Déclinaisons d'un aphorisme d'Éric Chevillard.
"804… 805… 806… j’avais très rigoureusement repris le compte des herbes de mon jardin en pliant celles-ci au fur et à mesure, cette fois, afin de ne pas me tromper, mais à la 807ème ortie, ma main enflée, engourdie de douleur, n’est seulement plus capable de bouger les doigts, j’abandonne."
Que faites-vous sur ce blog alors que vous avez encore 807 cadeaux à ouvrir ?
Je suspends la publication jusqu'à l'année prochaine, vous m'avez l'air bien occupé, et cela me donnera le temps de réfléchir si ce blog continue après le 19 janvier 2011.
Enfin, je vous souhaite un joyeux Noël et mes meilleurs vœux – qu'ils soient avouables ou pas – pour la nouvelle année.
Souviens-toi de ce que je ne t’ai pas encore fait. Murmure-moi que tu t’en rappelleras, même si la mémoire s’efface, le sentiment subsistera, flottant et nous enveloppera comme un rêve, engluant nos facultés de bouger. Au-delà du vent, même dans la fatigue de novembre qui grignote, ce qui reste, c’est nous.
Souviens-toi qu’il y en avait de toutes sortes, elles s’étalaient du langoureux au griffu, leur pression jouait aussi, on s’en enveloppait de façon éphémère car elles scellaient notre pacte.
Sans intermittence les liens se dénouaient, les chairs se scarifiaient, l’avenir avait mauvais goût, on les tentaient paumes ouvertes dans la pénombre d’un crépuscule frissonnant, les osait dans des lieux peu fréquentables, elles nous marquaient sans laisser de traces. Difficile de convoquer les mots : les décrire devenaient plus difficile que de traverser le désert de Gobi sans eau ; les nommer était plus paralysant que d’errer en Antarctique nus-pieds ; les invoquer plus casse-tête que de reprogrammer le Big Bang. Ceux qui les fuyaient avaient la peau craquante des lézards. Elles cautérisaient les tatouages encore chauds... on ne s’en vantait pas, les confessait parfois à mi-voix. On conservait leur réalité loin après leurs apparitions. Elles nous cernaient, parlants d'immanence et de la douceur d'être réunis, elles nous rassemblaient et nichaient les têtes au chaud dans les épaules, au chaud. On n’en n’avait jamais assez et nos désirs d'elles subsisteront après 807 oublis. On n’en pouvait plus d'elles.
J’avais mal, mais ça m’occupait. Et je n’étais pas fâchée d’avoir à me battre contre moi-même, de m’intéresser un peu à moi. C’est l’avantage des affections, elles charpentent la personne. En même temps, c’est trompeur, il y a le moment où ça se calme.
Il souhaita mourir au moins 807 fois dans la nuit, pour punir sa maîtresse de lui avoir posé un affreux lapin. Or, déjà il se sentait mieux. Il se rendormit avec le regret de n’être pas assez malade pour mériter son attention.
Il avait mis sa maladie au centre de son existence. Ce fallacieux prétexte lui permettait d’entretenir sa paresse et de tromper ceux de son entourage. Mais qui trompait-il ? Personne n’était dupe et surtout pas lui.
C’était une veuve boiteuse mais pas vilaine. Plus de 807 hommes l’avaient culbutée, les uns après les autres, sur les tas de foin.
Depuis vingt ans, elle initiait tous les gosses du pays. Elle les regardait pousser, attendait avec patience leur maturité. Quand leur menton commençait à s’ombrer, quand leur cœur commençait à battre trop fort, en un tournemain elle les délivrait de l’enfance, éclaircissait leur sang et leurs rêves. Son plaisir était presque devenu une fonction municipale.
Elle avait acquis, par son expérience amoureuse, une sorte de renommée et en était quelque peu vaniteuse. C’est ce qui la perdit. Un puceau qui avait passé le moment depuis longtemps lui résista. Elle ne s’en remit pas. On la trouva un jeudi au fond d’un puits.
Chaque nuit, aux environs de trois heures, c’était la même chose : ce réveil brutal, les doigts qui tremblent et la bouche sèche... Et ce vague sentiment d’inquiétude... Ce cauchemar... Toujours le même... Terrible !...
Il entrait dans son bureau, allumait l’ordinateur. Il fallait vérifier. Ce serait vraiment trop con !... Quand il avait envoyé les mails tout à l’heure... l’un à Garot, l’autre à Poiraudeau... L’impression qu’il s’était mélangé les pinceaux... envoyé au convoi des glossolales ce qu’il avait prévu pour les 807...
Le temps de respirer profond pour se calmer... de s’habituer à la demi-pénombre… toujours la lumière du couloir qui filtrait sous la porte... comme quand il était gosse... reconnaître le fauteuil qu’il avait eu le droit d’amener de chez lui... la commode que fournissait l’établissement... la télé qui était là d’office et vous aviez beau dire que vous... lentement comprendre... se réinscrire dans le temps... les médicaments sur la table de nuit… les couvertures marquées du nom de la maison de retraite… et sourire amer aux lèvres se dire que belle lurette qu’ils n’existent plus ces deux blogs !...
À un moment donné, le printemps arrivait. Les maisons se secouaient de leur somnolence, des explosions de glycines dévalaient les murs en meulière, le goudron se couvrait de parcours à la craie où ciel et terre se rapprochaient. Le soir, on s’asseyait aux seuils des portes pour regarder le ciel s’assombrir. Les enfants jouaient jusqu’à ce que la nuit les écrase de fatigue.
Arriva l’été. Une vague de chaleur balaya la ville, insoutenable. Une chaleur épaisse comme un nuage de feu brusquant tout sur son passage. Au début, on arpenta les nuits à travers la ville, guettant la fraîcheur des parcs, l’eau des fontaines. Le goudron s’enfonça sous nos pas, chaque heure devint plus chaude. Dans les maisons, on étendit du linge mouillé aux fenêtres pour humidifier l’air. Rien n’y fit. Une chape suffocante se répandait d’une pièce à l’autre. Les jours passèrent au gré des pics de chaleur, une onde de choc jusqu’aux confins de l’Europe. La mer, même, n’y suffit plus. Elle charria des poissons crevés sur le rivage, ventres retournés, dégageant une odeur pourrie. Il fallut chercher ailleurs, dans les forêts d’altitude qui finirent aussi par s’enflammer. Puis la nouvelle arriva, on l’entendit à la radio un matin, elle circula toute la journée jusqu’au soir. On commençait à compter les cadavres. Des nuits tuèrent d’autant plus que le vent s’était tari dans la journée. Les hôpitaux donnèrent l’alerte, les urgences débordaient. Ce fut trop. Alors, on entassa les corps violacés dans des hangars réfrigérés.
L’automne s’annonçait. On inhuma les 807 dépouilles abandonnées sous un ciel de lin.
Lorsque la petite fille était petite fille, elle s’asseyait sur un rocher au bord de la mer et attendait que la marée monte pour voir si les vagues allaient l’engloutir. Lorsque la petite fille était petite fille, elle aimait recompter les 807 roses aux couleurs fanées du papier peint de sa grand-mère. Lorsque la petite fille était petite fille, elle voulait faire le tour du monde. Lorsque la petite fille était petite fille, elle ne savait pas qu’on avait le droit d’être mauvaise élève. Lorsque la petite fille était petite fille, elle n’avait peur de rien.
Puis vinrent les Ailes du désir et le premier amant.
Tu te souviens des sachets de bonbecs qu'on avait pour 1 franc ?
C’est un peuple errant regroupé sous des toiles de fortune, les poings sur les oreilles tandis que les pales de 807 hélicos hachent le soleil. Éclats de boule de bal, mire et miroir sur les vivants et les morts.
C’est un enfant noirci de coups, les yeux blancs d’obscurité. Papa, maman, mon amour... C’est son corps traîné par un pied, ventre gonflé parcouru de veines trop bleues, des cheveux d’algues et une plaie blanche à la cuisse. C’est ce chien dévorant les ventres putrides, le mufle enfoui dans les entrailles vertes. Rafale dans la rue rectiligne, des ombres saignent sous le soleil glacé. Lambeaux pourpres noirci sur leurs bords par le feu des obus, caillots panés de poussière éclatant sous les pas. Papa, maman... C’est cette porte tambourinée au petit matin sale et cet homme derrière, à la bouche un pli amer et des croûtes de sommeil au bord des paupières.
C’est ce cri à peine audible, ce silence imprimé qu’on caresse comme une enluminure. Cette image sans regard qui s’agite dans le nôtre sous son encre noire. C’est notre amour qui ne change rien à tout ça en faisant plus de bruit que ces cris, ces agonies. C’est notre silence qui vous torture et vous tue. Ma mère, mon père, mes frères, mes sœurs, mon amour...
Les boules, les boules, les boules. Et sur la grande place, le sapin gigantesque, presque aussi haut qu’un building ‘ricain de 807 étages.
Les employés municipaux qui piétinent dans des flaques de neige grise en soufflant de la fumée blanche. La grue en panne et le maire qui gueule « mais qu’est-ce que c’est que ce bordel !? ».
La magie de Noël qui reste coincée sous les ongles comme de la poussière qu’on gratte au fond d’une poche.
Oscar – Faisons le point : Mon rapport, rédigé sur les chapeaux de roue, je l’ai mis dans le pipe, sa conclusion est qu’il faut acheter au son du canon et vendre au son du clairon. Et pour la suite de la réunion, tu me mets dans la boucle ?
