jeudi 27 septembre 2012

Casse-tête

Depuis sa retraite, le vieux professeur consacrait sa vie aux mathématiques. Les calepins qui débordaient de ses poches étaient noircis de chiffres, de symboles, de figures géométriques. Il inventait des jeux de société à base de mathématiques de plus en plus ésotériques, dont il était le plus souvent le seul à comprendre les règles et le but. Il inventait aussi des casse-têtes, dont une intuition fulgurante lui donnait simultanément et sans effort la formulation et la réponse. Progressivement, il se mit à raconter à voix haute ses raisonnements, suscitant surtout l’incompréhension amusée de son boulanger et de son boucher. Lorsqu’un matin il sortit nu dans la rue en hurlant et répétant sans arrêt « combien de carrés et de rectangles ? », arrêtant les passants, les voitures et même les chiens errants, la police municipale n’eut plus de doute. Alors que les infirmiers de l’hôpital psychiatrique l’emmenèrent, un dessin s’échappa de sa main.
Son domicile, un modeste deux pièces à Montrouge, regorgeait de ces calepins et feuilles bien rangés. Mais cette dernière énigme, sans titre, ni question, ni explications, ni solution, ne fut jamais résolue.

mardi 25 septembre 2012

Lexington avenue, New York, NY

Des jours que ça dure. Ça crie, ça balance des trucs à la figure de l’autre, et le gamin qui pleure pendant ces interminables disputes. Les voisins n’en peuvent plus, et moi le premier. Cette famille du 3e étage nous pourrit la vie. En plus, on commence à craindre pour sa vie à elle. J’hésite à appeler la police. Et je pense à la chanson de Tracy Chapman, Behind the wall.


Aujourd’hui c’est pire. L’homme vient enfin de comprendre qu’elle le trompe avec un serveur du restau indien en bas, il hurlait déjà dans l’escalier avant d’entrer chez lui. Tout l’immeuble le sait depuis longtemps : l’amant monte lors de ses pauses. J’ouvre ma fenêtre pour m’en griller une en attendant qu’ils terminent : ils abordent des sujets intimes, et je ne veux pas entendre. Un bruit métallique attire mon attention. C’est le serveur qui essaie de descendre discrètement – c’est raté – l’escalier de secours en façade. On peut dire qu’il l’a échappé belle, celui-là, heureusement que le mari a fait du boucan en arrivant. Il saute maintenant de l’échelle, négligeant les derniers barreaux, et atterrit sans encombre sur le trottoir. Une sirène hurlante s’approche rapidement de notre immeuble.

lundi 24 septembre 2012

Vagues



                     Combien de temps aux vagues pour gommer, polir, caresser, estomper, supprimer,
radier, éradiquer l'ineffaçable ?


                     Les flots t'emportent au loin, mais tu reviens toujours, inexorablement,
t'échouer sur le sable.




samedi 22 septembre 2012

zinzolin


                      vladje le regarda remuer tant qu'il pouvait les liqueurs violacées du grand chaudron. elle l'avait entendu dire que la consistance de ces liqueurs secrètes devait rester d'une souplesse de danseuse. s'il advenait qu'elles épaississent un peu - et cela advenait souvent près des bords car la force du remuement était plus puissante et plus efficace au centre du chaudron - on le voyait agiter une inquiétude tenace et s'épuiser à remuer encore. ce jour-là il fallut qu'il appelât là l'aide des spécialistes de liqueurs molles dont le savoir en ces substances réussissait quelquefois à liquéfier celles qui ont épaissi au-delà du tolérable.

                      la veille on avait fait sonner tambour, djembé, timbale, tambourin, qilaut, daf, bongo, conga, caisse claire. des mains, des baguettes frappaient frappaient, presque sauvage, les peaux animales. autour des batteurs on voyait libellules vertes, libellules jaune d'or, demoiselles bleues, paons du jour, abeilles charpentières. d'aucuns disaient aimer le contraste qu'apportait leur légèreté dans tant de démonstration de vigueur.

                      le remueur poursuivait son incessant remuement. les liqueurs commencèrent à quitter leur sournoise épaisseur. il crut pouvoir s'arrêter. vladje pourtant se demanda si ce n'était pas chaudron des danaïdes et s'il n'y avait pas, à voleter dans l'air avec moustiques, papillons, mouches, libellules, éphémères, taons, abeilles, une rouge condamnation. peut-être remuer au-delà de 807.

vendredi 21 septembre 2012

Loterie.

