dimanche 22 décembre 2013

Fin de série.



Les 807 me gonflent. 807 par ci, 807 par là 
807 rides à mon front, 
807 cordes à mon arc, 807 fils à ma patte,
807 cheveux dans ma soupe, 807 sucres dans ma tasse, 
807 roues à mon carrosse, 807 barreaux à ma prison.   
J’ai décidé de les recycler.


En 106
En 206
En 306 et même en 307 
En 403 (pas encore au musée, les 404 non plus j’espère)
En 806 (avant J.C. Bien malin qui trouvera.)
En 800 (après J.C. Question de rattrapage.)


Je pourrais allonger la liste. Mais on se  fatigue à force, on vieillit. 
D’autant, comme dit le poète,  qu’il en restera toujours un, 
et celui-là je ne vois vraiment pas comment le recycler. 
Le vieux Citron immatriculé 807 MOR 23 
(et oui, c’est la Creuse, alors creuse, fossoyeur) 
 aux rideaux  noirs et aux vitres teintées ?

























C'est mon fourgon mortuaire.


jeudi 19 décembre 2013

Bas les pattes


         « J'en ai marre, ras-le-bol de toutes ces pressions sur mon corps. Ras-le-bol, vous entendez ! Foutez-moi la paix. Laissez-moi tranquille. Barrez vous bande de salopards !!


          Ah c'est quoi ? Une boule anti-stress. Ah une boule anti-stress ?  Oui une boule anti-stress. C'est cool, montre. Et vas y que je te pressurise, que je te malaxe, que je te fasse rebondir 807 fois sur le sol, que je te l’écrase avec les pieds. Bas les pattes bandes de dégénérés ! Ça vous arrive de vous demander comment je vis cela ? Bande d’égoïste. Ras-le-bol de ce statut de Boule anti-stress. Stop la maltraitance. STOP.


        Je me sens comme une éponge. J'absorbe tous vos stress, vos malheurs. Avec vos mains sales. Oui vos mains sales, vous avez des mains sales. Puantes, malodorantes. Honte à vous. Mais arrêtez de vous lamenter sur votre sort bande de rats d'égouts. Soyez déjà content d'être en vie. Est-ce que vous méritez de vivre ? J'ai envie de dire non. Non, bande de clochard, de moins que rien, d’handicapés de l'existence. Moi, j'étais une boule anti-stress propre et clean au départ. J'étais bien dans mon emballage d'origine, toute droite sortie de l'usine. Et regardez maintenant comment je me porte ? Je me sens sale, déformée, dégoutante.


        Secouez-vous un peu bande de clébards. Et arrêtez de calmer vos angoisses sur mon corps ! Regardez ce que je porte sur la peau plutôt que de me maltraiter. Elle est là la clé. Cette carte du monde, regardez là. Contemplez-la. Regardez tous ces territoires à explorer plutôt que de vous lamenter sur vos vies minables, vos petits bobos du moment, petit train-train à deux balles. Hors de ma vie, oust. Partez. Allez, partez à la découverte du monde. »



lundi 9 décembre 2013

la dette


       Â quarante deux ans, je mène une existence de rêve. Je suis marié à une femme que j'aime et nous avons deux enfants adorables. Nous habitons une grande et belle maison située au 807 de la rue des églantines dans une banlieue chic proche de Paris. Récemment, l'achat d'un chiot nommé Hector n'a fait qu'accroître notre bonheur familial.

       Mardi dernier, quelque chose s'est passé. Il faisait beau et je suis rentré beaucoup plus tôt que d'habitude de mon travail. Horreur. J'ai découvert notre chien crucifié sur la porte d'entrée. Son dos était plaqué à mi-hauteur, les deux pattes avant en croix cloués par deux crochets en fer et celles de derrières suspendues dans le vide.


        Du sang coulait le long de la grande porte blanche. On aurait dit une toile du peintre Haskorwich dont j'avais vu les peintures abstraites dimanche dernier au musée. Le sang s'écoulait par terre et s'enfonçait sous le paillasson où était écrit Welcome. J'ai sortie mon smartphone de ma poche et ouvert l'application réveil. Je l'ai fait sonner à 17H30. La vie devait continuer, il ne fallait pas que j'oublie d'aller chercher les enfants à l'école tout à l'heure.


        La mort de mon chien avait quelque chose de prémonitoire. Tout allait trop bien jusque là. Je savais qu'un jour, je devrais rendre à la vie tout ce qu'elle m'a donné.




Louis Lascoin

mercredi 4 décembre 2013

Objets


               Cornaline se demande 807 fois par jour comment on fabrique les objets, tous les objets : tables, chaises, crayons, mais pas seulement : comment on fabrique l'eau, l'école, les arbres…


               CORNALINE — C'est où l'époque ?
               MOI — L'époque ?
 

               CORNALINE — Oui, l'époque où y'avait pas de voitures, c'est loin pour y aller ?


               Et nous marchons, d'usine désaffectée en usine délocalisée, dans les espaces vides d'un monde qui ne produit plus, ignorant d'où viennent les choses.


                Heureusement, il nous reste les écrans : 

CORNALINE — Oh non, ça pixellise encore… Les pauvres n'arrivent plus à danser. Ah, ça y est ça pique plus Célise ! 

mardi 3 décembre 2013

Dépression saisonnière

              Même si vous ne l’imaginez pas, l’automne approche, à grands pas, avec son cortège de feuilles mortes, de couronnes mortuaires, de pierres tombales, de spleen et autres dépressions saisonnières. Aussi, afin de vous redonner la joie de vivre pendant qu’il en est encore temps, je vous propose de lire ceci : « J’aime la vie ! », se dit-il avant de se trancher les veines avec un couteau de survie de marque suisse ; mais il ripa sur sa planche à découper et débita en 807 rondelles régulières une blatte qui passait par là.


                « J’aime la vie ! », se dit-il au moment de se pointer un révolver sur la tempe ; mais il glissa et la balle fila, par la fenêtre — parcourant quelque 807 mètres à vol d’oiseau —, pour se loger dans la tête de Yoyo, le canari d’à côté. « Funeste accident de chasse ! », pensèrent ses propriétaires. 


               « J’aime la vie ! », se dit-il en approchant deux doigts d’une prise de courant ; mais il fut précédé de quelque 807 nanosecondes par Nono, son lapin nain tout heureux d’avoir rongé la rallonge de l'halogène. Pas de pot le lapin. « J’aime la vie ! », se dit-il en tendant une main tremblante vers le tube de barbituriques ; mais il tomba de l'étagère à pharmacie pour répandre son contenu sur la moquette. Socrate, son chien fidèle, en 807 coups de langue, se chargea de nettoyer les dégâts, avant de s’écrouler, bave aux babines, raide comme une saillie ! 


               « J’aime la vie ! », se dit-il en traversant la baie vitrée ouverte de son salon à l’instant où sa corpulente voisine marchait péniblement jusqu’à sa porte, numéro 807. Elle mourut sur le coup — coup du lapin — servant de moelleux coussin d’air à son aimable voisin. Finalement, il se dit que ce n’était pas le meilleur jour pour partir. Il recommencerait demain. On ne sait jamais, avec un peu de chance les nombres lui seront favorables.