Carine – Oh là là, il ne tourne pas rond, celui-là, n’a toujours pas compris qu’on ne voulait plus de lui dans la ronde ? Il me court sur le haricot à force de rouler les mécaniques. Y me fout les boules. Ras le bol. On va lui en faire baver 807 ronds de citron.
Oscar (en voix off) – Comme l’impression que l’ambiance tourne vinaigre. J’en reste comme deux ronds de flan.
Le comptage d’Éric Chevillard l’avait tellement interpellé qu’il finit par ne plus penser qu’à cela. Aussi, pour en avoir le cœur net, un samedi matin, il décida de compter les brins d’herbe du petit carré de pelouse autour de sa boîte à lettres. Il s’arma de sa meilleure paire de lunettes, d’un carnet et d’un stylo pour noter les dizaines, et se mit à l’ouvrage.
403 ! Ce n’était pas possible ! Aussi peu ! Il devait s’être trompé quelque part. Il décida donc de recommencer son décompte, en mettant cette fois toutes les ressources de son esprit hautement analytique au service de sa recherche. Il alla chercher la loupe de philatéliste de feu son père, ainsi qu’une fine paire de ciseaux à couture pour couper les brindilles déjà recensées. Pas une de plus, pas une de moins : 403 !
– Que fais-tu donc les fesses en l’air devant la boîte à lettres ? – J’essaye de vérifier la Théorie du Chevillard sur les 807 brins d’herbe. – Et alors ? – Impossible ! Je n’en compte que 403. Et pourtant, je les ai comptés deux fois... – Deux fois 403, ça fait 806. Tu n’es pas loin du compte. – Il en manque un ! – Compte le pilier de la boîte à lettres en plus et tu seras juste.
Une connaissance rencontrée dans la rue, pas vue depuis longtemps, me demande ce que je deviens. Drôle de question, ne le voit-elle pas ? Je laisse la vie s’accumuler patiemment, s’épaissir. Il est clair que dans le monde de la compétition ma vie n’est pas ce qui s’appelle une réussite. Ce que je deviens ? Une femme allant sur ses cinquante ans, fixée, solidement fixée. Le reste de ma biographie se perd dans une aventure plus vaste, et toi ?
Elle n’a pas compris, a pris peur – la peur est un commerce équitable : elle tourne, se retourne, passe de l’un à l’autre, change de signe sans distinction de genre. On finit toujours par avoir son tour. La peur ne se farde ni ne se maquille. Elle vous tombe dessus, découvre les conséquences et les incidences, les lignes de force, le dessous des cartes, l’envers du décor et les doubles fonds.
Je n’envie pas cette femme qui a pourtant réussi, comme on dit. Et elle, constate, dépitée, que je n’ai pas fait mon chemin, comme on dit. C’est la vie. Plus de 807 femmes l’ont déjà dit, c'est la vie.
L'improbabilité de compter 807 brins d'herbe est d'une évidence qui n'est pas sans faire oublier celle de l'existence des 807 lecteurs qui croiraient à ce décompte en faisant de leur croyance un blog, puis un autre, année après année.
vieux célibataire, un jour on dira de toi : « le vieux grabataire »
Quiconque aura le privilège d'habiller Cornaline découvrira le véritable sens du mot « assorti » : rose.
Parce qu’il n’en connaissait pas d’autre, il jugeait que la haine était le meilleur carburant pour démarrer au réveil, l’essence sans laquelle il n’aurait pu se mouvoir. Il aurait voulu passer en revue le monde entier s’il n’avait été limité par l’espace du temps d’un jour.
J’avais du mal à voir une millionnaire atrabilaire sous les 807 traits angéliques de cette petite grand-mère, cintrée dans son tailleur sans âge.
Elle n’aimait pas accabler son mari : elle sentait bien qu’elle avait sa part de responsabilité dans son échec, ce qui ne l’empêchait pas par moments d’avoir des bouffées de haine à son égard, secrètement bien sûr. Et, souvent la nuit elle se réveillait avec ce corps étranger à côté d’elle, elle le haïssait alors jusqu’au matin.
Une rue de Montmartre. Une rue balayée au vent mauvais par un homme vert et noir au sourire blanc. Les pieds dans le caniveau, il vous regarde passer. Vous le saluez sans oser entamer la conversation de peur de réveiller sa nostalgie et de savoir comment il vit, loin des siens et dans quelle misère… Vous marchez ensuite vers l’autre rive alors que le ciel menace. Sur le boulevard St Michel, vous croisez le sourire d’une belle qui fuit vers le jardin du Luxembourg sous son parapluie tout luisant de paradis. Souvenir d’une autre... C’était hier votre vie. Hier était la ville, hier était l’amour. Qu’est devenue celle qui vous tenait le bras sur le quai Malaquais, tandis que gonflaient les bourgeons de mai ? Toujours, toujours... Vous hâtez le pas, soudain pressé de rentrer chez vous et de la retrouver. Ombre parmi les ombres du passé.
Sur cette photographie d’elle prise par vous, elle sourit adossée à un mur marqué encore par 807 impacts de balles de la libération de Paris. Vous aviez pris du temps pour prendre ce cliché. C’était bien avant les appareils numériques. Elle était patiente mais un peu agacée. Tandis que vous brandissiez votre cellule sous son nez pour mesurez la lumière, son sourire s’éteignait. Il revint lorsque vous avez braqué sur elle votre objectif mais ce n’était qu’un sourire de politesse pour ceux qui retrouveraient la photo en fouillant dans une vieille malle oubliée des vivants. Un sourire triste qui vous disait adieu. Vous découvrez en examinant attentivement ce cliché que son regard passe au dessus de vous sans vous voir.
Par la fenêtre vous observez la rue mouillée qui luit sous les néons. L’homme vert reviendra demain. Son balai à la main, il s’arrêtera un instant pour répondre à votre salut et vous sourire. Vous continuerez votre chemin le cœur un peu plus léger.
On peut louer ou pas le génie du compositeur : les mélomanes l'adorent alors que les professionels l'ignorent ; on peut aussi parler de sa folie : tout le monde s'accorde sur ce point, il n'était pas net le bougre, voyez les titres de ses œuvres, les annotations sur ses partitions, etc. ; et cette douce folie s'accompagnait de son inclinaison à toujours trop en faire. Prenons sa composition Vexations. Il indique que ce morceau doit être joué 840 fois. Alors que 807 auraient amplement suffi.
Sa ville natale, pas rancunière pour un sou, a créé un musée en l'honneur de l'enfant du pays alors que ce dernier a baptisé une œuvre Trois morceaux en forme de poire. Que je sache, le Calvados est le pays de la pomme !
(retrouvez l'œuvre de Jean Prod'hom ici) Yamamoto Kidémahapa se détacha à regret de l'amas de corps nus et contempla la petite douzaine de 69 exquis qu'ils traçaient sur la moquette. Quelques visages d'éphèbes aux yeux chirurgicalement débridés se retournèrent vers lui. Une bouche lascive se haussa jusqu'à son entrejambe, des mains se posèrent sur ses fesses, des sexes se proposèrent, mais il les écarta gentiment. Il était l'heure.
Un million de personnes habitaient le complexe, mais à quatre heures du matin, les couloirs étaient heureusement déserts. L'ascenseur arriva, avec un murmure feutré de limousine. Il demanda le dernier étage et se laissa tomber sur le sofa. Une tablette sortit de la paroi à sa droite, porteuse d'un espresso sucré exactement à son goût et de son croissant préféré, sésame, miel et amandes. Il en était à la serviette chaude quand la douce voix synthétique susurra : « Vous arrivez au 807e étage, Yamamoto Kidémahapa san, excellente journée, bon conseil d'administration ».
Les oiseaux de mer tournoyaient au dessus de l'aire de départ des parachutes. Il s'envola avec eux. Contrairement à tes prévisions, ami lecteur, sa Suzuki démarra à la première pression du kick. Ne pas toujours croire à l'onomastique.
Il tourne et tourne encore dans le dédale des rues désertes de cette banlieue minable, même son GPS semble perdu et ne trouve pas la ZUP des Prairies Vertes. Il arrête sa voiture, coupe le moteur et se prend la tête entre les mains. Comment en est-il arrivé là ? Comment arrive-t-on à cinquante ans en ayant foutu toute sa vie en l'air ? Elle n'était pourtant pas si mal sa vie, quand il y pense. Il éclate en sanglots, là, seul dans sa BM et dans la nuit. Pas une lueur, les nuages ont caché le faible clair de lune.
Il se calme un peu. Attrape dans la boîte à gants ses cachets et en avale deux, d'un seul coup, sans eau. Ça lui arrache la gorge et lui laisse un goût dégueulasse dans la bouche. Mais au bout d'un quart d'heure, il se sent suffisamment calme pour reprendre la route et trouver la salle communale où se tient la réunion. Sa dernière chance. Jusqu'ici rien n'a marché. Le dernier psy qu'il a vu l'a fichu à la porte en lui donnant l'adresse de cette association. Il roule prudemment, abruti par les cachets qui commencent à faire leur effet et aperçoit enfin une lueur au loin. C'est bien là, au 807 allée des chênes. Il se gare. Le trac monte malgré les molécules chimiques.
Il ouvre la porte du local. Les autres sont déjà arrivés, assis en cercle sur des chaises en plastique, et le regardent entrer. Celui qui doit être l'animateur l'accueille d'un sourire, lui désigne une chaise vide et l'invite à se présenter avant de s'asseoir. – Bonjour, je m'appelle Éric et je suis huitcentseptophilique.
