Déclinaisons d'un aphorisme d'Éric Chevillard.
"804… 805… 806… j’avais très rigoureusement repris le compte des herbes de mon jardin en pliant celles-ci au fur et à mesure, cette fois, afin de ne pas me tromper, mais à la 807ème ortie, ma main enflée, engourdie de douleur, n’est seulement plus capable de bouger les doigts, j’abandonne."
François avait tellement tanné Patrice qu’il avait fini par accepter. Il ne faisait pourtant pas partie de ceux qui puisent leurs mots dans la contemplation de l’océan. Les plages aoûtiennes ou les tempêtes d’hiver, ça n’avait jamais été son truc. Mais la formule en pension complète – 807 euros pour dix jours – était alléchante. Patricia et lui avaient besoin d’un break. L’argument ultime de François l’avait convaincu. L’endroit proposait une table gourmande : crabes, poisson pêché du jour, plateau de coquillages, far aux pruneaux et aux algues, riz au lait, kouign-amann, cidre maison... Tant pis, il contemplerait la mer.
« La Grande Marée, chambres et table d’hôtes, résidence d’écriture. Une île, un lieu inédit, une porte ouverte sur la mer, l’horizon et l’inspiration. Nous proposons plusieurs formules d’hébergements. N’hésitez pas à nous contacter pour de plus amples renseignements. »
Il y avait eu la traversée en bateau. Rien à voir, à part quelques cailloux noirs et trois grands oiseaux qui avaient filé à la surface de l’eau. L’arrivée sur l’île avait été plaisante. Même hors saison, la Grande Marée était apparue comme un lieu charmant, à l’image de ses hôtes. La chambre comportait un bureau, un lit moelleux et une vue sur mer. Le repas du soir avait rempli les estomacs et un Pommeau maison avait favorisé la digestion. Ce n’est qu’une fois dans le noir, que l’évidence s’était imposée à Patrice. Entouré de ce silence plein de vie, propre au lieu isolé, il avait réalisé qu’il allait follement s’ennuyer.
Sur le chantier, les grues fournissent des perchoirs de halte aux oiseaux hors d’haleine. Nous sommes en pleine migration. Des battements d’ailes, pour faire le tour de la terre, on ne les compte plus.
Mais voilà, ils gênent, ces oiseaux, ralentissent le chantier avec leur nidation. C’est fort de café d’admettre que des oiseaux, si petits, si légers, ces chiures de la nature puissent tant emmerder les entrepreneurs.
Une grue de société, bien nippée, talons aiguilles, mini-jupe et produits L’Oréal badigeonnés, se demande ce qu’elle fout sur ce chantier d’entremetteurs. Mal payée, elle dégorge des bourses. Pas celles qu’elle voudrait. Elle rêve à une grande migration tout en comptant ces ronds. 807. Encore combien de battements d'ailes pour changer d’horizon ?
Devant le miroir, grimaces pour détendre les zygomatiques. Bleu les paupières, sourcils veloutés, vermillon aux lèvres. Robe moulante, elle flotte dans le noir. Pulsation du coeur, un rétrécissement à chaque battement. Le manque d’air aplatit ses poumons, resserre la cage thoracique. À tâtons dans l’obscurité, les doigts suivent l’épaisseur du rideau, un pas, puis deux, puis trois... Jusqu’au vide, la scène béante, un trou de lumières.
807 paires d’yeux figés dans un silence épais comme une attente, suspendus à ses lèvres. Elle articule un son, sa voix soulève des spasmes à lui faire éclater la cage thoracique. Pas le moment de flancher. S’amarrer à la feuille, les mots qui déferlent, un torrent cacophonique. 706 paires d'yeux écarquillés. Se ressaisir. Elle plante son regard dans la 605e paire d’yeux interloqués. Ça s’agite autour d’elle. Tenir le cap quand ils s'éclipsent, laissant derrière eux 504 paires d’yeux liquéfiés. Poursuivre, quand 403 paires d'yeux médusés la dévisagent. Se cramponner, malgré la porte qui bat aux vents et ces 302 paires d'yeux effrayés. Reprendre son souffle. Une pause. Elle remet ça, la tête enfouie dans la feuille, faire fi des 201 paires d’yeux terrassés, et tant pis si 100 paires d’yeux la toisent...
Ça va mieux, on dirait. La voix s’est posée, le palpitant au repos. Un dernier texte, donc. Inspiration suspendue... alors qu’elle cherche vainement une paire d’yeux à laquelle se raccrocher.
L’enfant appelle dans la nuit. Sa mère ne vient pas. Il n’ose pas bouger et voit, dans les ombres projetées à travers les persiennes, une savane incendiée où fuient des animaux. 807, exactement… Il s’endort au petit matin et s’éveille adulte, le regard ouvert sur le vide blanc du plafond. Sa mère a disparu depuis longtemps. Elle n’est jamais venue à son secours, la savane a fini par s’éteindre et les animaux en feu ne viennent plus jamais se réfugier dans ses rêves. Il avait pourtant appris à les aimer et à ne les plus craindre...
Mes animaux doux aux yeux d'énigme, d'où veniez-vous, où êtes-vous ? Girafes aux jambes d'herbe, muettes au trop long cou. Mouettes au long cours, ours tranquilles aux mains de miel, en quel sommeil nous aimions-nous ? Et vous, les deux grands bœufs aux sabots de boue, quelle chanson nous vit peiner au creux d'un labour lourd ? Mes chenilles de soie, quel cocon nous protégea ? Qui dévida notre écheveau pour tisser sa robe de noce ? Eh, Cheval des vents ! Petit cheval blanc toujours devant, souviens-toi du trèfle sucré. Nous y dormions debout appuyés sur l'air, bercé par le bêlement des agneaux de lait, mes petits frères de laine. Petits nuages des prairies, quelles tétines d'étoiles tétions-nous sous la voie lactée ? Vous les éphémères, quelle seconde parfumée nous parut un siècle et vit notre chute sous la lampe ? Toi, le taureau rouge, notre sang comète quelle banderille glacée le fit jaillir et rouler mercure sur la poussière ? Quelle clameur mourut avec nous sous l'astre blanc ? Souviens-toi nos coups de cornes contre les vantaux fermés ! Vers quelle ellipse glissons-nous sans fin ? Ce coup au cœur !
