vendredi 30 avril 2010

#100 – Bienvenu caprice

Fâché après Cornaline, qui refusa de naître à 8 h 07, je compris son caprice en lisant le certificat de naissance : la 807e du mois.


Les bodys pour bébé de Cornaline sont faits de 807 boutons pressions et d'un peu de tissu.


Si le gros célibataire
Savait il courrait
Se faire engrosser

jeudi 29 avril 2010

#99 – La même chose, la même chose, la même...

Cloney a toujours aimé la chaleur de la salle des photocopieuses, le débit régulier des feuilles, les variations délavées de l’encre noire, tchick tchick le flot de l’entassement, les strates de tranches blanches, sans effort juste l’amoncellement, c’est craché en pfft pf nets. Sa déclaration à Odile se débite en amoncellement sans transpiration, lui aussi peut multiplier des pains, la 807e photocopie déboule, c’est son miracle du mardi.


Accroupis dans la cour de l’école, des croutes sur les genoux, lui et une fillette tournent une manette. Une feuille blanche se recouvre d’encre violette et jaillit. Les enfants sont dehors à cause de l’odeur de la Ronéo, ça pique le nez. Identiques, les feuilles humides sortent de la petite machine bleue, le trait du dessin maladroit légèrement diffus comme avec un carbone. Ils en sont à une douzaine d’exemplaire, la même vague recouverte plusieurs fois par sa jumelle. Rythme de la répétition qui pourrait continuer indéfiniment. Ce qui se duplique le réchauffe dans le bide.


Manette serrée dans la main, Cloney se réjouit de mouliner et d’avoir semé et de ramasser la récolte de feuilles... La reproduction, aussi étonnante que les pétales jaunes du crocus qui ont percés hier. Les doigts tachés, il mouline de plus belle... Son envie, une toupie qui file à ras de béton.

mercredi 28 avril 2010

#98 – Pagaille monstre

J'ai perdu le fil d'Ariane pour me retrouver en Mai ; je n'ai pas perdu la tête : je lis Pagaille monstre.


Je passe d'un numéro à l'autre, du 8 au 123, du 119 au 43, du 73 au 82, du 82 au 178 (drôle de passage), du 35 au 156, mais jamais je n'arriverai au 807.


Je suis mort plus d'une fois, dans les bras d'un vampire, dans une ambulance vers l'au-delà. Jérôme Attal m'a donné plusieurs vies. J'irai donc le remercier le samedi 8 mai 2010, à la librairie l'Amandier à Puteaux.

mardi 27 avril 2010

#97 – Sous le charme

Il avait des yeux extraordinairement bleus et elle dut faire un effort pour soutenir son regard. Il s’aperçut de son trouble et se contenta de sourire, comme s’il n’était pas mécontent de la séduction opérée sur Madame la Juge.


Pendant quelques huit cent sept secondes, un silence s’établit entre eux, tandis qu’une pensée s’insinua en elle, fit son chemin. Ma parole, je suis folle ! fit-t-elle, murmurant presque, s’ébrouant et se ressaisissant enfin.


Alors que le jet d’eau brûlante de la douche glisse sur son corps, son esprit ne peut chasser une image presqu’aussi brûlante que le liquide qui coule sur elle.

lundi 26 avril 2010

#96 – Agathe est déjà trop vieux jeu

La petite Cornaline est née en tenant à la main, les compulsant, les CGV : Conditions Générales de Vie.


Cornaline a explicitement fait comprendre à ses parents qu'il était indélicat, sur le faire-part, d'indiquer son poids, 2 kilos 807 grammes, à moins qu'eux-mêmes ne révèlent le leur.


Les parents de la petite Cornaline se disent qu'ils ont bien de la chance d'avoir reçu la plus mignonne des petites filles de l'établissement hospitalier où ils sont allés la chercher, quand ils voient tous autres les affreux poupons rougeauds et hurleurs qu'ils ont failli recevoir et qui, de surcroît, ne leur ressemblent même pas.

dimanche 25 avril 2010

#95 – Alice et le lapin

Alice connaît exactement le bruit que fait un corps projeté contre un mur. Et elle peut dire avec exactitude la morphologie des filles qui s’écrasent comme des balles molles dans l’appartement d’à-côté. La grosse a un bruit qui s’étale, la maigre se reconnaît à son cliquetis d’os, la grande, elle, fait vibrer la paroi, de la plinthe au plafond...