Il écoulait là des jours sereins Et n’y connaissait aucune alarme, Ignorant tout des lointains vacarmes Dans l’intimité du doux écrin.
Un jour pourtant des coups menaçants Eurent sur lui l'effet d'un réveil Et des trépidations sans pareilles En ébranlèrent son fondement. Se montrant craintif au grand portail, Il dut esquiver le flot livide Des 807 spermatozoïdes Venant de forcer le soupirail !
Ce fut au fond de la cavité Qu’on les vit s’écraser pitoyables, Et l’on entendait l’écho durable De l’ovule fou d’hilarité.
Cette partition de Satie, je la tiens de ma grand-mère Marthe, qui elle-même l'a trouvée dans la paperasse de sa grand-tante Gilberte à sa mort. Tu sais mon garçon, me raconta un jour Mamie, Tatie a connu le musicien après sa séparation avec « sa Biqui » que Tatie appelait plus volontiers « la Valadon » ou « la pute ». Satie vivait dans une misère qui avait ému Tatie. Elle lui lavait son linge et lui préparait des repas afin qu'il ne dépérisse pas. Elle n'a jamais voulu nous dire si sa relation avec lui s'arrêtait aux tâches ménagères, on ne parlait pas de ces choses-là. Quoi qu'il en soit, il lui a écrit ce morceau pour la remercier. Mamie m'a confié la partition, une Gnossienne, car je suis le seul musicien de la famille. Jusqu'à aujourd'hui, elle est restée inédite.
On peut regretter que Satie n'ait pas retravaillé cette Gnossienne pour lui donner le même éclat qu'aux autres. D'après la date reportée sur le document, elle a été composée en juin 1893. Elle aurait pu être la 4e Gnossienne. D'autant qu'elle reprend les sonorités du triptyque, ses thèmes, ses accords. Autre point, elle commence avec un si bémol, suite logique après les fa, sol et la des précédentes pièces. Enfin, on retrouve l'accompagnement caractéristique des trois premières Gnossiennes (ronde, blanche, noire), avant l'introduction de la croche dans la 4e Gnossienne officielle. Elle ne sera cependant pas la 4e, les spécialistes dénombrant déjà 6, voire 7 Gnossiennes si on compte la pièce extraite du Fils des Étoiles. Alors, celle-ci serait-elle la 8e, ou la 7e ?
Pour moi, pour toi lecteur, pour toi auditeur, elle sera la Gnossienne n° 807.
...Alors pour me rafraîchir, je me plonge dans mes souvenirs : je revois mon ascension dans les Pyrénées, non loin du mont Vallier. Nous étions partis à l'aube et avions gravi la montagne dans un paysage embrumé qui me rappelait curieusement la forêt de Brocéliande, alors que je n'y suis jamais allée. Tout le long du cheminement, nous entendions le cours d'un torrent qui, bien que tout proche, se dérobait à la vue dans des méandres de brouillard.
Arrivés à proximité du sommet, nous avons débouché sur un lac alimenté directement par des névés, paré d'un bel arc-en-ciel. Après cette ascension – de 807 mètres de dénivelé – qui nous avait donné des suées, je n'ai pas hésité à me déshabiller pour aller me glisser dans cette eau extrêmement froide.
J'ai fait trois brasses, puis suis remontée me sécher. Comme moi, deux autres personnes avaient fait cette courte baignade : l'eau était tellement glacée... il lui manquait à peine quelques degrés en moins pour qu'elle ne se raidisse et que sa surface ne change d'apparence et d'existence... autrement dit d'état. On ne pouvait donc s'y attarder. D'ailleurs nos guides ne s'y étaient pas aventurés et nous regardaient avec des yeux éberlués nous tremper dans cette eau si froide. Sans m'en rendre compte, en me baignant, je m'étais blessée en heurtant ma malléole contre un rocher. Ce n'est qu'une fois sortie de l'eau, que je me suis aperçue, en la massant machinalement, que j'en avais « deux » l'une contre l'autre ! La froidure du lac avait anesthésié ma douleur, l'air l'avait réveillée. Ce bain express m'avait redonné chaud, une fois que j'étais sortie de l'eau. J'avais l'impression exquise d'être devenue une feuille, pour le coup, j'avais perdu tout relief, j'étais parfaitement lisse contrairement aux autres randonneurs qui, eux, avaient gardé toutes leurs épaisseurs... Le ciel était dégagé et le soleil enfin brillait.
Je déteste ce temps gris de novembre où la pluie paraît hésiter au fond du ciel, se fait attendre. Je préfère les silences bleus chargés de cris d’oiseaux qui se forment, au-dessus des maisons solitaires, les nuits d’hiver. À l’entre-deux, à l’automne, on ne voit que des bandes à plumes errer de branche en branche, alourdies par l’eau, tristes et maigres. Je cherche en vain l’alouette qui chante en volant, force la voix plus elle s’élève.
Le temps postillonne, ne veut pas de ma joie. La pluie tombe, inutile, monotone. Le mot seul trempe déjà le papier. La phrase reste en suspens, molle comme une serpillère au bord du seau, attend le vent pour qu’il essore un passé pas simple, laissant des auréoles dans la marge d’un présent qui gribouille.
Je préfère m’envoler. 807 pensées ronronnent, il fait un temps à murmurer des poèmes. Laissons le reste aux loquaces qui toujours nous plumeront.
Pourquoi bon sang est-ce si difficile ? Pourquoi attendre lundi pour manger sainement, pour faire de l'exercice, pour se réveiller tôt ?
Je me fais la promesse chaque soir, et je crois sincèrement que je vais la tenir. « Je commence demain matin. » Mais quand le soleil se lève, une nouvelle personne prend ma place. Elle ne veut pas se lever tôt, elle se moque bien de faire de l'exercice, elle bourre son estomac de malbouffe, et à la fin de la journée c'est moi qui trinque pour ce qu'elle a fait de moi. Je fais 807 promesses – elle ne les tient pas, je lui donne vie – elle ruine la mienne, je la soigne comme un enfant – elle me crache au visage.
Bordel, pourquoi est-ce si difficile d'être MOI tout le temps ?
Il tapa fébrilement ses nom et prénom puis cliqua sur « Recherche Google ». Environ 807 262 résultats s’affichèrent en 0,21 seconde.
Parcourant les différentes pages, il s’aperçut que l’on comptait beaucoup plus d’homonymes que l’on ne croyait. Et tous ces sites consacrés aux recherches généalogiques. Et tous ceux destinés à retrouver vos anciens camarades de classe. Voilà qui brouillait terriblement les pistes.
Déçu, il se dit qu’une recherche avancée pourrait sans doute mieux satisfaire son ego. Heureux homme qui ignorait encore le profond désarroi qui le saisirait lorsqu’il se demanderait quels mots-clés permettraient de le définir.
il se dit que peut-être bien que c'est vrai qu'il fait plaisir à son ventre : il en est à son 807e Activia
il se dit qu'elle se fait plaisir, c'est sûr : elle en est à son 807e autofictif partagé
mais c'est dommage, les comptes facebookiens étant pour le moins approximatifs on ne saura jamais qui est son 807e ami(e), pourtant ça lui aurait fait plaisir de mettre un nom sur le hasard...
Ils avaient grimpé sur la falaise et s’étaient assis dans l’herbe haute brûlée par le sel des embruns. Poussières de foin, étoiles de paille, herbes filantes. Litière de lumière frottée de vent. Il pris son visage entre ses mains et la regarda comme s’il ne l’avait jamais vue. Dentelles fougères, ombres légères sur sa peau d'épice. Elle l’attira à lui et leurs corps moissonnèrent callunes et tormentilles. Les fleurs de chèvrefeuilles nourrissaient leur souffle. Il voyait dans ses yeux des forêts enfanter le silence et 807 soleils avancer de front. Dans son corps, le sien retrouvait sa mémoire et l’avenir devenait possible. Il pressentait les jours et les nuits avec elle, leurs enfants dans son ventre. Enfants des greniers, des jetées sans fin. Enfants des îles vierges. Enfants miel des garrigues, enfants lavande, sève acide des sources. Leur flux les déposerait, coquillages, aux rives rêvées. Leurs mains nues les cueilleraient au creux de leurs corps pour les rendre à l'espace. Poussières d’homme, promesse d’univers. Enfants des anciennes blessures, argile tendre, terre de révolte, de récoltes mûres, ils seraient une revanche sur la mort et l’abandon, leurs justes enfants du midi des groseilles. Ils ouvriraient l’horizon et rebâtiraient un monde juste et fraternel, ils franchiraient d'un bond les haies des prairies nocturnes pour créer la lumière.
Il entendit nettement leur rire tandis que la mer assaillait la falaise et qu’elle ondulait avec eux.
La petite ville de Gstaad peut passer pour l’une des plus jolies des Préalpes occidentales. Il y fut précepteur dans les années soixante-dix. Un couple de Portugais catholiques et dociles assurait alors l’essentiel du train de vie d’une riche famille polonaise dans un chalet de maître situé entre la Lauenenstrasse et la Rotlistrasse : elle cuisinait, blanchissait le linge et tapottait les traversins ; il faisait les courses, endossait le gilet de Nestor et ripolinait chaque matin le véhicule qui menait la maîtresse de maison au Palace dans les salons duquel elle s’adonnait au bridge. Et puis il y avait l'Autrichienne, jeune nurse bien faite ma foi qui s’ennuyait un peu, lui aussi si bien que leurs liens se resserrèrent. La première semaine ne fut pas achevée que le précepteur se retrouva prisonnier du chalet à des heures qui dépassent les convenances. Il lui fallut donc sortir coûte que coûte avant le réveil de la maisonnée. L’Autrichienne le conduisit par la main sur le balcon en lui murmurant les milles folies qui réchauffent nos hivers. Mais pas d’échelle et deux étages à vaincre, ... fermez les yeux c’est fait. Ne voyez-vous pas l’amoureux qui s’éloigne dans la nuit ?