Ils meurent les animaux, ceux des rêves et ceux de la réalité. Il repense à cette vieille photographie, un matin de Noël. Il avait le regard clair sous un large chapeau de feutre et brandissait deux colts de plastique. Il a encore l’odeur neuve de la panoplie dans les narines. Il ferme les yeux et cherche le sommeil. Cow-boy de mes nuits d’enfance, fais entrer dans le corral mes animaux tristes et ne chasse pas les oiseaux gais qui picorent leur crottin.
Les années avaient tissé entre eux une redoutable intimité. Elle aurait bien voulu le quitter mais elle ne voulait pas faire le malheur d’un homme dont elle avait pitié. Elle avait horreur d’avoir pitié de lui, mais cette pitié, pourtant, lui en imposait 807 fois. Elle voulait aimer son amant sans faire de mal à son mari.
Il y eut une époque où les gens comme vous me faisaient peur. Il y en eu une autre où je leur rendais coup sur coup. Maintenant j’en aurais plutôt pitié.
« Si ceux qui disent du mal de moi savaient exactement ce que je pense d’eux, ils en diraient bien davantage. » Au moins 807 fois plus.
Il y a le merveilleux il y a l’irréfutable il y a les divagations de l’esprit les asiles psychiatriques les grains de sable les larmes qui ne servent à rien il y a la programmation l’agitation des poissons hors de l’eau il y a l’ironie qui blesse les biotopes un Airbus dans le ciel du Pakistan il y a ce qu’on ne comprend pas les faveurs des puissants il y a l’apostasie la haine féroce il y a quelques Peugeot il y a le flou figural une pelouse il y a les vieillards mourants l’horlogerie fine la violence des vagues les portes fermées du ciel les tueurs en série il y a les alcools forts il y a le boulevard du Maréchal-Leclerc il y a les stages de formation continue il y a les amis il y a les sept nains le forfait des clepsydres les coïncidences il y a la mémoire qui flanche les lourdes symétries il y a les pneus dégonflés ta langue dans ma bouche les marguerites et les pâquerettes il y a le fair-play il y a la réticence il y a les tard-venus le temps d’avant la disparition de l’homme il y a les cours de recyclage l'ancien sigle d’un commerce de produits alimentaires il y a la bise les nuits d’amour il y a l’expérience il y a ceux qui cherchent du travail il y a le calvados il y a les carrefours il y a les lieux auxquels on s’attache l’allure des nombres le régime sans sel les bas de page il y a les pépins en série son numéro de téléphone il y a l’argent jeté par les fenêtres les mille-feuilles le jaune il y a les baies vitrées le jeu des chaises musicales il y a ce qui n’en finit pas de mourir les urgentistes il y a les restes de la vaisselle du monde il y a les personnages secondaires les élans mystiques il y a les décisions qu’il faut prendre les blagues qui tombent mal les deux mots qu’on ne dit pas les fins de série il y a les sucettes à l’anis il y a les galets plats hors de l’eau il y a les préliminaires il y a la face du monde qui aurait pu changer il y a les nuits trop courtes les retardataires les œufs les déménagements il y a le pain sur la planche les limites à la patience il y a le lascar qui louche le prix Nobel les ronds dans l’eau il y a le voyage autour de sa chambre les ruses de la raison il y a les frères et les sœurs l’Arc de Triomphe les réminiscences de choses idiotes il y a les spectacles qui ne valent rien les fuseaux horaires il y a le cagnard il y a l’ombre de la victoire de Samothrace les corbeaux solitaires il y a des types formidables les cimetières les sottes recommandations la légende il y a Lausanne il y la convoitise il y a le ciment à prise à rapide il y a le fruit du hasard il y le visage de Samuel Beckett les injections létales le premier café le marchand de viande il y a la bienveillance les listes interminables il y a la double digestion le sacre de Charlemagne le néant il y a les pièges de la concision le béton il y a les recherches sur Google les yeux grand ouverts dans la nuit il y a les journées d’études il y a les points à la ligne l’assentiment il y a les matches de boxe les croissants frais sur le zinc les pandémies les condamnations il y a les têtes des Jivaro il y a les chiens lâchés il y a les droits qu’on s’attribue il y a Waterloo il y a les excès les fâcheries les références authentiques une machine à coudre et un parapluie il y a les voyages en train la magie il y a la page 48 la doyenne de l’humanité les tâches auxquelles on renonce il y a les femmes qu’on n’oublie pas la suffisance des prétentieux il y a ce qu’on trouve bien il y a les gros célibataires les hurlements de Fellini il y a les égarements de la providence notre stupidité le besoin d’absolu les lettres d’excuses l’ineptie des modes les passagers du train Paris-Le Havre il y a un saut d’eau salée le sable les maigres outils pour affronter la vie Princesse Apocalypse il y a le double visage de la réalité il y a ce rien que nous sommes le pied des murs les fous rires il y a une définition de l’aphorisme quelques âmes charitables la retraite d’un écrivain la tour de Pise il y a un huis-clos le trèfle une tondeuse à gazon un poème de Paul Celan le langage des charcutières il y a les enfants des rues les marches aux portes des palais Marcel les contrats à durée déterminée les nouveaux riches l’exclusion il y a la critique littéraire un crieur de bonnes nouvelles l’amour courtois le gazon de Wimbledon le remboursement des dettes il y a l’œil du coiffeur il y a des bottes de paille les haies le désherbage la main du Diable des rediffusions il y a une caisse d’anchois les origines de la crise les feux de l’enfer des rustines une moissonneuse-batteuse il y a un compte à rebours les relations contre nature les lattes fatiguées d’un vieux lit il y a même une fable il y a le Président de la République il y a les portes du Paradis un mot de toi ceux qui sont au pied du mur il y a un ceinturon les poches arrière d’un