                               
                              Passer le porche, accueil, c'est pour un dépistage, oui, passez la porte vitrée puis traversez la cour en diagonale, zone bleue, couleur de la mer, de sa trouille et de ses coups de bad. 


                             Pousser la porte, bonjour, prendre un ticket, un mec titube jusqu'au bureau, il faut prendre un numéro monsieur, il sort le 808, s'approche d'elle vous avez lequel, 807, retitube et s'assied. Ils sont quatre, elle compris. Deux toutes jeunes blacks, leggings sous jupe en jean, un trentenaire costard cravate, elle veste kaki lunettes noires tenue de camouflage et le 808 qui a laissé tomber son papier par terre et sort en tanguant on dirait qu'il danse. 



                            On l'appelle elle se lève bonjour voilà un questionnaire, un ticket, le médecin va vous appeler passez dans la salle à côté. Elle remplit le questionnaire partenaires multiples seringues échangées prostitution occasionnelle ou régulière mais qu'est ce qu'elle fout là. Le médecin vous avez des questions non, si, c'est quand les résultats, faut voir avec l'infirmière, au revoir merci. On la pique, elle sent rien, c'est quand les résultats, vendredi, entre midi et deux, merde, elle pourra pas venir. Au revoir merci avise broc d'eau gobelet en plastique boit avidement, sort, plus loin une cour des bancs, s'assied, une clope, des gens en pyjama tout abimés prennent le soleil des infirmières mangent elle regarde les fenêtres, voit son ombre pleurant derrière les carreaux, vingt-sept ans déjà, se demande si c'est les mêmes paumés qui sont là. Elle planque le ticket rose dans son portefeuille ne le perdez pas c'est pour les résultats tu parles qu'elle va pas le perdre c'est le ticket gagnant, ou perdant, elle sait pas. Elle sait pas.

mercredi 19 septembre 2012

Semblance.

Il sourit aux enfants.
Il semble heureux.
Il marche sur la plage en continuant à sourire.
Il semble attentif.
Il sourit aux femmes.
Il semble amoureux.
Il marche sur la plage en laissant éclater son sourire.
Il semble exister.

Vous souriez.


Il pose sa serviette en laissant un sourire flotter sur ses lèvres.
Il semble paisible.
Il plonge dans la mer en gardant son sourire.
Elle semble délicieuse.
Il nage en mer en restant souriant.
Elle semble le caresser.
Il fait 807 mouvements en persistant à sourire.
Il semble consentant.

Vous gardez votre expression rieuse.



Il sent son coeur battre vite en faisant durer son sourire.
Il semble prendre du plaisir.
Il a un malaise.
Il semble surpris.
Il se noie.
Il semble mort.

Vous cessez de sourire soudain.

mardi 18 septembre 2012

abordage



                         vladje regarda. des rayures aux bords effrangés griffaient une surface. il y en avait de différentes dimensions, longueur et largeur. d'aucuns se demandaient s'il restait des étoiles quelque part. vers le nombril, peut-être. vladje se demanda plutôt si ces rayures étaient toutes lignes de très anciennes voies d'abord depuis déjà bien des années inaccessibles. on aurait ainsi pénétré au-delà et visiter d'obscures régions peu visitées, à réseaux enchevêtrés, quelquefois sanguinolents. à moins que ce fut traces d'anciens combats lignes de fracture et autres traits de rupture. 


                         la veille il y avait eu grand conciliabule de chefs à plumes. chacun s'était paré de ses plus voyantes couleurs. une rivalité d'araras régnait dans l'air. on les entendait jacasser en un jargon  rouge et vert inaccessible aux simples oiseaux ordinaires. d'aucuns prétendaient qu'ils partageaient des informations. d'autres étaient sûrs au contraire qu'ils cherchaient plutôt à noyer un poisson. certains repéraient mots connus dans le salmigondis comme carbone pervenche if ou platine. quand ils sortirent leurs flèches curarées on en vit plusieurs rire jaune de chrome. on crut entendre prononcer safari. on se demandait à quoi ils se préparaient vraiment. on se demandait qui ils étaient vraiment.

                         hiatus dans l'àvraiment. barres de seuil. gaziers. tissu cousu. linge défait. orées des bois. ciels. gargouillis. fleurs de boutonnière. mineurs. grands manitous. chacals. les surfaces poussaient comme des peaux. quelqu'un voulut chanter. les années lumières déboulèrent. il s'en fut de peu que tout s'écroula. des plumes vinrent se ficher en des étoiles mourantes. on s'étonne encore d'avoir entendu quelqu'un réclamer 807 microgrammes de poudre stellaire

lundi 17 septembre 2012

Tourner.