J’ai lu que le X-Seed 4 000 culminerait à 4 000 mètres et regarderait dans les yeux le mont Fuji. Un peu de haut puisqu’il le dépasserait de plus de 200 mètres. Il serait ancré dans l'océan au large de Tokyo et abriterait plus d’un million de personnes. Il compterait, dit-on, 807 étages.
Julien mon frère, que serions-nous devenus si ta Mathilde et mon Autrichienne avaient eu l’invraisemblable idée d'être de ce siècle ?
« J’exorbite, dit l’œil gauche, devant tant d’impudeur étalée sans vergogne sur la voie publique. Exhibée honteusement devant les yeux innocents des écoliers rentrant de l’école et des vieilles dames vertueuses qui promènent leur petit chien. Hou ! »
« J’écarquille, dit l’œil droit, devant tant de beauté, d’harmonie dans les formes, de fraîcheur virginale. Cette photo printanière a tout ce qu’il faut pour rendre moral et dynamisme à l’ouvrier harassé revenant du travail. Oh ! »
« Mettez-vous d’accord, enfin ! Je commence à loucher. », dit l’homme planté depuis trois quarts d’heure devant l’affiche de la nouvelle campagne publicitaire de
Ils avaient recouvert le terrain vague d'un pavage de blocs rigoureusement identiques en tous points. De telle sorte que cela formait un damier aux teintes grisâtres.
La moindre trace de petit brin d'herbe, sage ou bien affolé, avait purement disparu. Le nombre d'heures passées pour réaliser ce chef-d'œuvre dépourvu de toute vie et qui avait conduit à mettre la terre en terre était incroyable ; cela s'était fait si rapidement, en moins de 807 heures.
Les odeurs de cuisine venant du bâtiment qui jouxtait ce terrain (qui n'avait plus rien de vague) apportaient une couleur locale, un soupçon de vie, une ombre d'humanité. Cela faisait du bien de sentir ces effluves, car cet endroit était affreusement désert et baignait dans un silence déroutant, celui du monde minéral...
Derrière le terrain vague, il y a la cabane. C’est là que j’ai vu mon père pour la dernière fois, entre les montagnes de ferraille et les débris des moteurs. Des tas immenses d’acier qui, à la tombée des pluies, devenaient gris métallique ou noir ardoise. Quand on est arrivé à Oklawa, mon père a décidé de se poser, le temps d’une saison. Dans ce patelin de 807 âmes, on ne risquait pas grand-chose. On aurait la paix. Enfin c’est ce que mon père a dit.
Au début, j’allais à l’école, comme tout le monde. C’est pas que ça m’intéressait tant que ça, mais au moins, il y avait des filles. J’avais de quoi m’amuser, ne serait-ce qu’en les coursant pour leur faire peur. Je les attendais à la sortie de l’école pour les suivre jusqu’à chez elles. Elles jetaient des regards furtifs derrière elles, effrayés. Leurs yeux écarquillés, le pas qu’elles pressaient, j’aimais bien. Et puis un jour, tout s’est déglingué.
Il était encore tôt quand je les ai vus arriver. Les deux flics ont à peine frappé à la porte de la cabane : « Bonjour petit, est-ce que Mr Johnson est là ? Ou son épouse ? » Ça m’a fait rire ce mot épouse, même si je sentais que ce qui allait se passer n’allait pas être drôle. Son épouse… plutôt l’une des femmes qui couchait avec lui cette nuit-là ! Et c’était pas ma mère. Celle-là, je ne l’avais pas vue depuis longtemps. Partie un jour sur un cargo avec un marin. C’est la voisine qui m’a raconté ça, Debbie. Je l’aimais bien, Debbie, au moins, chez elle, je pouvais regarder la télé pendant qu’elle écoutait ses émissions à la radio. Et c’est bien la seule qui m’ait un peu parlé de ma mère. Bon d’accord, elle m’a menti. Mais ça, je l’ai su après, quand les policiers ont déboulé, qu'ils ont menotté mon père pour l’embarquer. Il hurlait comme un forcené. Je me suis retrouvé seul dans cette cabane qui puait l’abandon. J’ai traîné toute la journée. Le soir, j’ai rejoint le bar miteux de la station-service. Par nostalgie de mon père, je crois. Et là, les langues se sont déliées. La nouvelle avait circulé. « Deux flics l’ont emmené... la pauvre femme... la mère de son fils, quand même. Tuée à coup de hache... une histoire de jalousie. » Dans les vapeurs moites d’alcool qui m’enivraient, j’ai senti mes yeux se mouiller pour la première fois. J’ai imaginé le cargo tracer une ligne blanche dans l’océan et je me suis dit qu’un jour, je monterai à bord.
– Chérie ? – Mmmm, oui, quoi ? – Je te dérange ? – Mmm... – Tu fais quoi là ? – T'occupe... Qu'est ce que tu veux ?
Elle est assise dans le fauteuil, sa jambe gauche – toujours la gauche, pourquoi ? – repliée sous elle, ses lunettes sur le bout du nez, elle lève la tête vers lui et le regarde de l'air mi-attendri, mi-exaspéré de la mère dérangée par un enfant capricieux.
– Je te préviens mon bonhomme : je compte jusqu'à trois, et si tu ne t'excuses pas, tu as une fessée. Un. Deux... – Papa, pourquoi tu comptes pas jusqu'à 807 ? – ... – Bah oui, quoi, t'arrêtes pas de nous parler de ton blog. – Allez, file !
Jamais deux sans trois, dit-on. Je le conçois pour un triptyque, par définition. De même pour un haïku. Mais qu'en sera-t-il pour les saisons des 807 ?
l'automne du gros célibataire les feuilles qui tombent et trois rateaux par jour
Danse du ventre. Vibrato de la peau, excité par la musique. Friselis du vent, délices.
La chaleur monte soudain dans les reins, dans les siens, dans les miens. Le violon en fond n’arrange rien. Rêve d’Orient...
Ce qui décida l’épouse, lassée, à réveiller son mari pour la 807e fois fut le superbe mais tragique conte d’Hoffmann qu’elle vit trôner sur sa table de nuit. Ne prends pas ton rêve pour la réalité, criait-elle, le secouant comme un prunier.
Il craignait qu’aux rigueurs de son âge La parure qui fit sa fierté Ne subisse les puissants outrages D’une blanche et triste vétusté.
Aussi s’assurait-il que le nombre De ses cheveux blancs n’aille croissant, Par un décompte des plus sévères Qu’il pratiquait au soleil levant. 807 un beau matin manquèrent. Médusé du rajeunissement, Il s’en fut courant d’humeur légère, Mais il se rompit tout l’ossement.
Il n’est de jeunesse qui revienne Et bien tôt se tarit la fontaine : Qui de son âge médit ou ment De son âge aura tous les tourments.
Le moustachu en képi a tourné au moins huit cent sept fois autour de la voiture. On aurait dit un chien qui se prépare à pisser sur une roue et prend son temps pour choisir la meilleure. Il nous a reluqués pendant un bon moment et comme on se tenait à carreau, il a fini par abandonner. Il est reparti avec ses collègues, mais dans ses yeux, on voyait bien qu’il était déçu.
La vie est une prison. Pour s’en échapper il faut passer l’arme à gauche.
Après sa garde à vue qui avait duré pas moins de 807 minutes, elle apparut, le visage marbré, les yeux gonflés, les lèvres démaquillées et les cheveux ébouriffés. – Alors, tu fais moins la maligne maintenant ! fit l’inspecteur, goguenard tout en mâchonnant le mégot éteint d’un cigare. Il l’a trouva même moins blonde que la veille. C’est vrai qu’elle n’en menait pas large derrière son rimmel dégoulinant. Redescendant de ses hauteurs, l’orgueil humilié et des larmes dans la voix, elle entreprit de cracher le morceau.
Il habitait une ville d’opérette avec son kiosque à jamais déserté par les orphéons, ses pâtissiers repérés dans les guides gastronomiques, ses noces en dentelles de chantilly sur le parvis de la cathédrale et sa vraie misère confinée hors des remparts. Ce qui le rendait triste, c’était de se sentir trop éloigné de lui-même, de son propre être poétique. L’elfe en lui, mourait trop souvent d’une indigestion de saucisses.
Il n’avait pas dormi de la nuit, torturé par mille souvenirs encombrants et retors. Il s’était levé plusieurs fois pour boire un verre d’eau ou pisser, alternativement. Il passait un moment devant sa fenêtre avant de regagner son lit. La comète glacée près du croissant couché insolait le ciel vide au feu de sa neige. Le nez tendu vers le bleu de la nuit, il eut envie d’un verre d’alcool pour noyer sa logique. Il en but plusieurs. Le sommeil l’avait pris à l’aube et son radio-réveil avait hurlé une heure plus tard. Il s’était levé d’un bond comme à son habitude, pris d’un léger vertige et avait titubé vers la salle de bains, migraineux, vulnérable. Il s’était douché, rasé, habillé machinalement et la fatigue l’avait plombé d’un coup. Une lueur grise filtrait par les rideaux de la baie vitrée. Il avait frissonné, avait enfilé son manteau d’hiver et s’était assis dans son vieux fauteuil de cuir. Ce matin-là, il n’eut pas envie de sortir de chez lui. Trop peur de se faire tuer par un autobus qu’il n’aurait pas vu, par le sourire mendiant d’un malheureux recroquevillé dans un coin de porte, par le parfum d’une belle qui le croiserait sans un regard. Ce fut la première des 807 heures où il continua à attendre assis, sans un geste et bientôt sans une pensée.