jeans la mayonnaise des agents spéciaux il y a l’idée lumineuse d’un sergent les premiers flocons de neige l’aubier des arbres centenaires il y a des pots de confiture les reflets verdâtres du marais les dompteurs de puces les affaires pliées les cœurs éclatés les assoiffés du désert un étrange mille-pattes les marigots il y a un nombre triste un bouquet final l’amour de la performance la langue suédoise les dimanches les bayous les livres qui ne se vendent pas il y a la totalité des malheurs de timides essais de conceptualisation il y a les chuchotements les chagrins qui sont à demeure quelques enfants illégitimes de l’allégresse des suicides manqués il y a une épitaphe extraordinaire il y a des ascenseurs il y a le sida des claquements de portes il y a l’autel des incertitudes des chiffres et des lettres il y a l’osier les ascensions alpines l’odeur de l’ambre solaire il y a ce qu’on ne dit pas il y a les objets perdus les conjectures l’arrivée au port il y a la salade pommée une kyrielle de moineaux les rousses le mercurochrome il y a les bonnes manières le mauvais temps les cures d’amaigrissement il y a des images de vierges il y a une course d’escargots le Q.I. des traders le vieillissement prématuré les mille et une raisons d’aimer la première barbe l’impatience du Chaperon Rouge il y a les demandes inutiles il y a ce qui a lieu mine de rien les inséparables l’obéissance des enfants les longues attentes l’abandon il y a les proverbes il y a des moutons à l’œil vengeur la candeur l’effet domino une annexe aux traités de Tilsit la burqa il y a Madeleine Berger les plages bretonnes le souvenir de la bataille d’Eylau il y a Yvonne et le Général les commencements de l’Histoire les 35 heures le reniement de saint Pierre le quarté un marchand d’échelles il y a la Mer Rouge d’étranges royaumes
il y a les difficiles cohabitations il y a les jours de pluie le mouvement ouvrier les étoiles il y a la famille des ombres le Mont-Blanc les inusables chemins l’évidence il y a l’effondrement d’une tour les rendez-vous manqués il y a des prophéties la douce folie il y a celle qu’on voudrait cueillir au milieu de la foule les diagonales il y a les dimensions de nos vies d’autres saisons les merveilles du monde des parkings il y a demain Indianapolis des occasions la tentation d’une vraie vie il y a le mardi matin les reconduites à la frontière le temps des retraites les obsessions il y a l’illettrisme le paysage du livre le mois de mars les trains qu’on a comptés dans la nuit il y a Combray aujourd’hui la vie d’étudiant le fond du jardin il y a l’allumeur de réverbères la mauvaise herbe il y a un fleuve le Goncourt les dés pipés les vices et les vertus une ceinture brodée il y a ceux qui cherchent les poux il y a une théorie des genres littéraires la colère des lecteurs le refus il y a Pompidou il y a aussi la dèche une méditation sur l’avenir les marges de l’histoire la dureté du bois il y a les écrivains qui tiennent à la gloire les canapés au foie gras les majorités relatives le soutien psychologique il y a les bonnes raisons il y a les arnaques des rêveries le chapelet des idées reçues les faux espoirs il y a Orly le dimanche l’histoire d’un Inuit des nuits blanches le tour du monde il y a les lignes de fuite il y a les fois prochaines la plongée sous-marine l’oubli il y a Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski il y a Cyrano il y a un seul taulier une tête coupée les dernières secondes d’une vie les files d’attente il y a ce qu’on s’est mis en tête un rêve de Joachim les nymphéas il y a les brutes zélées l’indiscrétion du lecteur des batailles l’île Maurice une lettre d’amour le grain de la voix il y a le désert les horloges les décharges il y a les décombres les regrets une seconde vie les éclats de rire il y a celui qui n’est pas des nôtres il y a un fringant jeune homme la patience de Noé Pluton au périgée la grille derrière laquelle attendaient les réfugiés les trains de la mort les colonies de fourmis les regards terrifiés il y a les boiteries la honte le bob il y a des mots rares un gars tout seul au coin de la rue la fierté les constats affligeants il y a la chasse au lièvre une joggeuse les punitions les pièges du miroir la position des tireurs les soupirs les boules de cristal les cruelles certitudes il y a Philémon et Tristan il y a la grammaire le libre accès les mousquetaires le vote électronique il y a des manifestants des messages d’insultes le soleil qui fait grève un psychanalyste à la retraite il y a toi et moi il y a une chanson de gestes des apparitions il y a Dieu les choses de moindre importance il y a la fatigue le plagiat les dimensions de la bêtise la patience les coups de chance le bout des champs il y a une pile de chemises un Petit Larousse des insomnies le ciel au-dessus de nos têtes le courrier du monde entier la maladie qui vous cloue les fumeurs et les autres il y a l’Atlantide il y a des faussaires un porte-monnaie vide il y a la commune de Fernoël une approche avortée de l’infini le voisinage des contestations il y a Noël l’ami Pierrot la réparation des injustices il y a l’Internet les noces de l’ennui et de la contrainte il y a les paris un écrivain gros et fier la danse moderne et classique les hommes à principes les femmes de Casanova et Casanova lui-même il y a une bande de désœuvrés l’autre calendrier le règne de Charlemagne il y a sa liaison supposée avec Adalinde les lettres de rupture celle qu’on a retrouvé dans l’étang des larmes il y a les poèmes dont on ne se souvient pas les brouillons les pages blanches les grains de beauté les rondeurs démodées le chef du casting une femme de ménage l’enfant qui réclame une histoire il y a même les cuisses de Blanche-neige le dernier voyage il y a Jules Hetzel ce qui persiste deux policiers toulousains les raison d’un refus l’inhibition du pape il y a les livres qu’on ne lira pas