                           Tourner autour du pot, tellement, tellement longtemps que tu ne sais plus ce que tu voulais dire, et que les dents t’en grincent. 


                          Alors tu pars tourner pour de vrai. Comme les jeunes conducteurs, te voilà place de l’Etoile, à tourner, encore et encore, comme un sillon que tu creuserais avant de décider dans quelle rue t’engouffrer. Soudain, au bout de l’aile droite défoncée et fumante, le soldat inconnu, sa tombe et toi dans ta voiture encastrée sous l’Arc de Triomphe, et tous ces touristes dont les téléphones scintillent sur ta nuit d’effondrée sur le volant.


                           Le médecin est une femme, elle s’appelle Apolline. En fait, c’est une dentiste. Délicatement, elle t’allonge sur son siège futuriste. La lumière en plateau t’éblouit, mécaniquement tu ouvres la bouche comme si tu allais léguer ta mâchoire à la science. La voix de la dentiste flotte en direction de son assistante : 807 dents abîmées en bas, notez, voyons s’il y a autant de travail en haut.

vendredi 14 septembre 2012

A un chiffre près


                J’ai cru entendre récemment sur France Culture une émission consacrée à un site littéraire, les « 807 » : celui-ci venait de changer de meneur de jeu (Franck Garot) mais continuait sur sa lancée. Oui, j’ai la radio dans ma Porsche de collection, et ce ne sont pas les ondes qui font tant vibrer le capot arrière : car c’est là où se trouve le moteur, la traction.
Dès que le soleil perce un peu les nuages parisiens (comme ici le 4 mai, peu après que je suis passé devant l’Institut du monde arabe), je prends ma voiture, je la décapote et je parcours la ville, les cheveux au vent.
J’ai même installé quatre photomatons de ma petite famille, juste en bas à gauche du pare-brise, cela me rappelle leur précieuse existence et m’évite de dépasser – même si ça me semble parfois difficile – les limitations de vitesse.
Pourtant, je regrette aujourd’hui que l’immatriculation de mon véhicule remarquable (et j’en suis assez fier) ne corresponde pas à l’objet du blog auquel j’ai adressé cette photo, reçue d’un admirateur qui ne m’a pas laissé son nom : à un chiffre près, j’aurais pu concourir à cette aventure littéraire.


                – Tu vois la bagnole, là ?
– Oui, sacrée décapotable, mais ça doit coûter bonbon !
– Bizarre, le type qui la conduit, j’ai comme l’impression de l’avoir déjà vu quelque part : à la télé, au cinéma ?
– On s’en fiche : elle bouge beaucoup, dis-donc, sa tire, elle est agitée de tremblements du cul. Je suis sûr qu’elle ne correspond pas aux normes anti-pollution !
– Tu m’étonnes : elle doit dater des années cinquante…
- Et en plus, l’immatriculation, c’est louche : « 808 », pourquoi pas « 807 », tu sais, un exercice de littérature qu’on trouve sur Internet.
– Connais pas : moi je regarde les infos « people » et les sites « coquins » !
– OK, mais allume le gyrophare, enclenche la sirène, on va le contrôler : ces petits privilégiés il faut leur faire sentir que « le changement, c’est maintenant », comme dit l’autre !


mercredi 12 septembre 2012

amer


                           on voyait une couche épaisse entre neige et goudron. vladje lançait ses couteaux avec vigueur féroce. grande bête sauvage ongles becs et canines. elle avait beau les lames n'avaient pas de prise dans la bouillie jaune et noire. quelquefois elles raclaient un fond de quelque chose mais ce n'était que rognure inapte à retenir qui ou quoi que ce soit. après un petit monticule, elle crut qu'elle réussirait à s'extraire de ce jus. mais inexorable quelque chose suivait son cours.  le sol était savonneux. vladje glissait lentement. elle glissait navire sur gouffres. elle glissait. 