Le voisin est un chaud lapin, chaque soir une fille en jupe courte le suit. Elle laisse au petit matin des traînées de patchouli, de rose ou de jasmin dans l’allée du jardin. C’est un beau brun à moustache avec un chapeau noir. Il porte des gants blancs, et fume des cigares. Il répète en boucle « je vais être en rrretard » (avec trois r, car il les roule, œil de braise et air latin).


Chaque nuit le flamand rose, allongé près d’Alice, râle. Il a le sommeil léger.
Des petits halètements, des grognements, et puis des claques.
Des injures, des soupirs, et puis des coups.
Des sons mats, des impacts sourds, et des bruits lourds.
Un voisin joue à la patate qu’on balance du lit. La fille splashe contre le mur et pleure presque sans bruit...
– Alice, s’il te plaît, fais quelque chose... dit l’oiseau en claquant du bec, excédé.
– Chut !!! Écoute les larmes tomber... répond Alice en baisant son cou, de sa langue rose.
Elle compte lentement, le visage niché dans les plumes, les larmes qui s’échouent sur le parquet.
Généralement, quand elle arrive à 807, son flamand ronfle...

samedi 24 avril 2010

#94 – Voyelles

Marge n'invente pas la couleur des voyelles, mais plutôt de nouvelles voyelles et consonnes, qu'elle insère, muettes et difformes, 807 lettres invisibles... parce que Marge n'y voit rien...


Marge, en punition, prend la craie, écrit sur le tableau :
Jamais plus je ne ferai voler un cerf
Jamais plus je ne ferai voler un cerf
Jamais plus je ne ferai vol



– Et alors, qu'est-ce qu'il nous reste...
– Une naïveté consciente, l'imaginaire et un espoir de fou...
– ...
– ...

vendredi 23 avril 2010

#93 – Petit éloge de l’égarement

Le chemin ordinaire était fort direct, et le jeu consistait à trouver un trajet qui ne le fût pas. À condition d’aller au-delà de 807 pas.


À la lisière, on vagabonde, on diverge, s’éparpille, joue à cache-cache avec les énergies de la forêt ; puis dans les bois nos divagations s’entremêlent avec celles des porcs errants et des griffons des marécages ; d’ailleurs vers loin, au cœur de ce labyrinthe de cailloux et d’herbes folles, aucune boussole n’indique l'Ouest. Dépaysés, on dépasse les bornes, les kilométriques inclues ; on se déroute des raccourcis ordinaires, azimuts dézingués à tout-va.


Échos de nos égarements, qui rebondissent de chênes en clairières, de carrières englouties en cimes escarpées ; perdition de nos os, qui les satellise dans des zones improbables ou des terrains vaguement indiqués ; Oh, par égard à nos écarts épars, désorientez-nous jusqu’à ces lieux sans appel.

jeudi 22 avril 2010

Du transat au lit, et inversement

Elle disait, le soir et donc en confidence, oui mais tu vois les autres et pourquoi pas nous. Elle n'a pas dit ça 807 fois mais suffisamment pour donner l'impression de s'approcher de ce total. Je lui répondais que oui mais tu comprends. Je ne lui ai pas dit ça 807 fois non plus, vu qu'elle-même, etc. Toutefois c'était sympa. On discutait. Tranquillement.

Puis nos quiètes causeries d'ordre général tarirent, et elle en arriva sur du particulier. Non mais c'est pas normal que Chevillard publie son blog en bouquin, déjà que c'est à peine moral, alors que toi tu y as contribué et tu t'en fous, tu vois, je veux dire, dans ma tête, je sais pas comment dire mais c'est pas normal. Je lui ai répondu que pour ma part je trouvais ça assez dans les règles, vu que Chevillard c'était Chevillard, et nous, juste nous. Mais nous qui, elle a dit, et le blog de quoi ? Comme ces choses n'étaient pas très claires dans mon esprit, je lui ai répondu que je ne savais pas, précisément, mais que d'un autre côté personne n'allait mourir. Si ça pouvait la rassurer.