le temps perdu la sérendipité naturellement la recherche du silence il y a la république des livres les statistiques une bougie les derniers jours il y a la guérison trois fois trois fois rien il y a des opérations arithmétiques il y a quelques tours de passe-passe il y a le désespoir il y a celui qu’on a oublié dans une prison l’ombre de Ponce Pilate il y a un wagon de cinglés il y a les statuts des jeux en ligne il y a le temps des cerises les défaillances humaines des bouteilles un concours d’orgasmes en couples il y a l’un dans l’autre il y a des péripatéticiennes un amateur de chiffres ronds il y a des langues inconnues il y a de grosses bêtises il y a la corde à laquelle chacun tire un voyage sur Mars il y a Don Giovanni deux poussettes il y a des huîtres les années 30 à Chicago les gâteaux à forme ridicule Schrödinger un chef-d’œuvre inconnu il y a les rendez-vous il y a les bien que un puits au milieu des plates-bandes les bourgeoises de Pont-l’Évêque il y a un enfant de cœur il y a le livre de trop l’art contemporain il y a ceux qu’on disqualifie le tiercé le poing dans la poche il y a le loto la haine sans raison les excuses il y a un huis sans serrure il y a la météo la télévision il y a les réjouissances les royaumes pourris il y a un hérisson un centre commercial les dés pipés il y a les instruments de domination il y a le besoin de se renouveler la bêtise l’arrogance les caresses il y a sept corps dans un puits l’ambiguïté les occasions ratées la générosité des mères il y a les journées qui durent le bonheur des pères la petite forme les anglicismes la distance qu’on prend pour y voir clair les nombres sans-grade il y a bien plus il y a l’infini qui guette les ovations à Avignon nos ignorances les sévices l’avenir qui donne tort un manifeste poétique le public il y a les coups de main il y a les préférences les raisons de continuer il y a les pourquoi les fraises la vie après toi il y a la sobriété le grand guignol des grandes gueules l’électricité Tokyo les pingouins du pôle Nord
il y a les promesses non tenues Leonardo Fibonacci un évêque des taupes il y a les cactus les mises en examen les effeuilles la route entre Rome et Amsterdam le désir de partir un rond-point une marquise il y a les grosses colères les quais de gare il y a les appartenances les illuminés de Salt Lake City la reconnaissance les miettes de pain la longueur de la page il y a la rage il y a ce qu’on attendait depuis longtemps les refus le temps d’avant les réincarnations le harcèlement un majordome il y a les petites épiceries les nœuds de vipère une mercière il y a les tragédies de la route l’absence du père il y a le château d’Oliferne la saveur de certaines proses l’aveu les coups de pied qui se perdent les équations sans réponse des licenciements il y a une chute vertigineuse mille raisons de refuser les estuaires le travail recommencé les ports les noms d’oiseaux la lisière des bois il y a l’immortalité les ronds de fumée les changements de cap les arrêts maladie la nostalgie les promesses d’éternité des sources et des lacs il y a les grand moulinets les dispenses les passages à tabac les polars les éliminations sommaires il y a ta vie les clés de Saint-Pierre la tiédeur de l’enfer les homélies pascales il y a l’olivier centenaire les passages à blanc les habits de printemps les justifications il y a des imprécisions il y a les retards l’autosatisfaction les degrés de l’humour les rires les agences de presse les imitations qui mettent mal à l’aise l’huile oubliée sur le feu la vérité du Petit Poucet l’enterrement du mouvement surréaliste il y a les mouches il y a la bravoure le livre des records il y a ceux qui passent à travers les murs il y a ceux que l’imagination n’étouffe pas les gants blancs l’amour des comptes ronds le vouloir dire les petits réflexes câlins les bons côtés les supplications un confessionnal il y a les derniers cheveux le bilans des gains et des pertes les taches de rousseur il y a des râteaux et une pelle il y a les bonbons Robert Desnos les mensonges le zéro les examens l’encre rouge il y a le clin d’œil des étoiles l’extrême onction les frasques de coco il y a des dépositions il y a les mauvaises raisons l’inutilité le vieil Armand le chapelet des petits emmerds les aboiements la tonsure des moines il y a un père et sa fille dans un parc il y a les petites pierres blanches l’heure qui passe la durée le type qu’on fête le geste tranchant des géants les confidences il y a un gâteau d’anniversaire il y a des bougies il y a l’agitation l’assiduité il y a ceux qui s’y croient il y a un sonnet il y a des vies minuscules le réveil l’Académie française les prétextes l’ordinaire l’appel du 18 juin il y a un hymne national il y a les cortèges de sottises ce vers quoi porte le regard les constructions de demain les curiosités linguistiques les superstitions les yeux des fous il y a les gadgets il y a les robes de mariée la scansion les pauvres espoirs il y a les fiches de cuisine les lamentations le pressentiment l’entassement des saisons les manies inaperçues les vieilles bouteilles il y a les trompettes de la renommée il y a ceux qui ont un chien le pourrissement des morts un rêve d’Ubu l’herbe verte au retour du désert les sifflements du vent les pâtes de fruits les crevaisons il y a une cahute il y a les trompe-l’œil vieillis le Paic citron il y a les recommencements les jolies brindilles les déjeuners sur l’herbe les déclarations la correction les hérissons qui se hâtent sur le bitume la crise il y a les professeurs de philosophie les arbres à came il y a l’immanquable la pagaille les inondations il y a des revenants il y a des cactus il y a les syllabes l’âge mûr il y a Shakespeare l’ombre du maître le cancer de la gorge la Guilde des avocats de la ville de Dijon le prénom oublié d’Alzheimer les salariés au lendemain de leur licenciement il y a l’hôpital