mercredi 24 mars 2010

#64 – 0,44 mille

On achetait un bateau qui devait rimer/voguer avec nos années de repos. Nous espérions camoufler nos grises mines à l’abri des espars et des voiles, avec pour espoir vain de retrouver le vent de nos vingt ans.


La liberté avait un prix : en premier lieu celui des interminables calculs pour déterminer/ajuster sa position, fixer/retrouver sa direction, le cap ou la route des îles Anglo-Normandes.
J’eus préféré me passer du mille – qui vaut 1852 mètres – et du nœud qui équivaut au dernier par heure soit 1,852 km/h ou 0,514 m/s. Que dire encore de l’affligeante encablure, 1/10 du mille marin, ou 185,2 mètres ?
Les chiffres en tête et la boussole vissée sous les yeux, nous étions prêts pour notre première sortie en mer.


À peine avions-nous quitté le mouillage que déjà le navire se déportait à tribord. Il vint frapper poliment et lourdement un petit chalutier. Les experts nous apprirent plus tard que notre rafiot était victime d’osmose. Sous la coque lisse et brillante sommeillait une maladie incurable. Les entrailles de la bête étaient contaminées. L'enveloppe censée assurer flottabilité et étanchéité explosa au contact du pêcheur, comme les parois d'une malheureuse bulle de savon cédant à la pression des forces de tension et de pression.
Coulée express : moins de 20 minutes.
Nous n’avions eu d’autre choix que de le laisser choir sur un banc de sable au fond de l'eau en attendant les secours. Nous avions parcouru 0,44 mille ou comme le répéta Achab jusqu’à ce que mort s’ensuive, 807 fichus mètres dans lesquels nous avions dépensé toutes nos économies de jeunes retraités.

4 commentaires:

  1. Drôle de croisière dans laquelle on se laisse embarquer avec plaisir

    RépondreSupprimer
  2. Victime d'osmose, c'est délicieux ! :)

    RépondreSupprimer
  3. L'osmose n'est pas une fiction mais une maladie terrible qui ronge la coque des bateaux. En tout cas je ne me lasse pas du vocabulaire marin. Toujours un plaisir de jouer avec.

    RépondreSupprimer