Admirez ce
profil de médaille, ce nez fin et busqué, cette bouche mince éclairée d’un sourire confiant, ce menton volontaire que souligne une courte barbe rousse, cette chevelure soyeuse qui me boucle
dans le cou, ce mollet ferme et galbé, ce genou rond que dénude le bas de ma
robe - bleue, n’est-ce pas, et non pas grise
ou brune.
Ne me donnerait-on pas le bon Dieu sans
confession ?
La bourse
que je tiens serrée entre mes doigts est bien moins remplie que celle que j’écrase
entre mes cuisses avec la volonté de me faire mal. Là se situe ma vraie
blessure, celle qui me fait gémir chaque nuit. Non que je sois chaste. Nous
nous frottons les uns aux autres pour nous tenir chaud quand les vents glacés balaient
les sables du désert. Mais c’est à Lui que je rêve, qui à défaut d’avoir quelqu’un,
nous porte tous dans son cœur. Et maintenant, laissez-moi me concentrer sur cette scène qui fera de moi
le premier des Douze. Car on me verra enfin, de face et en pleine lumière, mes
pièces d’argent répandues par terre, autour de moi. Qu’on les foule du pied,
qu’on me les jette à la figure, je m’en bats les couilles. Mais qu’on ne s’avise
pas de piétiner les 807 petites fleurs blanches de mon jardin d’amour.
Et qu’on n’y envoie pas rôder les chiens.