Sainte-Anne il y a les bonus il y a ce que tu vois dans la glace les sondages les rencontres de Chaminadour les restrictions budgétaires les exigences tyranniques l’oubli des proches la ponte les cueillettes il y a le tournage d’un film il y a les gargotes les méthodes pour bien lire une paire de bottes les apôtres les quelques secondes de trop les exercices d’admiration la contagion le confort il y a des réussites il y a les poignées de mains il y a ce qu’on oubliera il y a les employés des douanes les victoires qui lassent la dépression l’inlassable circulation des hommes les cris de la victoire il y a la fin des vacances la démission des leaders le cercle de l’horizon il y a un bouclier de cuir à l’ancienne il y a les mesquineries les plaintes qui n’aboutissent pas la relativité du temps la princesse de Clèves la jalousie la nécessité les 400 coups il y a la roulette russe la répétition des mauvais souvenirs les airs fripons il y a le ridicule les excès l’histoire qui défile le découragement la guérison il y a le regroupement de militants fanatisés les ravissements le consentement au premier baiser les habitudes qui franchissent les générations il y a un billet de 1 000 dollars la bouche qui te regarde les séances chez le psy il y a les tablettes d’argile la récursivité la rébellion de personnages en papier il y a un ange dévasté il y a cent mille milliards de poèmes il y a les casse-tête les allées du Père Lachaise sept oranges à Alicante la légitimité obtenue au forceps le débarquement à Cythère il y a l’avenir du livre numérique il y a la preuve par l’absurde la supériorité des formes brèves les beautés en bikinis le Boudpokistan il y a l’inattention les yeux dans le vague les groupes des pression il y a des poulets en vadrouille il y a une élection il y a les coups sur la tête les recours à ce qu’on ne saurait disposer les maux de dents les bons perdants le manque d’idées l’évidence à laquelle on se rend l’armée monégasque les combats d’arrière-garde il y a ce que tu me dis le livre des records il y a les excès de bière les explications confuses il y a une soutenance de thèse il y a les gorges chaudes les prés fauchés il y a les charpentes les révoltes populaires il y a l’Afghanistan les oui mais il y a les engagements précieux les fabuleux destins les balades en bateau il y a ce qu’il faut bien admettre
et pendant que tu blablatais sur le clinamen la procastination ou la sérendipité, pendant que tu baisais ta femme ou faisait l'amour à ta maîtresse ou inversement, pendant que tu disais à ton fils de ne jamais mentir de ne pas dire de gros mots, lui, il connectait 807 fils, les soudait en suivant scrupuleusement un schéma technique ; pendant que ta mère t'apprenait qu'elle avait un cancer ou que ton père ne se souvenait plus de ton nom, pendant que tu trinquais avec ton pire ennemi en souhaitant longue vie à votre pacte, lui, réglait l'heure, enregistrait, enfermé dans sa cave ; pendant que tu riais avec ton meilleur ami comme vous le faisiez vingt ans plus tôt, deux crétins volontaires, pendant que ta compagne t'adressait un sourire en caressant son ventre, lui, dépouillait une saison en enfer, page à page, ajoutait en soustrayant ; pendant que tu murmurais comme une plainte seul face à la mer avec une guitare désaccordée une chanson de Nick Drake, pendant que ton premier enfant poussait son cri inaugural, pendant que le libraire disposait ton premier livre sur les étals, lui, terminait sa bombe, enrubannée de bleu
ne voyez-vous pas l'ombre approcher ? allons chercher nos casques, rendez-vous dans l'abri avec quelques bières pour tromper l'attente ; le kamikaze ne renoncera pas
Le moment est venu pour la femme de rejoindre Vulcano, la septième île éolienne, l'ombrageuse, celle qui pue l'œuf pourri à plein nez dès l'accostage. Elle crache haut et sans discontinuer de longs lambeaux jaunâtres. Statufiée sur la lèvre du cratère, Claire se détourne des effluves jaunâtres et découvre à ses pieds ancienne et minuscule île qu'un banc de sable a réunit au volcan, la Vulcanino devenue presqu'île. Avec Vulcanino, temps, vents et sable ont conjugué leur force pour réduire les huit îles éoliennes d'origine aux sept actuelles.
Feuilles jaunes cliquètent, brise lui caressant la joue aussi tendre qu'inattendue. Ne sait encore la raideur de l'ascension et de bon cœur s'engouffre sur un chemin crissant. Débouche, enfin où rien ne se prolonge, explosions intermittentes des filaments de lave expulsés par Stromboli. Noir, ardent. Du surplomb où essayer de reprendre son souffle, frémir des crachats flamboyants retombant en taches écarlates avant d'être absorbés par la nuit. Ici, sans préavis hurle la terre ! Que le sol se tord sous les pieds ! Ça lui tourneboule drôlement la caboche. Claire en oublie son nom, elle s'appelle comment déjà ? Dans le brouillard du transit, la femme échevelée note, au fur et à mesure, les îles visitées. Il y a eut Panarea, l'île des yatchs; Salina qui se grimpe dans la douleur, un cratère de roches andésitiques aussi éteint qu'elle met les muscles en feu... Puis Lipari, la capitale où gelati limone dégoulinant sur les doigts, elle a languit dans des ruelles encaissées jusqu'au dernier appel. E le nave va...
La nuit suivante dans un chalet de pin à 800 mètres au-dessus de la mer, l'amnésique rêve d'Etna, plus précisément d'une éruption qui embrase l'Etna. Des gaz, ils remontent en hoquets abrupts, explosent le bouchon de lave refroidie qui retenait la bile de la terre. Imprévisibles et massives, comme celles de 2002, des coulées épaisses ravagent tout. La tectonique sous-marine embraye. Un tsunami se déclenche. Schhhhhhoo ! Une déferlante recouvre les îles éoliennes, toutes, d'un coup. Hormis Vulcanino. Son promontoire noir émerge. Vulcanino surnage, rescapée, dernier caillou de silice et de souffre, la huitième sans les sept autres. Libérée, enfin...