                          
                         la veille il en fut certaine pour lui donner l'ordre de quitter ses terres bien-aimées. vladje avait dit qu'elle réfléchirait. elle croyait que. elle ne fit que différer son obéissance. on l'installa en pays inconnu, quelque fois hostile, avec dragons, hexe à chevelure serpent, frelons, mégères à casques, trublions à galettes, vociférateurs de miel,  hypnotiseuses à mandibules, semeuses d'humeurs, malandrins à vis, lanceuses de vilebrequins, extirpeuses de gouges, raboteuses de joie, moulineuses de phrases prêtes à l'emploi, parleuses d'autobus. il fallut qu'elle trouva moyen de vivre avec. 



                         c'est quand elle comprit qu'elle glissait que soudain vladje compta. d'aucuns disaient ça peut durer. d'aucuns demandaient elle va glisser jusqu'où.  elle compta. d'autres demandaient aussi jusqu'à quand.  elle compta. quelqu'un dit quand elle en sera à 807 quelque chose aura suivi son cours.

mardi 11 septembre 2012

Huit sans sept



                          Cher Fritz,
Je comprends ton désarroi mais pour parvenir à la phase huit il faut que tu en passes par la septième, dont jamais assez on ne souligne l'importance. C'est la phase du paiement, et la communauté toute entière attend ton chèque afin de te pouvoir accueillir.
Religieusement tien.


(...)


                            Cher Gourou,
Elle, cette femme, m'assure que non. Non que je ne crois plus au lien direct que tu m'offres avec Dieu. Tout est venu de cet orgasme avec elle : ne cessant d'y repenser, je l'ai reproduit avec elle, et depuis, de toi, de Dieu, je me fous. Absolument.
Tu attendras ton chèque plus longtemps qu'elle la parure dont je tiens à l'orner.
D'un mot - ou deux, trois - crève donc, charognard.

vendredi 7 septembre 2012

Retour


                  La chaude pluie de juin entre par la fenêtre ouverte. Le salon est aux oiseaux. L’ampelopsis enlace les solives. Les douces algues grises couvrent la tenture. Dans la cheminée nichent huit cent sept souris. Du toit presque tombé on voit sortir des saules. Les herbes soyeuses cachent le seuil. L’homme est mort et comme lui sa maison n’a plus ni dehors ni dedans. 
 
 
                        Maintenant il n’est rien, maintenant il est tout, sable, animaux, cailloux, fougères, atomes, encore et encore.
 
 
 

jeudi 6 septembre 2012

lieu


                             Cette cour fermée dont le sol est recouvert de cailloux de Loire, petitesse et matières diverses, tous ronds de s'être réciproquement polis par frottements, cette cour se révèle sur l’obscur des paupières. Cailloux de toutes teintes, des douces déclinant les ocres de la terre ou bien grisées, opaques. Osselets minéraux qui, arrosés, se sculptent de transparences sourdes. Il suffit de tourner vivement la roue d’une pompe, animant laborieusement tout un mécanisme rouillé, pour que l’eau enfouie surgisse et les nuances minérales chatoient. Dans le coin gauche de la cour, juste un tas de sable, grains des bords du large fleuve, blancs, beiges, irréguliers.


                          Une remise en pierres claires clôt la cour sur toute sa largeur, maintenant ça me revient qu’au fond à droite trônait cet escalier aux marches irrégulières, sa lourde porte à ouvrir à deux mains. Enfin le jardin, longue pente bordée de buissons chargés de fruits rouges. Deux petits chemins en partaient sur les côtés, nos pieds évitant de peu orties, mauvaises herbes et les ronces échappées des buissons touffus.


                          Des poiriers régulièrement taillés pour étendre leurs branches à l'horizontale, un portique orange orné d’une balançoire et d’un trapèze. Une frontière de grillage qui laissait le jardin de la voisine sur la gauche et de l'autre côté un chemin serpentant en pente dont je ne me rappelle plus où il nous a emmenés, partait-il vers une autre maison ou un bois en surplomb ? Chemin de mauvaises herbes, orties, fleurs de trèfles, pissenlits et foultitude parachutes blancs prêts à souffler dans toutes les directions, 807 au bas mot. Ce foisonnement, ce fouillis où s'égarer et la certitude de l'endroit devenu immobile. Pas sûre d'y avoir vu les arbres grandir ou leurs feuillages s'épaissir. Sur l'obscur des paupières, cette cour débouchera toujours sur la remise qui emmène au jardin.

mercredi 5 septembre 2012

L’interrogatoire.