Elle m'a répondu que ça ne la rassurait pas du tout, et qu'en plus elle connaissait une bonne copine à elle qui avait écrit dans ce blog à qui le soir son mari disait mais enfin chérie je comprends pas tu publies des trucs vachement géniaux et c'est pas publié. Ben si disait sa copine à son mari, vu que ça existe sur Internet. Sur Internet, sur Internet, disait son mari, mais y'a tout sur Internet, sauf l'essentiel. T'as déjà vu le Tao Te Kin sur Internet, toi ? Oui, répondait la copine, et du coup ça dégénérait parce que le mari expliquait que le Tao Te Kin sur Internet c'était nécessairement de la daube, ou en tout cas faux, pour ne pas dire approximatif. C'est pas ça le problème, disait la copine, c'est juste que c'est dur à traduire, sur Internet ou pas.

Dérogeant pour une fois au cadre du triptyque, les éditions du Transat, dont le projet est si peu clair qu'il milite pour la paix des foyers, propose en version papier la saison un des 807. Le reste (les coucheries, les algarades, les sandwichs au saucisson en rétorsion, la vie comme elle va) ne leur appartient pas. Mais si, me dit son mari un soir en confidence, puisque etc., et en plus j'ai un autre copain qui dit que sa femme dit que, etc. Clap de fin, silence, et lecture potentielle.

(Note de FG : Le livre des 807 est disponible depuis quelques jours sur thebookedition.com)

mercredi 21 avril 2010

#92 – Dans la mouise

Elle s'est baissée pour renouer ses lacets, ses lunettes sont tombées et quelqu'un a marché dessus.


Un courrier lui annonce qu'elle est interdite de chéquier et de carte de crédit. Et que son découvert est de plus en plus découvert et de plus en plus permanent.


Alors lorsqu'elle découvre qu'il manque plusieurs des 807 paillettes roses de son T-shirt préféré, elle noie son chagrin dans une affreuse piquette.

mardi 20 avril 2010

#91 – Oh...

Un 807 en trois parties !


Lança-t-il avec stupéfaction.


Est-ce suffisamment concis ?

lundi 19 avril 2010

#90 – Sur la route

Je range mon exemplaire de Sur la route dans la boîte à gants de ma voiture. Il y sera mieux que dans ma bibliothèque.


Olivier est routier, vit à Tourcoing, ne lit pas de livres et n'a jamais utilisé un ordinateur de sa vie. Bien entendu, il ignore qu'aujourd'hui il se retrouve sur ce blog uniquement parce que la semaine dernière il a effectué avec son 38 tonnes le trajet Berd'huis, Sens, Sète.


C'est avec une extrême indifférence qu'Olivier et moi, nous nous croisons sur l'A5 alors qu'il revient de Sète et que je me rends à Saint-Claude avec Jack Kerouac.

dimanche 18 avril 2010

#89 – Imagination

Et tandis qu’il lui parlait littérature, elle fermait les yeux, se pressait les mains sur le cœur et vivait un avenir sous sa domination.


Dans la journée, Marie repensa plusieurs fois avec plaisir au jeune homme énigmatique qui s’était assis en face d’elle dans le TER après avoir posé longuement un regard sur elle, et échafauda au moins 807 scénarios de mélodrames dont il serait le héros victorieux.


Peter avait trop bu. Elle se méprit et porta cet effet de l’ivresse sur le compte d’un émoi sentimental.

samedi 17 avril 2010

#88 – California trip

John Steinbeck naquit le 8 février 1931 à Salinas, Californie.


– Alors, c'était comment ce voyage ?
– Pfff je suis déçue, je m'attendais à mieux...
– Comment ça, à mieux, vous avez fait quoi comme circuit ?
– Justement c'est bien ça le problème, le circuit était nul, remarque, à 807 euros par personne tout compris j'aurais dû me méfier...
Ça a commencé dès l'arrivée avec ce vieux car pourri qui tombait tout le temps en panne, « les naufragés de l'autocar » qu'on nous appelait !
Le pire c'est quand on a mis le cap à l'est d'Éden et qu'il a fallu descendre pour pousser. Et pour ce qui est de l'Éden, on repassera ! Des routes, des champs, des fermes, des souris et des hommes c'est tout ce qu'on a vu !
C'est à ce moment-là qu'ont grondé les raisins de la colère et qu'on a pris notre guide en otage...
– Ah bon ? Et alors ?
– Alors, il était beau comme James Dean et je l'ai épousé à Las Vegas !