On le retrouva 33 jours et 15 heures plus tard, cadavre liquide, assis devant la télé allumée.
Vous jouez au tennis ? Non. Vous avez reçu un coup au coude ? Non. Tenu quelque chose à pleine main, en exerçant des pressions répétées pendant un certain temps ? Elle hésite, ça lui rappelle... une image apparaît, c’était la nuit... la fenêtre entrouverte... Ils se blottissaient l'un contre l'autre. Sa main droite dosait un mélange de douceur et de vigueur jusqu’au parachèvement, ce paroxysme absolu où il s’abandonna dans sa paume...
Avez-vous contracté votre main dans un effort intense ? Pendant que la face blême de la lune était apparue à l'embrasure de la fenêtre, elle avait prit Pierre en main. Elle y avait mis du cœur à l'ouvrage, épousant parfaitement la forme du membre, ça la ravit encore. Une douleur dans le coude la ramène illico à maintenant, une semaine qu'elle ne se sert plus de son bras droit palpé et malaxé en cet instant par l’osthéo. Il le tire tout du long, saisit l’espace entre le radius et le cubitus d'une main de fer et débloque le coude, crac ! Elle jauge la fragilité de sa constitution et le prix du plaisir, elle envie la solidité des tractopelles et des cargos, aspire devenir inébranlable dans une prochaine vie. Pour une fois qu’elle s’abandonnait à son instinct dans les grandes largeurs.
Et quand pourrais-je reprendre mon sport préfèré ? Pas demain, lâche l’osthéo. Dans 807 jours, avec un peu de chance. Je vous conseille d'y aller mollo avec le bras droit en général et de développer votre côte ambidextre... Elle sort du cabinet avec l’impression d'avoir été prise en flagrant délit de main dans le pot à confiture et les larmes montent d’un coup. Rauque, un sanglot jaillit.
Ils n'étaient pas faits pour être ensemble. Je pouvais le voir en décembre. J'en étais sûre en mars. Ils auraient pu le deviner bien avant le rituel du « pour le meilleur et pour le pire ». Mais ils l'ont quand même fait en août.
12 Novembre. 08:07. Elle fume dans sa chambre et la fumée bleue monte jusqu'au plafond. Elle fait tomber les cendres dans une soucoupe. La cigarette a un goût amer. Elle regarde dans le miroir et pense qu'elle devrait acheter de la Visine en allant au bureau. Il est peut-être encore en train de travailler, et son téléphone portable est sûrement mis en mode silencieux. Il travaille avec des clients américains, pas étonnant qu'il travaille tard. Pas étonnant qu'ils se parlent à peine. Pas étonnant qu'elle ne soit toujours pas enceinte.
12 Novembre. 02:46. Il n'est pas encore ivre, il peut boire davantage il en est sûr. Pas ivre, juste fatigué. Cassé.
Là-bas, à 800 mètres sous terre, 200 invités triés sur le volet sabrent le champagne, le dernier pan de rocher est vaincu. Aujourd'hui une merveille industrielle est née au coeur du Massif du Gothard : 57 kilomètres d’un tunnel nouant solidement le sud avec le nord.
Là-haut, à la verticale du puits d'accès, un mineur prie les yeux tournés vers le ciel. Il a placé 7 mètres plus haut, dans la voûte de l’église de Sedrun, 50 kilos d’explosifs. Il veut honorer ainsi ses 9 amis morts pendant les travaux et nouer le bas avec le haut.
23:47:03 j’aurais pas dû boire tout ce café. 23:48:17 pourquoi elle est partie comme ça ? 23:52:35 ces chiffres luminescents de ce réveil cube Orégon commencent à me gonfler. 23:57:08 putain, il n’est pas encore minuit ? 00:01:12 ça y est, on est déjà demain. 00:02:47 j’aurais dû la retenir. 00:03:09 connasse...
00:05:22 j’ai trop chaud. 00:05:32 je vais me branler, ça va me détendre. 00:06:13 gnnn gnnn gnnn 00:06:58 gnnn gnnn gnnn 00:07:22 oui, mmm, oui... 00:07:49 ah... ah... ah... 00:08:00 Ouiiiiiiii...
C’est la grande chevauchée, brides rabattues, casaques vertes toques noires cravachant leurs montures. Colchique dans les près est en bonne position... Elle est où la télécommande ? Tous ces culs hauts montés me donnent le vertige. Germaine, je change de chaîne. Zip...
Le peloton roule en formation. L’échappée est loin devant. La montée de l’Alpe d’Huez et ses 807 tournants est éreintante. Regardez le gros plan sur le champion de la grimpette, voyez… Quelle vision affligeante que le frétillement de ces moule-bites ! Change, Edmond. Zip...
Monte le son Edmond, je n’entends pas. Ah, voilà : Peintures de Delacroix, Cul-de-four de la Paix, peinture à l'huile et à la cire (7,35 x 10,98 m).
Une ombre venue du ciel irradie les voies, les maisons, terrasse les clochers. Façades éteintes à volets tirés, murs terreux. Le silence s’engouffre dans le dédale des ruelles, brusquant la vie dans ses moindres recoins, tourmentant l’herbe jaunie entre les pavés. On n’entend plus les oiseaux. Un voile s’est posé sur la ville, les visages raidis sous son étreinte. Tous tendus vers le firmament, les yeux encerclés de lunettes en polymère noir.
8 heures 07. On attend sur la plage de Dieppe. Ciel et terre unis dans un horizon grivelé préfigurent un crépuscule anticipé. Il y a des vols suspendus, des frissons soudains, le froid au milieu de l’été.
Un trou noir. La silhouette lunaire recouvre le Soleil. Une couronne lumineuse encercle l’astre dévoré. En bas, les visages assombris par l’ombre projetée sur Terre. Tremblants derrière les lunettes, bouches bées. Une onde de peur se répand, et si ça dure, la fin d’un monde.
Il marche. Il avance contre vents et marées, contre la mémoire de sa naissance et contre les 807 signes de sa mort. Il va de l’avant et pénètre toujours plus profondément la matière compacte de la foule. C’est un lutteur, un combattant, un résistant de la première horreur, un fanal dépenaillé pour ses semblables égarés comme lui sur l’arête blessante du monde. Sa voix voudrait convaincre la multitude inquiète qui crie des paroles crues, des slogans rouge sang.
Flash. Le soleil de magnésium grille les révoltes. Après le grand souffle brûlant, des silhouettes noires restent plaquées sur le sol irradié.
Il avance seul, maintenant. Son corps filtre la lumière qui le traverse ne laissant passer que des particules de suie. Cela lui donne une ombre dense, épaisse, grumeleuse tant la lumière est faible. La surface de son ombre est pelliculeuse et desquame quand la pluie bleu cobalt crépite sur le sol cramé. Sa voix est sans écho maintenant. Il avance plus lentement. Les rayons trop vifs carbonisent ses cellules de chair. Son ombre s’alourdit au fil de la journée. Elle devient de plus en plus pénible à tirer. Il fait très attention à elle mais, parfois, par maladresse, il piétine sa flaque grasse, s’en met plein les chaussures et laisse la trace brillante de ses pas sur les trottoirs de la ville schématique.
– Quelqu’un vous veut du mal ! Je vois un homme jeune qui... – Improbable ! trancha-t-elle en se levant. L’attitude moqueuse de sa cliente avait vexé la tireuse de cartes. Et c’est pour se venger sans doute, et alors que l’autre s’apprêtait à passer le seuil de sa porte, qu’elle ajouta : – Méfiez-vous !
Pour elle, tout était présage : un volet qui bat, un mouchoir qui tombe. Et tout ce qui était trouble la troublait. Le bruit du vent dans les branches d’un arbre, le regard d’un chien, l’aspect fantomatique d’un objet du quotidien, l’entraînaient dans huit cent sept territoires inconnus où sa raison n’avait aucune prise, impuissante qu’elle était à la maîtriser.
Je connais ses habitudes et m’y soumets avec bonne humeur. Je sais que ses 807 marottes les plus récriminatrices, comme le pli particulier qu’elle donne à une serviette, la disposition arithmétique des objets sur la table... masquent une peur lointaine d’enfance.
J’étais un peu ivre je l’avoue. Il faisait nuit et pluie, je le concède. En traversant cette rue étroite à sens unique, j’avais pourtant bien regardé à droite puis à gauche. Alors, ces feux rouges de cette voiture, ils auraient dû s’éloigner, forcément. Bien trop engagé en ce milieu de chaussée, bien trop imbibé pour mettre en action la mécanique complexe de mes reflexes, j’eus néanmoins un sursaut de lucidité pour imaginer que la marche arrière était aussi une option d’utilisation sur la plupart des véhicules à moteur. Un poil trop tard, j’en conviens. Alors, pourquoi perdre mes forces à vouloir m’extirper de ce pneu bien trop lourd pour mes petites entrailles ? Et quelle victoire célébrer en parvenant à hisser mon visage sur la plaque d’immatriculation qui était bien trop près pour en décrypter quoi que ce soit ?
