent et dansent au dessus du carnage. Comme dans une "Danse Macabre" revisitée. Très fort, très poignant.

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