James Dean mourut le 30 septembre 1955 à Cholame, Californie, au volant de sa Porsche.

vendredi 16 avril 2010

#87 – Traître de voisin

Si l'autre andouille n'avait pas ouvert la lettre, aspergée de parfum, rouge à lèvres carmin, arrivée par erreur, maladresse du facteur (encore une fois tout sur le dos du service public), et l'avait plutôt poliment remise dans la bonne boîte aux lettres (car le facteur ne s'est pas trompé d'immeuble, encore moins de ville, n'exagérons rien, juste de boîte) cela nous aurait évité d'entendre 807 fois par jour cette pénible rengaine.


dorénavant,
carrément,
cédera
ce
vide
ignorant,
inimaginable.


Elle attendit jusqu'à 8 h 07. Toujours rien. Du haut de la falaise, elle se jeta.

jeudi 15 avril 2010

#86 – Du côté de chez Dark

La petite créature pistache réplique :
– C’est une planète volcanique, vous y serez en sécurité.
L’homme qui la suit demande :
– Sais-tu pourquoi ils me refusent encore le titre de Maître Jedi ?
Illico, les violons se réveillent, vwwo-eeeh, tfffff tdcheeeuuh (trois fois). L’homme rejette sa cape sombre en arrière :
– J’ai fait une terrible découverte.
– Un Saigneur Sith ?
Les violons remontent symphoniquement en mode mineur, ta ta TA tata TA. L’homme, à voix basse :
– Il faut faire très vite...
Sa cagoule informe n’inspire pas vraiment confiance aux cordes qui entonnent des tchii-tcheu stridents.
– Le moment que nous attendions est venu, on doit exécuter l'ordre 807.
Se demandant si cet univers n'est pas truffé de codes obscurs, la contrebasse passe d’un lyrisme ouaté à un crescendo acide.


Tunnel d’images décousues sur fond de musiques sautillantes.


Beuglement du grand machin poilu ; aie confiance mon amour, couinements rouillés, tout finira par s'arranger ; trompettes, stridence métallique, crépitement holographique ; je vais m'occuper de ce maudit Jedi moi-même, zzzzzzZZ; des nouvelles d'aucun d'entre eux, nous n'avons ; alors il faut retourner là-bas, où tout a basculé...

mercredi 14 avril 2010

#85 – Anti-polar littéraire

Oh oui ça serait bien, ça, d'écrire un roman policier où tout le monde lirait chef, chef, on a assassiné une petite vieille dans le second, une minute brigadier je n'ai pas fini mon chapitre, quel est votre alibi ? je suis resté toute la nuit à relire La Critique de la raison pure, prouvez-le, il y a onze apories de l'esprit humain, non, douze, salopard, tu es fait, rends-toi, avoue, en fait non chef, alléluia, fausse alerte, la vieille n'est pas morte, elle était juste restée comme en catalepsie, scotchée à mort par la chute de son Nous Deux,


une pute : je viens le dénoncer parce que j'ai été sauvée in extremis par L'Équipe, il voulait me mettre au tapin par ce froid alors que je ne comprenais pas comment faire ce pull dans Mode et Travaux – et pourtant c'est toujours très bien expliqué – et je n'ai dû mon salut qu'à l'analyse approfondie de cette erreur d'arbitrage de la huit cent septième journée de Ligue 2, ben alors pourquoi vous venez me raconter ça, au beau milieu de La Nébuleuse du Crabe qui plus est, c'est bien ça, La Nébuleuse du Crabe ? demanderait la pute, c'est pas mal du tout mais c'est très peu lu par les macs, mais comment je fais si mon Nanar a fini L'Équipe, je sais pas, abonnez-le, mais quelle bonne idée, brigadier, merci, merci vraiment,


j'ai accédé à la base de données confidentielle du FBI, putain, c'est vraiment intéressant, oui il y a vraiment des agents qui écrivent avec un certain style, presque on les identifie sans même savoir que c'est eux, j'aime beaucoup Bill Gartner, ah ben tu vois, moi je préfère Gordon Brooks, c'est comment dire, plus concis et en même temps plus pêchu, non mais je te parle du rapport de Bill Gartner à propos de l'affaire de l'Alka-Seitzer, ah oui mais non moi je te parle de Gordon Brooks dans le démantèlement de la filière des fausses crevettes mexicaines, c'est vrai que c'est dur de comparer, ce n'est ni le même objectif ni le même contexte.