Comment repérer un flic déguisé en lycéen casseur ? Il n'a pas 807 boutons d'acné sous la cagoule.
Plus d'essence sur le boulevard périphérique, le fleuve métallique figé. Silencieux, y regarder pousser les brins d'herbe et les compter, jusqu'à 807 et au-delà.
Les marées d’octobre charrient des goémons noués jusqu’au fond des ports de brume, des étroits rias. Algues vives indifférentes aux courants, aux désastres, au chant des sirènes.
Dans le port, 807 poissons portés par les courants frôlent de leur transparence les coques des chalutiers avant de s’envoler, poignards au bec des mouettes qui toujours surveillent et volent, survolent et veillent, inconscientes par leur vol d’éveiller celui de nos ailes rêvées. Elles tirent vers les airs la terre plane sous nos pieds et nous emportent, ouïes claquées, volés, envolés.
Près du phare, la lame opale déferle et noie la jetée. Le dernier matin marin, devant la mer, l’amant amer attend la vague comme on attend le dernier bus. Soudain, la gerbe d’écume... La mort liquide. Tout.
Alors qu’il avait déjà réalisé 806 galaxies, le Créateur fut pris d’un doute. Tous ces trous noirs et autres imperfections ne nuiraient-ils pas à son image ?
Tout en se grattant la barbe qu’il avait déjà longue, il réfléchit un moment qui lui sembla une éternité et se dit qu’il continuerait. Après tout, Rome ne s’était pas faite en un jour. Et Paris non plus.
C’est ainsi et pas autrement que fut créée la galaxie 807. Certains, et pas des moindres, la disent aussi parfaite et équilibrée qu’un triptyque.
Ô Campagne, le vent qui feuillette tes peupliers et tes champs de maïs, l’éternel gargouillis du ru, ta reposante musique à mes oreilles, et tes mouches sur mon beurre.
On surestime beaucoup le temps libre, surtout quand il pleut en vacances.
Pour repérer le parisien en Touraine, il suffit de chercher, dans n’importe lequel des 807 Super-U de la région, le chariot plus rapide.
« Je cherche un homme » répétait Diogène en parcourant la ville d'Athènes avec sa lanterne.
À Œdipe qui se demande comment retrouver à cette heure la trace incertaine d'un crime si vieux ? Créon répond : « Ce qu'on cherche, on le trouve ; c'est ce qu'on néglige qu'on laisse échapper. »
Et toi pauvre insensé, que réponds-tu à celui qui te demande ce que tu cherches au cœur de ces lignes, et que tu ne trouves pas ? Dis, que réponds-tu ?
Le visage de Peter apparaît flouté. À ses côtés un homme en blouse blanche, charlotte bleu ciel sur la tête. Un gros tuyau en plastique transparent s’échappe de ma bouche sèche et pâteuse et me relie à une machine qui bipe. 08h07 indique l’écran vert qui clignote à côté du lit.
La douleur distille son poison, me vrille l’épaule, descend dans l’extrémité des phalanges, remonte le long de ma jambe gauche, me transperce le crâne jusqu’à la racine des cheveux. Vague de feu ravageante, je voudrais retrouver le doux cocon de ouate et la lumière blanche qui m’enveloppait de sa douceur.
La charlotte se penche, les lèvres monstrueuses se rapprochent : « Je suis désolée Madame, mais nous avons dû vous amputer des deux membres ! »
Un écrivain manquant de lecteurs Découvrit chez un vieux brocanteur Sous un amas de vieille poussière, La plume d’une ancienne sorcière, Et se dépouilla pour son achat. Il retourne à son logis fébrile Et la fait respirer à son chat, Qui change aussitôt de domicile.
Il n’eut cure de ce noir présage Et mit à sa plume tant de rage, Qu’au petit matin, tout somnolent, Il avait écrit 807 pages Dans un incomparable talent, Parsemées là, sur son carrelage.
Il sombra dans un heureux sommeil Tout peuplé de beaux rêves vermeils. Mais au réveil il dut bien admettre Que la plume avait repris ses lettres.
Ils étaient 80,7 enfants devant la maternelle à brandir leurs banderoles fleuries en chantant « Nicolas, nous voilà... ».
Il y avait 8,07 vieilles femmes enragées devant le Pôle emploi à hurler pour qu'on donne du travail à leurs petits-enfants, et vite !
Il y eut 807 usagers de la SNCF en gare de Tain L'Hermitage-Tournon (buvant du vin offert par la cave coopérative) massés derrière une pancarte proclamant « le travail c'est la santé ».
La pluie cesse. Au fil de la départementale, le miel des foins coupés, la senteur chauffée des troènes invitent à la sieste mais je n’ai jamais su m’arrêter. Comme si je n’avais pas le temps.
Je conduis machinalement, perdu dans mes pensées. Les kilomètres défilent. Le 807e meurt sur le cadran. Je traverse les premières banlieues d’Île-de-France qui me gâchent le plaisir de rouler. Je me perds dans le lacis des routes et des échangeurs. Le béton colmate le paysage. La ville s’alanguit dans les rayons roses du couchant, percée de meurtrières, hachée de passerelles, grouillante, lacérée par le bistouri des voies express. Elle fuit en perspectives vertigineuses : jetées de béton sans fin, rails de néon, sirènes hurlantes, hypermarchés, jumbo-jets sillonnant le ciel qui vire au violet, à l’est entre les méga tours, paquebots métal et verre, surplombs, voies souterraines, feux clignotants, policiers en ribambelles, gyrophares, ambulances fonçant dans le trafic. Soudain, la réalité de l’environnement m’éblouit. Les panneaux publicitaires forment un corridor hérissé de couleurs. Les chaussées se divisent, se superposent, se multiplient. Les perspectives se pénètrent, se chevauchent. Le vertige ouvre ses parois verticales. Respirer, respirer...