Lorsque l’automobiliste enclencha la première et que sa carrosserie s’éloigna de mon visage, ce fut donc un réel plaisir, malgré cette ultime douleur fatale, de pouvoir lire en lettres d’argent : 807.
Un peu moins idiot, je libérai mon dernier souffle.
François avait tellement tanné Patrice qu’il avait fini par accepter. Il ne faisait pourtant pas partie de ceux qui puisent leurs mots dans la contemplation de l’océan. Les plages aoûtiennes ou les tempêtes d’hiver, ça n’avait jamais été son truc. Mais la formule en pension complète – 807 euros pour dix jours – était alléchante. Patricia et lui avaient besoin d’un break. L’argument ultime de François l’avait convaincu. L’endroit proposait une table gourmande : crabes, poisson pêché du jour, plateau de coquillages, far aux pruneaux et aux algues, riz au lait, kouign-amann, cidre maison... Tant pis, il contemplerait la mer.
« La Grande Marée, chambres et table d’hôtes, résidence d’écriture. Une île, un lieu inédit, une porte ouverte sur la mer, l’horizon et l’inspiration. Nous proposons plusieurs formules d’hébergements. N’hésitez pas à nous contacter pour de plus amples renseignements. »
Il y avait eu la traversée en bateau. Rien à voir, à part quelques cailloux noirs et trois grands oiseaux qui avaient filé à la surface de l’eau. L’arrivée sur l’île avait été plaisante. Même hors saison, la Grande Marée était apparue comme un lieu charmant, à l’image de ses hôtes. La chambre comportait un bureau, un lit moelleux et une vue sur mer. Le repas du soir avait rempli les estomacs et un Pommeau maison avait favorisé la digestion. Ce n’est qu’une fois dans le noir, que l’évidence s’était imposée à Patrice. Entouré de ce silence plein de vie, propre au lieu isolé, il avait réalisé qu’il allait follement s’ennuyer.
Sur le chantier, les grues fournissent des perchoirs de halte aux oiseaux hors d’haleine. Nous sommes en pleine migration. Des battements d’ailes, pour faire le tour de la terre, on ne les compte plus.
Mais voilà, ils gênent, ces oiseaux, ralentissent le chantier avec leur nidation. C’est fort de café d’admettre que des oiseaux, si petits, si légers, ces chiures de la nature puissent tant emmerder les entrepreneurs.
Une grue de société, bien nippée, talons aiguilles, mini-jupe et produits L’Oréal badigeonnés, se demande ce qu’elle fout sur ce chantier d’entremetteurs. Mal payée, elle dégorge des bourses. Pas celles qu’elle voudrait. Elle rêve à une grande migration tout en comptant ces ronds. 807. Encore combien de battements d'ailes pour changer d’horizon ?
Devant le miroir, grimaces pour détendre les zygomatiques. Bleu les paupières, sourcils veloutés, vermillon aux lèvres. Robe moulante, elle flotte dans le noir. Pulsation du coeur, un rétrécissement à chaque battement. Le manque d’air aplatit ses poumons, resserre la cage thoracique. À tâtons dans l’obscurité, les doigts suivent l’épaisseur du rideau, un pas, puis deux, puis trois... Jusqu’au vide, la scène béante, un trou de lumières.
807 paires d’yeux figés dans un silence épais comme une attente, suspendus à ses lèvres. Elle articule un son, sa voix soulève des spasmes à lui faire éclater la cage thoracique. Pas le moment de flancher. S’amarrer à la feuille, les mots qui déferlent, un torrent cacophonique. 706 paires d'yeux écarquillés. Se ressaisir. Elle plante son regard dans la 605e paire d’yeux interloqués. Ça s’agite autour d’elle. Tenir le cap quand ils s'éclipsent, laissant derrière eux 504 paires d’yeux liquéfiés. Poursuivre, quand 403 paires d'yeux médusés la dévisagent. Se cramponner, malgré la porte qui bat aux vents et ces 302 paires d'yeux effrayés. Reprendre son souffle. Une pause. Elle remet ça, la tête enfouie dans la feuille, faire fi des 201 paires d’yeux terrassés, et tant pis si 100 paires d’yeux la toisent...
Ça va mieux, on dirait. La voix s’est posée, le palpitant au repos. Un dernier texte, donc. Inspiration suspendue... alors qu’elle cherche vainement une paire d’yeux à laquelle se raccrocher.
L’enfant appelle dans la nuit. Sa mère ne vient pas. Il n’ose pas bouger et voit, dans les ombres projetées à travers les persiennes, une savane incendiée où fuient des animaux. 807, exactement… Il s’endort au petit matin et s’éveille adulte, le regard ouvert sur le vide blanc du plafond. Sa mère a disparu depuis longtemps. Elle n’est jamais venue à son secours, la savane a fini par s’éteindre et les animaux en feu ne viennent plus jamais se réfugier dans ses rêves. Il avait pourtant appris à les aimer et à ne les plus craindre...
Mes animaux doux aux yeux d'énigme, d'où veniez-vous, où êtes-vous ? Girafes aux jambes d'herbe, muettes au trop long cou. Mouettes au long cours, ours tranquilles aux mains de miel, en quel sommeil nous aimions-nous ? Et vous, les deux grands bœufs aux sabots de boue, quelle chanson nous vit peiner au creux d'un labour lourd ? Mes chenilles de soie, quel cocon nous protégea ? Qui dévida notre écheveau pour tisser sa robe de noce ? Eh, Cheval des vents ! Petit cheval blanc toujours devant, souviens-toi du trèfle sucré. Nous y dormions debout appuyés sur l'air, bercé par le bêlement des agneaux de lait, mes petits frères de laine. Petits nuages des prairies, quelles tétines d'étoiles tétions-nous sous la voie lactée ? Vous les éphémères, quelle seconde parfumée nous parut un siècle et vit notre chute sous la lampe ? Toi, le taureau rouge, notre sang comète quelle banderille glacée le fit jaillir et rouler mercure sur la poussière ? Quelle clameur mourut avec nous sous l'astre blanc ? Souviens-toi nos coups de cornes contre les vantaux fermés ! Vers quelle ellipse glissons-nous sans fin ? Ce coup au cœur !
Ils meurent les animaux, ceux des rêves et ceux de la réalité. Il repense à cette vieille photographie, un matin de Noël. Il avait le regard clair sous un large chapeau de feutre et brandissait deux colts de plastique. Il a encore l’odeur neuve de la panoplie dans les narines. Il ferme les yeux et cherche le sommeil. Cow-boy de mes nuits d’enfance, fais entrer dans le corral mes animaux tristes et ne chasse pas les oiseaux gais qui picorent leur crottin.
Les années avaient tissé entre eux une redoutable intimité. Elle aurait bien voulu le quitter mais elle ne voulait pas faire le malheur d’un homme dont elle avait pitié. Elle avait horreur d’avoir pitié de lui, mais cette pitié, pourtant, lui en imposait 807 fois. Elle voulait aimer son amant sans faire de mal à son mari.
Il y eut une époque où les gens comme vous me faisaient peur. Il y en eu une autre où je leur rendais coup sur coup. Maintenant j’en aurais plutôt pitié.
« Si ceux qui disent du mal de moi savaient exactement ce que je pense d’eux, ils en diraient bien davantage. » Au moins 807 fois plus.