mardi 13 avril 2010

#84 – Ligatures

Un être humain sans ombilic, c’est évidemment inconcevable ! Mais j’avoue qu’il m’est plus difficile encore d’imaginer que ma mère ait pu en posséder un avant ma naissance. Pensez donc. À moins d’admettre, évidemment, qu’elle ait donné naissance à un autre moi avant moi.


Quatre girafons et un lama, des tigres et des tigrons, deux pandas et leurs petits, une coccinelle et un yéti, oursons, loups, chiens et chats... 807 peluches. Trop c’est trop. Mais qui les nourrira petite Lili ? Viens vite, prends avec toi Jeannot Lapin et Antilopa. Assieds-toi là, près de moi. Il est temps, je crois, de t’enseigner comment castrer un lapin papillon et ligaturer les trompes d’une gazelle de la reine de Saba.


Jean-Rémy en avait rêvé depuis toujours, être chez lui, vraiment chez lui et ne rien devoir à personne. Sitôt qu’il le put, il acheta une petite maison dont il condamna aussitôt les ouvertures, il fit dresser des palissades tout autour du jardin, il renonça enfin au téléphone, à l’électricité, à l’eau, bien trop intrusifs.
Mais ce matin Jean-Rémy souffre, un couteau sur le ventre. Lui reste la plus délicate opération : se débarrasser de ce que sa mère lui a laissé, un petit morceau de chair, cet ombilic qui ne lui appartient pas.

lundi 12 avril 2010

#83 – Chinoiseries

Le touriste occidental s'étonne de ces béances observées dans les bâtiments hongkongais. Puis il rit quand on lui explique que la raison n'est pas esthétique, ni une contrainte administrative, mais pour permettre au dragon des collines d'aller se désaltérer dans la mer. « Ah les cons ! Ils sont vraiment trop cons ces Chinois ! » l'entend-on hurler, alors que l'ombre d'un dragon se dessine derrière lui.


Si j'écris ici Tintin au Tibet ou Le Lotus Bleu, Moulinsart saisira-t-il ma maison ?


On apprend le décès d'un rentier de la bande dessinée, mortellement blessé par un dragon à Hong Kong. C'est la 807e victime de ce type cette année.

dimanche 11 avril 2010

#82 – La clairière aux pachydermes

« Il y a 20 ans, Tenzin Gyatso, le 14e Dalaï Lama avait parlé de faire tenir 100 éléphants sur un brin d’herbe », lui disais-je, couché dans cette clairière inondée de soleil.
« Pourquoi cette métaphore ? Pour parler d’une impossible quête la vie durant ? Pour illustrer notre recherche d’absolu ? », continuais-je mon monologue...
« L’impossible exploit aurait été plus audacieux encore avec... je sais pas moi... plus de 800 éléphants sur ce brin d’herbe !, non ? On aurait pu y loger 807 pachydermes sur ce brin, tonnerre ! Là, au moins, ça frapperait les esprits ! »


Dans cet après-midi lumineux, dévolu au chant des cigales, deux taches colorées étendues dans un océan de vert, immobiles, maintenant silencieuses, scrutaient l’infini azur qui vibrait de chaleur bienveillante.


« 807 éléphants tenant sur un brin d’herbe ? Mais oui, mon pauvre ami, c’est cela ; décidément vos divagations du jour sont encore plus extravagantes que d’habitude ! Vous m’ennuyez, Charles... Tout m’ennuie ici, au milieu de rien, sous un ciel si vide. Et si vous, vous y voyez une once de poésie, eh bien... tant mieux ! Moi, j’aimerais bien rentrer. Un éléphant tenant sur un brin d’herbe... Fumiste ! »
Raymonde leva son quintal, épousseta sa longue robe pourpre et remis son chapeau à voilette sur sa bonne tête ronde ; elle avait l’air si contrariée !

samedi 10 avril 2010

#81 – Rien qu'une goutte

Ce n'était rien qu'une goutte.