Je ne vois plus rien. Des arcs électriques pulsent sous mes paupières, mon corps accomplit des gestes automatiques. Un zigzag de magnésium vibrionne dans un coin de mon œil gauche, obscurcit peu à peu mon champ de vision. La migraine grimpe l’échelle de ma colonne vertébrale. Le bruit du moteur est cotonneux. Le moteur cale. Je ne bouge plus, les mains sur les yeux, la tête sur le volant. Peu à peu, l’orage fuit au fond de mon œil. Je retrouve la vue. J’examine mon teint sale dans le rétroviseur. Sale comme les façades qui me dominent, gris comme le passant qui m’observe depuis le trottoir. Des coups de klaxon. Je redémarre, la nuque raide, le nerf optique vrillé. Je me répète mon nom. Tout mon être s’y accroche. Ma voix me redevient familière : Calme-toi, calme-toi ! Ce n’est que le monde tel qu’il va et tu n’es rien. Pas de quoi paniquer...
Un homme, yeux exorbités, rage écumante aux lèvres, doigt pointé sur le haut de son crâne dégarni. Il tourne autour d’un homme, hurle : Frappe. Je veux que tu frappes le premier. Allez vas-y, frappe. FRAPPE. Fraaaaaaaaappe. Allez. Je veux que tu frappes le PREMIER. C’est toi qui frappes le premier, allez, frappe. Nique ta mère, tu me dis ? Tu me dis quoi, nique ta mère ? Allez frappe. Frappe je te dis, frappe. Tu me dis nique ta mère, parce que je suis noir ? Alors tu crois que je nique ma mère parce que je suis noir, c’est ça ? Moi je veux que tu frappes le premier, on verra bien qui frappe le premier. L’autre, yeux rentrés, regard sournois. Qu’est-ce qu’il tient dans sa main ? Un parapluie ? Non le ciel est désespérément bleu depuis dix jours. Quelque chose comme une matraque. Est-ce un flic, est-il en civil ? Les deux hommes s’épient. Des voitures s’arrêtent, un passant les interpelle : Arrêtez, qu’est-ce qui se passe ici ? C’est quoi encore ? Expliquez-vous mais ne vous battez pas !
Les yeux dans les yeux, l’un crie, l’autre crispe sa main droite sur la matraque, recule d'un pas. Le passant a laissé tomber, autant pisser dans un violon. Un attroupement. Une tension parcoure la rue, ça bouchonne, bruits assourdissants de klaxon, chaleur de plomb, coups de gueule, insultes. Ça dure, au moins 807 badauds s’arrêtent là, d’autres jettent un coup d’œil en s’éloignant.
Ronde autour du Noir et de l'homme à la matraque. Rumeur sourde de la foule, agitation. Suspense, chacun choisit son camp, parie en silence, attend. Le premier continue de hurler : Tu vois, tu n’es même pas capable de frapper le premier. Tu aimerais bien que je commence, hein ? Tu m’insultes mais tu as peur de frapper le premier, tu voudrais que, moi, je commence à frapper. Parce que je suis NOIR. Noooiiiiirrrr. Mais je t’emmerde, moi.
les dignitaires confièrent à des logiciens le soin de déduire de ce principe l’ensemble des théorèmes d'en calculer la puissance d'en forclore les contradictions d’en garantir la complétude on confia à un groupe d'aventuriers la tâche d’inventorier les aspirations des dieux et d’habiles architectes conçurent le dispositif qui devait permettre l’accès au ciel malgré les tribulations des maîtres d’oeuvre les travaux furent poursuivis on y associa les populations voisines plus ou moins volontairement elles amenèrent les matériaux se chargèrent du transport de la chaux de la taille des pierres on prit des sanctions contre les récalcitrants on avait le sentiment que c'était la même chose mais on espérait pourtant qu'il allait en être autrement cette fois on a beau dire mais les saisons reviennent c'est ainsi que s'élevèrent trois rampes d'escaliers tressées pierres de granite aux joints de sable mélangé à de la chaux ces trois rampes devaient compter chacune un total de 269 marches égal au nombre de jours de paix de l'année moins les 9 jours maudits du bout de l'an c'est-à-dire qu'ensemble la triple rampe avait 807 marches l'oeuvre fut inaugurée au printemps de la troisième année dura un printemps avant de s'effondrer elle dure pourtant encore dans l'esprit des rêveurs ils montent la nuit sur la plate-forme d'où ils planifient la construction d'une nouvelle triple rampe qui devrait les conduire un jour dans les étages intermédiaires du ciel on peut se demander si tout cela a un sens
mais le peuple est fier et craint par-dessus tout le principe du déclin
10/12/1976 : Inquiet. Seulement le début de la tournée, et déjà ce cauchemar récurrent : en fin de concert, au lieu de scratcher ma guitare sur la colonne d’amplis, m’acharner sur un môme monté sur scène. Me réveille en sueur, avec en tête les cris du public qui réclame un rappel.
23/06/1977 : Sommeil plus apaisé ces derniers temps. Mais guère une solution que de tomber raide déf’ tous les soirs.
14/01/1978 : Bien insister auprès du juge : une idée du tourneur ces 807 dates d’affilée.
Les Anglais ne manquent pas d'humour : appeler un jour Sunday alors que leur peau ne supporte pas le soleil...
– Si on voulait noter le soleil chaque matin, quelle échelle on utiliserait ? – J'en sais rien, moi ! – Allez, je me lance : il vaudrait zéro s'il n'arrive pas à te faire sortir du lit, cinq s'il donne un arc-en-ciel, dix s'il sèche tes larmes, trente s'il te réchauffe le coeur... – Et huit cent sept s'il crame sur place cette pétasse qui tourne autour de mon mec.