Il y a le merveilleux il y a l’irréfutable il y a les divagations de l’esprit les asiles psychiatriques les grains de sable les larmes qui ne servent à rien il y a la programmation l’agitation des poissons hors de l’eau il y a l’ironie qui blesse les biotopes un Airbus dans le ciel du Pakistan il y a ce qu’on ne comprend pas les faveurs des puissants il y a l’apostasie la haine féroce il y a quelques Peugeot il y a le flou figural une pelouse il y a les vieillards mourants l’horlogerie fine la violence des vagues les portes fermées du ciel les tueurs en série il y a les alcools forts il y a le boulevard du Maréchal-Leclerc il y a les stages de formation continue il y a les amis il y a les sept nains le forfait des clepsydres les coïncidences il y a la mémoire qui flanche les lourdes symétries il y a les pneus dégonflés ta langue dans ma bouche les marguerites et les pâquerettes il y a le fair-play il y a la réticence il y a les tard-venus le temps d’avant la disparition de l’homme il y a les cours de recyclage l'ancien sigle d’un commerce de produits alimentaires il y a la bise les nuits d’amour il y a l’expérience il y a ceux qui cherchent du travail il y a le calvados il y a les carrefours il y a les lieux auxquels on s’attache l’allure des nombres le régime sans sel les bas de page il y a les pépins en série son numéro de téléphone il y a l’argent jeté par les fenêtres les mille-feuilles le jaune il y a les baies vitrées le jeu des chaises musicales il y a ce qui n’en finit pas de mourir les urgentistes il y a les restes de la vaisselle du monde il y a les personnages secondaires les élans mystiques il y a les décisions qu’il faut prendre les blagues qui tombent mal les deux mots qu’on ne dit pas les fins de série il y a les sucettes à l’anis il y a les galets plats hors de l’eau il y a les préliminaires il y a la face du monde qui aurait pu changer il y a les nuits trop courtes les retardataires les œufs les déménagements il y a le pain sur la planche les limites 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vieillissement prématuré les mille et une raisons d’aimer la première barbe l’impatience du Chaperon Rouge il y a les demandes inutiles il y a ce qui a lieu mine de rien les inséparables l’obéissance des enfants les longues attentes l’abandon il y a les proverbes il y a des moutons à l’œil vengeur la candeur l’effet domino une annexe aux traités de Tilsit la burqa il y a Madeleine Berger les plages bretonnes le souvenir de la bataille d’Eylau il y a Yvonne et le Général les commencements de l’Histoire les 35 heures le reniement de saint Pierre le quarté un marchand d’échelles il y a la Mer Rouge d’étranges royaumes
il y a les difficiles cohabitations il y a les jours de pluie le mouvement ouvrier les étoiles il y a la famille des ombres le Mont-Blanc les inusables chemins l’évidence il y a l’effondrement d’une tour les rendez-vous manqués il y a des prophéties la douce folie il y a celle qu’on voudrait cueillir au milieu de la foule les diagonales il y a les dimensions de nos vies d’autres saisons les merveilles du monde des parkings il y a demain Indianapolis des occasions la tentation d’une vraie vie il y a le mardi matin les reconduites à la frontière le temps des retraites les obsessions il y a l’illettrisme le paysage du livre le mois de mars les trains qu’on a comptés dans la nuit il y a Combray aujourd’hui la vie d’étudiant le fond du jardin il y a l’allumeur de réverbères la mauvaise herbe il y a un fleuve le Goncourt les dés pipés les vices et les vertus une ceinture brodée il y a ceux qui cherchent les poux il y a une théorie des genres littéraires la colère des lecteurs le refus il y a Pompidou il y a aussi la dèche une méditation sur l’avenir les marges de l’histoire la dureté du bois il y a les écrivains qui tiennent à la gloire les canapés au foie gras les majorités relatives le soutien psychologique il y a les bonnes raisons il y a les arnaques des rêveries le chapelet des idées reçues les faux espoirs il y a Orly le dimanche l’histoire d’un Inuit des nuits blanches le tour du monde il y a les lignes de fuite il y a les fois prochaines la plongée sous-marine l’oubli il y a Fedor Mikhaïlovitch Dostoïevski il y a Cyrano il y a un seul taulier une tête coupée les dernières secondes d’une vie les files d’attente il y a ce qu’on s’est mis en tête un rêve de Joachim les nymphéas il y a les brutes zélées l’indiscrétion du lecteur des batailles l’île Maurice une lettre d’amour le grain de la voix il y a le désert les horloges les décharges il y a les décombres les regrets une seconde vie les éclats de rire il y a celui qui n’est pas des nôtres il y a un fringant jeune homme la patience de Noé Pluton au périgée la grille derrière laquelle attendaient les réfugiés les trains de la mort les colonies de fourmis les regards terrifiés il y a les boiteries la honte le bob il y a des mots rares un gars tout seul au coin de la rue la fierté les constats affligeants il y a la chasse au lièvre une joggeuse les punitions les pièges du miroir la position des tireurs les soupirs les boules de cristal les cruelles certitudes il y a Philémon et Tristan il y a la grammaire le libre accès les mousquetaires le vote électronique il y a des manifestants des messages d’insultes le soleil qui fait grève un psychanalyste à la retraite il y a toi et moi il y a une chanson de gestes des apparitions il y a Dieu les choses de moindre importance il y a la fatigue le plagiat les dimensions de la bêtise la patience les coups de chance le bout des champs il y a une pile de chemises un Petit Larousse des insomnies le ciel au-dessus de nos têtes le courrier du monde entier la maladie qui vous cloue les fumeurs et les autres il y a l’Atlantide il y a des faussaires un porte-monnaie vide il y a la commune de Fernoël une approche avortée de l’infini le voisinage des contestations il y a Noël l’ami Pierrot la réparation des injustices il y a l’Internet les noces de l’ennui et de la contrainte il y a les paris un écrivain gros et fier la danse moderne et classique les hommes à principes les femmes de Casanova et Casanova lui-même il y a une bande de désœuvrés l’autre calendrier le règne de Charlemagne il y a sa liaison supposée avec Adalinde les lettres de rupture celle qu’on a retrouvé dans l’étang des larmes il y a les poèmes dont on ne se souvient pas les brouillons les pages blanches les grains de beauté les rondeurs démodées le chef du casting une femme de ménage l’enfant qui réclame une histoire il y a même les cuisses de Blanche-neige le dernier voyage il y a Jules Hetzel ce qui persiste deux policiers toulousains les raison d’un refus l’inhibition du pape il y a les livres qu’on ne lira pas le temps perdu la sérendipité naturellement la recherche du silence il y a la république des livres les statistiques une bougie les derniers jours il y a la guérison trois fois trois fois rien il y a des opérations arithmétiques il y a quelques tours de passe-passe il y a le désespoir il y a celui qu’on a oublié dans une prison l’ombre de Ponce Pilate il y a un wagon de cinglés il y a les statuts des jeux en ligne il y a le temps des cerises les défaillances humaines des bouteilles un concours d’orgasmes en couples il y a l’un dans l’autre il y a des péripatéticiennes un amateur de chiffres ronds il y a des langues inconnues il y a de grosses bêtises il y a la corde à laquelle chacun tire un voyage sur Mars il y a Don Giovanni deux poussettes il y a des huîtres les années 30 à Chicago les gâteaux à forme ridicule Schrödinger un chef-d’œuvre inconnu il y a les rendez-vous il y a les bien que un puits au milieu des plates-bandes les bourgeoises de Pont-l’Évêque il y a un enfant de cœur il y a le livre de trop l’art contemporain il y a ceux qu’on disqualifie le tiercé le poing dans la poche il y a le loto la haine sans raison les excuses il y a un huis sans serrure il y a la météo la télévision il y a les réjouissances les royaumes pourris il y a un hérisson un centre commercial les dés pipés il y a les instruments de domination il y a le besoin de se renouveler la bêtise l’arrogance les caresses il y a sept corps dans un puits l’ambiguïté les occasions ratées la générosité des mères il y a les journées qui durent le bonheur des pères la petite forme les anglicismes la distance qu’on prend pour y voir clair les nombres sans-grade il y a bien plus il y a l’infini qui guette les ovations à Avignon nos ignorances les sévices l’avenir qui donne tort un manifeste poétique le public il y a les coups de main il y a les préférences les raisons de continuer il y a les pourquoi les fraises la vie après toi il y a la sobriété le grand guignol des grandes gueules l’électricité Tokyo les pingouins du pôle Nord
il y a les promesses non tenues Leonardo Fibonacci un évêque des taupes il y a les cactus les mises en examen les effeuilles la route entre Rome et Amsterdam le désir de partir un rond-point une marquise il y a les grosses colères les quais de gare il y a les appartenances les illuminés de Salt Lake City la reconnaissance les miettes de pain la longueur de la page il y a la rage il y a ce qu’on attendait depuis longtemps les refus le temps d’avant les réincarnations le harcèlement un majordome il y a les petites épiceries les nœuds de vipère une mercière il y a les tragédies de la route l’absence du père il y a le château d’Oliferne la saveur de certaines proses l’aveu les coups de pied qui se perdent les équations sans réponse des licenciements il y a une chute vertigineuse mille raisons de refuser les estuaires le travail recommencé les ports les noms d’oiseaux la lisière des bois il y a l’immortalité les ronds de fumée les changements de cap les arrêts maladie la nostalgie les promesses d’éternité des sources et des lacs il y a les grand moulinets les dispenses les passages à tabac les polars les éliminations sommaires il y a ta vie les clés de Saint-Pierre la tiédeur de l’enfer les homélies pascales il y a l’olivier centenaire les passages à blanc les habits de printemps les justifications il y a des imprécisions il y a les retards l’autosatisfaction les degrés de l’humour les rires les agences de presse les imitations qui mettent mal à l’aise l’huile oubliée sur le feu la vérité du Petit Poucet l’enterrement du mouvement surréaliste il y a les mouches il y a la bravoure le livre des records il y a ceux qui passent à travers les murs il y a ceux que l’imagination n’étouffe pas les gants blancs l’amour des comptes ronds le vouloir dire les petits réflexes câlins les bons côtés les supplications un confessionnal il y a les derniers cheveux le bilans des gains et des pertes les taches de rousseur