Une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte, une goutte...


À la 807e goutte, il fallut se rendre à l'évidence : il pleuvait.

vendredi 9 avril 2010

#80 – L'an 1203

Philippe Auguste en Normandie, ça prend, les Croisés à Constantinople, ça envahit, Arthur Ier de Bretagne assassiné, et au château de Coucy, on ne chante plus. 1203, une année qui en tua 807 par jour ?


Les bouddhistes étaient alors déjà en 1747, et les Byzantins en 6711. Aujourd'hui, connaissent-ils encore leur an 807 ?


Fonde-t-on un calendrier à l'an I, ou à l'an 0, selon que l'on connaît, ou non, le zéro ? Pourquoi naissons-nous à 0 an 0 mois 0 jour et les calendriers, les empires à l'an I ? Et les séries, et les blogs, en saison 1 ? Non, nous, tels des logiciels, nous commençons en version 0.0.0, et les aléas de la vie nous mènent, ou pas, un beau jour, en version 8.0.7.

jeudi 8 avril 2010

#79 – Solitude

J’ai consulté mon agenda pour avoir l’air d’un homme normal, avec au moins 807 rendez-vous dans l’année, des invitations, des obligations, une vie privée. En fait, je suis seul au monde, à part mon chat, ma mère et des putes.


Il aurait voulu qu’on passe au salon pour écouter de la musique, de la grande musique. Celle à laquelle il n’avait jamais rien compris, mais dont il pouvait parler comme un mélomane, après avoir appris par cœur les notices glissées dans les pochettes de ses 807 disques.


Tout comme l’opium, l’amour fait partie de ces divertissements qui permettent d’attendre sans angoisse la mort.

mercredi 7 avril 2010

#78 – Et si à Pyongyang ou à l'Est…

Si, l’écorcée vive, Clémentine, qui collectionnait les pépins, avait fait un retour à la case détour au lieu de passer par la case prison... Si le hâtif marin, celui que les 807 belles de Séoul surnommaient « Pamp le Mousse », était sorti de son sous-marin jaune au lieu de penser que seule l'imagination reste juteuse... Bref, si la Clémentine et P. le Mousse s’étaient croisés simplement dans un cocktail détonnant, j’en aurai eu des bien fraîches à vous raconter.


Au lieu de ça, rien à dire... La rencontre n'a pas eu lieu... Le destin jouait ailleurs...


Lui, perdu dans un quartier de Pyongyang où des Coréennes acides étaient inaccessibles ; elle, atomisée au détour d'un regard ou d'un zeste express d’un pulpeux mandarin. Pensant vaguement qu’il valait mieux tomber dans les mains d'une assassine que dans les rêves d'un Coréen débridé, Pamp s’immergea en sortant le périscope. Mise au jus et le citron pressé, Clémentine s’en paya une bonne tranche sanguine. Quant à Pamp, il purgea comme à son habitude les ballasts tout en psalmodiant nerveusement : la mer est orange comme un saphir.

mardi 6 avril 2010

#77 – Conte défait

Tel le petit Poucet je semais des cailloux sous la forme de mots pour trouver mon chemin dans la forêt de la vie.


Parvenue au carrefour des rêves, trois chemins s'ouvrirent à moi, chacun menant à un château : celui de la Belle au bois dormant, celui de Cendrillon et celui du Chat Botté. Arrivée à ce point, je n'eus aucune envie de dormir cent longues années, ni de chausser des pantoufles de vair, et encore moins des bottes, fussent-elles de 807 lieues.