- Pourquoi depuis toutes ces années répétez-vous le même ? C’est le nombre d’or ? La combinaison du coffre-fort ? Le numéro de téléphone du médecin de famille ?
- Est-ce que je sais on est là pour faire ce qu’on nous demande on m’a jamais rien dit pas donné d’explication plus que ça du moment que c’est pas un travail au-dessus de mes forces même quand ils sont en vacances à Trouville et qu’ils peuvent pas me surveiller moi je continue c’est un principe au moins une fois le matin une fois le soir je suis habitué et même je peux vous le dire ça me manquerait si...

- Et le dimanche ?
- Le dimanche c’est pas mon jour de sortie du reste ça a fait un drôle de foin avec Pomponnette c’est ma femme elle voulait pas qu’on prenne cette place-là elle disait c’est des mécréants travailler le dimanche le Seigneur nous en voudra je lui ai dit qu’il était pas comme ça qu’il pouvait comprendre.

- Elle s’est inclinée ?
- Je sais pas ce que vous voulez dire aussitôt arrivée elle est partie avec le garde-chasse mais je suis jamais tout seul au moins maintenant j’ai mon huit cent sept dans la tête qui me tient compagnie et puis ça rime avec Pomponnette c’est peut-être pas un hasard comme on dit une passion chasse l’autre.

mardi 4 septembre 2012

Bilan.


                  Il avait sorti le cahier qui ferait office de journal Recettes & Dépenses Existentielles. Sur chaque page, séparée en deux par un trait vertical, il s’agirait de noter, à gauche, les plus ; à droite, les moins. Il avait suivi dans sa jeunesse une formation accélérée d’aide-comptable dont il ne lui était rien resté, si ce n’est : à gauche, "pain blanc", à droite, "ce qu'il en coûte"… Ou l’inverse, quant à la latéralité ? Finalement il avait un doute.


                  In fine, il s’était trouvé, les notant dans la colonne de gauche – puisque en étant resté à son sentiment premier selon lequel la gauche enregistrait le positif et la droite le négatif - : 807 raisons d’apprécier la vie contre 806 – à droite donc - de la détester. Résultat serré : il convenait de recompter.


                  Assuré de ne s’être pas trompé, il tira le bilan.  Chose faite, il rangea le cahier reconverti en journal Recettes & Dépenses Existentielles, ainsi que le revolver, sorti au cas où. Il poussa un profond soupir, la journée était déjà bien entamée en arguties comptables, et il avait un tas de trucs à faire, à gauche et à droite.

lundi 3 septembre 2012

copeaux

                    vladje en faisait livrer. il fallait cogner dur et une bonne fois pour toutes. elle en faisait donc livrer beaucoup. elle donnait des ordres légers mais précis. ils avaient installé des rails depuis l'entrée jusqu'au bâtiment. une grue déposait les requins de terre sur des plateformes elles-mêmes déposées sur les rails. elles glissaient jusqu'à la grande bâtisse de tuffeau. à  hauteur de façade, on arrêtait la plateforme. vladje guettait. lorsqu'une plateforme était là, à l'aplomb d'une fenêtre, elle jetait jetait jetait dans la mâchoire ouverte en contrebas. puis une autre plateforme à requin se présentait. et elle jetait jetait encore.

                    ils avalaient tout : vieille armoire fond contre-plaqué, portes dégonflées miroir fendu, buffet formica jaune aux pieds pourris à force d'eau de cave, tailleur pied de poule du mariage de paulette, bibelot bois chien à tonneau de rhum en sautoir, boîte à colifichets et pendeloques, armoires en plastique, étagères bois aggloméré mélanine blanche, piano et l'âne, lit en fer à ressorts tue-mouche, castelet guignol à crin d'acier, mappemonde à manivelle, tiroirs orphelins, machines à gaufres, espaliers à torsions, jupes de juillet, repas refroidis, mauvais plans pliés, verres à pieds assoupis, matelas dérisoires, tablettes à cactus, peluches crevées, manteaux marbrés mités, livres obsolètes, chapeaux à entonnoirs, cheminées à ridelles, seaux à charbon, clés à fils, pots des chambres et cuisines, moulins à sardines, distributeurs de rien, encensoirs à faïence, ventilateurs sans cervelle, raisins francs du collier

                  la veille, vladje avait admiré dans le port d'amsterdam la beauté industrielle des containers de marchandises, leur proportion, couleur et disposition. elle avait rêvé possible d'en faire venir quelques uns jusqu'à son domaine. impossible lui avait-on dit. elle avait alors choisi les requins blancs. lecteur il en fallut bien 807 pour venir à bout de tous ses trop