vendredi 19 mars 2010

#59 – Accident

Couvert de sang des pieds à la tête – au point de ne pouvoir distinguer la blessure d’où il provenait – le blessé suçotait l’air comme une carpe jetée par le pêcheur sur la prairie.
Je m’agenouillai, approchai mon oreille de sa bouche et répétai les mots qu’il murmurait un à un dans un souffle rauque : Huître... Centre... Sceptre... Nous étions loin de la mer, le centre avait perdu sa circonférence et ce type n’avait rien d’un roi. Mon impuissance aggravait mon incompréhension et mon désarroi.


L’homme trouva la force de bouger la tête en signe de dénégation et je vis une larme sinuer dans la boue écarlate qui masquait son visage. Il continuait à mâchonner les mêmes mots et je constatai que chacun d’eux s’achevait dans le roulement d’un râle. J’avais enfin saisi ce qu’il voulait dire et articulai à mon tour : Huit... Cent... Sept... Il se calma alors, entrouvrit les paupières puis écarquilla les yeux, seules touches de blanc dans tout ce rouge. Un mince sourire se dessina sur sa bouche alors qu’il rendait son dernier souffle. J’entendis d’abord la sirène, puis distinguai la lumière d’un gyrophare qui approchait à grande vitesse sur la longue départementale déserte qui coupait la plaine de novembre.


Je me relevai, pensif. 807, pourquoi 807 ?

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