Je fis donc demi-tour et repartis dans la forêt, ramassant un à un mes 807 mots pour en faire un poème.

lundi 5 avril 2010

#76 – Gratin dauphinois

Ma grand-mère cuisinait de façon si détestable que je dois avouer ne garder des repas qu’elle nous servait à midi le dimanche, jour où, avec une régularité métronomique, nous allions nous enquérir de quelques éventuelles variations de son quotidien, à vrai dire fort improbables ou ne consistant alors qu’à savoir quelle quantité de pluie avait arrosé quel carré de son jardin, ou quel numéro de la semaine du Petit Montagnard on avait failli ne pas lui remettre, qu’un souvenir très vague et très amoindri. S’il me fallait pourtant me remémorer quelque chose, que je ne pourrais d’ailleurs qu’avec la plus grande peine qualifier d’événement, ce serait avant tout un nom, « gratin dauphinois », que j’avoue avoir encore aujourd’hui la plus grande difficulté à relier à la recette qu’il, chez ma grand-mère Tointe, désignait. Je vois encore, avec sa régularité de cauchemar, arriver sur la nappe de gros drap gris et pelucheux de la salle à manger, au milieu de laquelle était posée la petite cloche à manche de bois qu’on agitait comme pour mieux nous prévenir de la catastrophe, ce plat de terre oblong couvert sur son extérieur d’une noire et antique couche de graisse, cuite et recuite, qui paraissait dès l’abord vouloir rendre évident le principe qui avait présidé à l’élaboration de son contenu, et allait par la suite présider à notre destin dominical. Tout paraissait petit dans ce plat quand il arrivait sur la table, tout paraissait pauvre, racorni, triste, figé, aussi bien dans la sauce que dans l’attente, comme si les tranches inégales de pommes de terre, comme découpées au hasard par un insane, conscientes de ne posséder ni goût, ni saveur, ni texture, avaient voulu arrêté le cours du temps pour s’en tenir à cette unique question : « Sera-t-il possible qu’on nous mange ? » Et c’était là l’esprit de ce gratin qui, dès qu’on le questionnait dans son intimité propre, paraissait procéder d’une impossible et abominable redite, à la manière dont Viollet-le-Duc distribue ses horreurs prétendument gothiques çà et là sur le territoire, mais une redite toujours questionnant la tout aussi abominable éventualité de son futur, à la manière pour le coup de ma grand-mère Tointe que les courants les plus modernes de l’histoire de l’art n’auraient en la matière pas hésité à qualifier de déconstructiviste. Et c’était là sans doute prêter à cette préparation bien plus d’âme qu’elle n’en pouvait contenir, confectionnée comme elle l’avait été non pas véritablement pour qu’elle existe, mais avant tout pour que, si possible, on s’en débarrassât. Aussi, dès sa naissance même, le gratin surgissait-il dans la maison en quelque sorte par la négative, sinistre médium d’un processus long qui cheminait de l’inintérêt total à ce qu’il fût jusqu’à cette instance où nous nous devions de l’ingurgiter pour ne plus qu’il soit.


Si grand-mère Tointe faillait à concevoir la qualité gastronomique, elle n’en possédait pas moins, s’agissant des quantités, une mémoire assez surprenante. Après que nous eûmes été servis restait toujours au centre de la table une part de la chose qu’elle avait coutume de proposer à la générale et que poliment nous lui refusions, à demi morts de faim mais adoptant unanimement la posture de qui, rassasiés tels des lions ayant égorgé plusieurs zèbres, n’auraient supporté d’avaler une bouchée de plus au risque de mettre à mal leur avenante constitution. « Ah, concluait rituellement ma grand-mère la scène par ce constat, j’en ferai sans doute un peu moins pour dimanche », et elle se plaisait d’un petit air sévère à ce que nos assentiments validassent la proposition et lors, de semaine en semaine, de mois en mois, d’année en année, 807 fois le gratin, qui n’en finissait pas de réduire, n’en était toujours que plus inexorablement là, acquérant en quelque sorte de plus en plus de poids du fait de sa minimalisation même, condensant son goût infect dans des bouchées de plus en plus denses et dont, véritablement, je ne veux plus me souvenir qu’il fallait que je les avale.