La radio diffusait Sea, Sex and Sun. Le gros célibataire regarda par la fenêtre : montagne et pluie. Il prit le poste et le jeta contre le mur.
HHhH de Laurent Binet. On croit à un éternuement. Ce n’en est pas un, c’est le curieux titre de son premier roman. Goncourt 2010. Il ne faut pas toujours croire la rumeur sur les prix et lire ces 441 pages qui vous réconcilient avec la littérature – on en aurait volontiers lu 807 de plus.
Binet, c’est un ton, une liberté d’expression, une audace stylistique sur fond noir profond. Le noir Historique. Ce noir qui tient hélas, dans la répétition, en trois petites lettres toussées en rafale, celles qui transpercent l’amnésie nationale un jour de mémoire : etc.
Au premier plan, HHhH. Ce n’est pas un éclat de rire. C’est un grand livre, etc.
Changer de vis-à-vis, comme on change de chemise quand elle a trop de reprises. Changer de miroir pour voir, en face, quelqu’un, et le croire. Entre la poire et le fromage, changer son image trop sage. Voir ailleurs si c’est mieux, meilleur. Voir si, là-bas, Je est un Autre. Changer de monde, de pays, de ville, de maison, d’arbre, de gazon, de sensation. Changer de profil, de face, de fil à son aiguille. Filer comme une anguille à travers les mailles du filet. Une à l’endroit, une à l’envers. Filer droit et de travers.
Vendre sa vieille vie d’occasion ou la retaper au fond de son garage à poésie. Bien la huiler, refaire les joints pour que ne coule plus le rimmel, la salive des mots usés, les larmes inutiles. Briquer les chromes, le pare-brise, pour mieux voir ce qui vient. Quoi que ce soit.
Les 807 saison 2 qui prennent des vacances. Elle est belle la littérature numérique bénévole !
On raconte qu’une soirée lecture centrée sur les 807 aurait lieu, bientôt... Moi je n’y crois pas que des algorithmes de génération de triptyques dérivés de ceux de L’Autofictif peuvent organiser une soirée où il y aura à boire.
J’ai vraiment l’impression qu’il y a bien 807 titres de la rentrée littéraire qui ont été générés avec cet outil de Omer Pesquer ; à signaler qu’Amélie Nothomb n’a courageusement pas utilisé cet outil cette année, saluons ce geste d’émancipation. Mélodies du coeur La Chute des géants Un océan de pavots Le Fond du ciel Anatomie d’un instant La Bascule du souffle L’Insomnie des étoiles Des gifles au vinaigre La Malédiction des colombes Le Siècle des nuages L’Envers du monde Les Oubliés du vent ...
Le crépuscule vient de bannir le soleil. Monsieur Patsin scrute le rond sombre de l'eau profonde. Il ramasse un caillou, le balance, il disparaît dans un murmure qui résonne longtemps. L'aube vient d'apprivoiser la lune. La blonde Madame Ceinord regarde une masse mouvante de lave. Elle se penche pour prendre une pierre et la jette loin dans le magma. Ses grands yeux se plissent pour repérer l'endroit où la pierre a été engloutie.
Sur la margelle du vieux puits – pas si profond que ça, il pose ses mains à plat. Une brise légère monte du trou et rafraîchit son menton, son front. À la lisière du cratère – pas si large que ça, elle cale ses pieds bien à plat. Une vapeur soufrée s'exhale du volcan et réchauffe son visage qui dégouline de 807 minuscules perles de sueur.
L'homme se courbe à nouveau pour apercevoir une dernière fois son visage dans l'eau ridée. Cette tache blanche au fond, est-ce lui ou un reflet de lune ? Cette ombre allongée sur le sol orange appartient à Madame Ceinord... La femme lève son bras droit, l'ombre fait de même. C'est donc bien elle, prête à plonger dans les entrailles vives de la terre. Au bord du cratère, à la lisière du gouffre. Du fond du puits surgit une face blanche, cheveux blonds, yeux écarquillés. Surpris, l'homme se penche sur la margelle. Se penche un peu plus pour revoir le visage. Un peu trop. Bascule... Son cri, un écho, longtemps.
Rallye des gazelles, désert marocain. L’immensité sableuse nous fait entrevoir des flaques d’eau, miroirs de notre imagination. Seul un voile de chaleur nous attend au détour d’un oued.
Les 807 concurrentes, s’arment de courage et juchées sur leurs capots avec boussoles et compas tentent de désensabler leurs monstres à quatre roues vaincus par les dunes.
L’excitation du départ, fait place à la fatigue et la lassitude d’un monde dépouillé et implacable. Dessèchement horizontal, la poussière rouge règne en maîtresse. Le soir au bivouac, les coéquipières divorcent l’une après l’autre en frottant leurs chaussures sur les cordes d’amarrage des tentes. Le combat est perdu d’avance.
Se faufiler entre les bureaux disposés en marguerite tout au long du plateau, séparés par des pare-bruit, éviter les caissons montés sur roulettes. Allumer l’ordinateur avant même de retirer son manteau, ne pas attendre que le souffle de la machine ronronne, et déjà, ne pas supporter les minutes qui passent les bras ballants, le cerveau en berne. Clic, simple pression du doigt, la veilleuse verdit faiblement, l’écran reprend des couleurs. 8 heures 07. Les mails s’empilent les uns au-dessus des autres. Cliquer une fois, dérouler, supprimer. Cliquer deux fois, refermer, marquer comme non lu. Cliquer encore deux fois, mettre de côté, y revenir plus tard.
Regard par la fenêtre le ciel chargé pèse la pointe des nuages sur ma poitrine
Un ciel laineux troué de filaments lumineux crève d’un coup. L’air mouillé réveille mes narines. Les vitres dégoulinantes, des formes étales le long du carreau. Les marguerites s’animent.