Et toutefois l’été, quand la fenêtre de la salle à manger restait grande ouverte, j’entendais la voisine appeler ses enfants à table, les alléchant par la déclinaison de son menu, et j’entendais alors, passant près de moi, toute une série de noms étranges, évoquant d’autant plus l’existence de ce qu’ils désignaient qu’ils le nommaient comme une absence, « œufs en meurette », « salade d’oseille », « cailles aux pruneaux », « charlotte aux poires », toute une batterie luisante et clinquante de noms à la beauté simple qui s’énonçaient avant tout par l’affirmation de leurs ingrédients, au rebours de ce « gratin dauphinois », que qualifiait uniquement son mode de fabrication et son origine régionale, façon peut-être pudique mais avant tout perverse de ne pas se soucier de ce qu’il pouvait bien contenir réellement. Toujours, dans l’air de midi, vrombissaient comme des mouches les voluptés d’une onomastique passant alors près de moi, en action pour ainsi dire, avec une puissance qu’accroissaient certains effluves à l’approche de mes narines et que, comme un fleuve, je remontais par la pensée jusqu’à leur origine, inconnue et qui me paraissait tout à fait étrange, inaccessible, et que j’imaginais, dans une tout autre langue, carrément comme une pièce qui pour une fois sentait bien bon la bouffe, pleine de mômes et où tout le monde torchait son assiette jusqu’à la fin.

dimanche 4 avril 2010

#75 – Memento mori

Ne pas mourir n’offrirait qu’un avant-goût assez quelconque de l’éternité. Pour y goûter pleinement, il faudrait non seulement ne pas mourir, mais encore ne pas être né. Et ça, c’est pas à la portée de n'importe qui.


Jean-Rémy, militant actif d’Économie et propreté, a exigé de son entourage que le parti puisse disposer un jour de ses cendres pour confectionner un savon. Je voudrais de mon côté qu’on me cède celui-ci, un seul instant, pour effacer soigneusement les traces de son passage.


Une paire de ciseaux et un nœud en huit pour le séparer de sa mère, un harnais en collier sur lequel il aura tiré toute sa vie, la faux oubliée qui l’attend au bout du chemin.

samedi 3 avril 2010

#74 – Histoires de

Wikipédia nous apprend que le 28 mars 807, Charlemagne célébra la fête de Pâques à Aix-la-Chapelle. Quant à ce qu’il fit le lendemain, l’encyclopédie en ligne ne nous en dit rien, démontrant par là-même les limites du savoir mis en ligne.


La même page nous informe que cette même année, en Chine, la monnaie de papier est reconnue à côté de la monnaie de métal. Les encyclopédistes du web oublient cependant de prendre en compte une conséquence essentielle de cet événement économique : l'allégement, puis la lente disparition du bas de laine dans le costume traditionnel chinois.


À signaler enfin, toujours en cette même année, la décision du calife Haroun ar Rachid d’envoyer une ambassade auprès de Charlemagne (encore lui), avec, parmi les nombreux cadeaux apportés, une horloge. Ce qui, sous réserve de vérifications ultérieures, pourrait conférer une origine moyen orientale au célèbre coucou de la Forêt-Noire.

vendredi 2 avril 2010

#73 – Du vent !

Peut-on dire d'une colline qu'elle a une crête ? Tout au plus est-elle plume, modelée par le vent.


Le sol trouve trop lourd l'arbre, l'arbre allège la branche, la branche se libère de la feuille, la feuille est soutenue par le vent, le vent bien vite lâche la feuille, la feuille tombe sur le sol, le sol l'ingère, la digère l'hiver et, repu pour deux saisons, trouvera ensuite trop lourd l'arbre.


Le gros célibataire voulut pour en finir se jeter dans le vent, du haut de la Tour Eiffel. L'ascenseur le refusa et c'est à la marche 807 qu'un arrêt cardiaque

jeudi 1 avril 2010

#72 – Membre actif

Mais pourquoi, par quelle aberration, quel reniement de moi-même, quelle souterraine démission en suis-je arrivée à être membre actif de l'association de défense des Personnes de Petite Taille (les PPT), alors que je mesure, bon an mal an, plus d'un mètre quatre-vingts ?


Notez que j'ai ma place, à l'Association, pendant les assemblées générales ou les conseils d'administration : devinez qui va chercher le fichier des adhérents, placé sur la dernière étagère du haut du placard, ou va récupérer, en fin de session, les chapeaux des membres, sur les plus hauts des porte-manteaux ?


Il n'empêche que j'ai des doutes sur ma réelle intégration : pourquoi donc Anne-Charlotte, du haut de son mètre cinquante-trois, m'a-t-elle parlé, la semaine dernière, du Comité de Défense des Presbytes (ils cherchent, paraît-il, leur 807e membre), alors qu'elle sait parfaitement que je suis myope comme une taupe ?