il y a des râteaux et une pelle il y a les bonbons Robert Desnos les mensonges le zéro les examens l’encre rouge il y a le clin d’œil des étoiles l’extrême onction les frasques de coco il y a des dépositions il y a les mauvaises raisons l’inutilité le vieil Armand le chapelet des petits emmerds les aboiements la tonsure des moines il y a un père et sa fille dans un parc il y a les petites pierres blanches l’heure qui passe la durée le type qu’on fête le geste tranchant des géants les confidences il y a un gâteau d’anniversaire il y a des bougies il y a l’agitation l’assiduité il y a ceux qui s’y croient il y a un sonnet il y a des vies minuscules le réveil l’Académie française les prétextes l’ordinaire l’appel du 18 juin il y a un hymne national il y a les cortèges de sottises ce vers quoi porte le regard les constructions de demain les curiosités linguistiques les superstitions les yeux des fous il y a les gadgets il y a les robes de mariée la scansion les pauvres espoirs il y a les fiches de cuisine les lamentations le pressentiment l’entassement des saisons les manies inaperçues les vieilles bouteilles il y a les trompettes de la renommée il y a ceux qui ont un chien le pourrissement des morts un rêve d’Ubu l’herbe verte au retour du désert les sifflements du vent les pâtes de fruits les crevaisons il y a une cahute il y a les trompe-l’œil vieillis le Paic citron il y a les recommencements les jolies brindilles les déjeuners sur l’herbe les déclarations la correction les hérissons qui se hâtent sur le bitume la crise il y a les professeurs de philosophie les arbres à came il y a l’immanquable la pagaille les inondations il y a des revenants il y a des cactus il y a les syllabes l’âge mûr il y a Shakespeare l’ombre du maître le cancer de la gorge la Guilde des avocats de la ville de Dijon le prénom oublié d’Alzheimer les salariés au lendemain de leur licenciement il y a l’hôpital Sainte-Anne il y a les bonus il y a ce que tu vois dans la glace les sondages les rencontres de Chaminadour les restrictions budgétaires les exigences tyranniques l’oubli des proches la ponte les cueillettes il y a le tournage d’un film il y a les gargotes les méthodes pour bien lire une paire de bottes les apôtres les quelques secondes de trop les exercices d’admiration la contagion le confort il y a des réussites il y a les poignées de mains il y a ce qu’on oubliera il y a les employés des douanes les victoires qui lassent la dépression l’inlassable circulation des hommes les cris de la victoire il y a la fin des vacances la démission des leaders le cercle de l’horizon il y a un bouclier de cuir à l’ancienne il y a les mesquineries les plaintes qui n’aboutissent pas la relativité du temps la princesse de Clèves la jalousie la nécessité les 400 coups il y a la roulette russe la répétition des mauvais souvenirs les airs fripons il y a le ridicule les excès l’histoire qui défile le découragement la guérison il y a le regroupement de militants fanatisés les ravissements le consentement au premier baiser les habitudes qui franchissent les générations il y a un billet de 1 000 dollars la bouche qui te regarde les séances chez le psy il y a les tablettes d’argile la récursivité la rébellion de personnages en papier il y a un ange dévasté il y a cent mille milliards de poèmes il y a les casse-tête les allées du Père Lachaise sept oranges à Alicante la légitimité obtenue au forceps le débarquement à Cythère il y a l’avenir du livre numérique il y a la preuve par l’absurde la supériorité des formes brèves les beautés en bikinis le Boudpokistan il y a l’inattention les yeux dans le vague les groupes des pression il y a des poulets en vadrouille il y a une élection il y a les coups sur la tête les recours à ce qu’on ne saurait disposer les maux de dents les bons perdants le manque d’idées l’évidence à laquelle on se rend l’armée monégasque les combats d’arrière-garde il y a ce que tu me dis le livre des records il y a les excès de bière les explications confuses il y a une soutenance de thèse il y a les gorges chaudes les prés fauchés il y a les charpentes les révoltes populaires il y a l’Afghanistan les oui mais il y a les engagements précieux les fabuleux destins les balades en bateau il y a ce qu’il faut bien admettre
et pendant que tu blablatais sur le clinamen la procastination ou la sérendipité, pendant que tu baisais ta femme ou faisait l'amour à ta maîtresse ou inversement, pendant que tu disais à ton fils de ne jamais mentir de ne pas dire de gros mots, lui, il connectait 807 fils, les soudait en suivant scrupuleusement un schéma technique ; pendant que ta mère t'apprenait qu'elle avait un cancer ou que ton père ne se souvenait plus de ton nom, pendant que tu trinquais avec ton pire ennemi en souhaitant longue vie à votre pacte, lui, réglait l'heure, enregistrait, enfermé dans sa cave ; pendant que tu riais avec ton meilleur ami comme vous le faisiez vingt ans plus tôt, deux crétins volontaires, pendant que ta compagne t'adressait un sourire en caressant son ventre, lui, dépouillait une saison en enfer, page à page, ajoutait en soustrayant ; pendant que tu murmurais comme une plainte seul face à la mer avec une guitare désaccordée une chanson de Nick Drake, pendant que ton premier enfant poussait son cri inaugural, pendant que le libraire disposait ton premier livre sur les étals, lui, terminait sa bombe, enrubannée de bleu
ne voyez-vous pas l'ombre approcher ? allons chercher nos casques, rendez-vous dans l'abri avec quelques bières pour tromper l'attente ; le kamikaze ne renoncera pas
Le moment est venu pour la femme de rejoindre Vulcano, la septième île éolienne, l'ombrageuse, celle qui pue l'œuf pourri à plein nez dès l'accostage. Elle crache haut et sans discontinuer de longs lambeaux jaunâtres. Statufiée sur la lèvre du cratère, Claire se détourne des effluves jaunâtres et découvre à ses pieds ancienne et minuscule île qu'un banc de sable a réunit au volcan, la Vulcanino devenue presqu'île. Avec Vulcanino, temps, vents et sable ont conjugué leur force pour réduire les huit îles éoliennes d'origine aux sept actuelles.
Feuilles jaunes cliquètent, brise lui caressant la joue aussi tendre qu'inattendue. Ne sait encore la raideur de l'ascension et de bon cœur s'engouffre sur un chemin crissant. Débouche, enfin où rien ne se prolonge, explosions intermittentes des filaments de lave expulsés par Stromboli. Noir, ardent. Du surplomb où essayer de reprendre son souffle, frémir des crachats flamboyants retombant en taches écarlates avant d'être absorbés par la nuit. Ici, sans préavis hurle la terre ! Que le sol se tord sous les pieds ! Ça lui tourneboule drôlement la caboche. Claire en oublie son nom, elle s'appelle comment déjà ? Dans le brouillard du transit, la femme échevelée note, au fur et à mesure, les îles visitées. Il y a eut Panarea, l'île des yatchs; Salina qui se grimpe dans la douleur, un cratère de roches andésitiques aussi éteint qu'elle met les muscles en feu... Puis Lipari, la capitale où gelati limone dégoulinant sur les doigts, elle a languit dans des ruelles encaissées jusqu'au dernier appel. E le nave va...
La nuit suivante dans un chalet de pin à 800 mètres au-dessus de la mer, l'amnésique rêve d'Etna, plus précisément d'une éruption qui embrase l'Etna. Des gaz, ils remontent en hoquets abrupts, explosent le bouchon de lave refroidie qui retenait la bile de la terre. Imprévisibles et massives, comme celles de 2002, des coulées épaisses ravagent tout. La tectonique sous-marine embraye. Un tsunami se déclenche. Schhhhhhoo ! Une déferlante recouvre les îles éoliennes, toutes, d'un coup. Hormis Vulcanino. Son promontoire noir émerge. Vulcanino surnage, rescapée, dernier caillou de silice et de souffre, la huitième sans les sept autres. Libérée, enfin...
Comment repérer un flic déguisé en lycéen casseur ? Il n'a pas 807 boutons d'acné sous la cagoule.
Plus d'essence sur le boulevard périphérique, le fleuve métallique figé. Silencieux, y regarder pousser les brins d'herbe et les compter, jusqu'à 807 et au-delà.
Les marées d’octobre charrient des goémons noués jusqu’au fond des ports de brume, des étroits rias. Algues vives indifférentes aux courants, aux désastres, au chant des sirènes.
Dans le port, 807 poissons portés par les courants frôlent de leur transparence les coques des chalutiers avant de s’envoler, poignards au bec des mouettes qui toujours surveillent et volent, survolent et veillent, inconscientes par leur vol d’éveiller celui de nos ailes rêvées. Elles tirent vers les airs la terre plane sous nos pieds et nous emportent, ouïes claquées, volés, envolés.
Près du phare, la lame opale déferle et noie la jetée. Le dernier matin marin, devant la mer, l’amant amer attend la vague comme on attend le dernier bus. Soudain, la gerbe d’écume... La mort liquide. Tout.
Alors qu’il avait déjà réalisé 806 galaxies, le Créateur fut pris d’un doute. Tous ces trous noirs et autres imperfections ne nuiraient-ils pas à son image ?
Tout en se grattant la barbe qu’il avait déjà longue, il réfléchit un moment qui lui sembla une éternité et se dit qu’il continuerait. Après tout, Rome ne s’était pas faite en un jour. Et Paris non plus.
C’est ainsi et pas autrement que fut créée la galaxie 807. Certains, et pas des moindres, la disent aussi parfaite et équilibrée qu’un triptyque.
Ô Campagne, le vent qui feuillette tes peupliers et tes champs de maïs, l’éternel gargouillis du ru, ta reposante musique à mes oreilles, et tes mouches sur mon beurre.
On surestime beaucoup le temps libre, surtout quand il pleut en vacances.
Pour repérer le parisien en Touraine, il suffit de chercher, dans n’importe lequel des 807 Super-U de la région, le chariot plus rapide.
« Je cherche un homme » répétait Diogène en parcourant la ville d'Athènes avec sa lanterne.
À Œdipe qui se demande comment retrouver à cette heure la trace incertaine d'un crime si vieux ? Créon répond : « Ce qu'on cherche, on le trouve ; c'est ce qu'on néglige qu'on laisse échapper. »
Et toi pauvre insensé, que réponds-tu à celui qui te demande ce que tu cherches au cœur de ces lignes, et que tu ne trouves pas ? Dis, que réponds-tu ?
Le visage de Peter apparaît flouté. À ses côtés un homme en blouse blanche, charlotte bleu ciel sur la tête. Un gros tuyau en plastique transparent s’échappe de ma bouche sèche et pâteuse et me relie à une machine qui bipe. 08h07 indique l’écran vert qui clignote à côté du lit.
La douleur distille son poison, me vrille l’épaule, descend dans l’extrémité des phalanges, remonte le long de ma jambe gauche, me transperce le crâne jusqu’à la racine des cheveux. Vague de feu ravageante, je voudrais retrouver le doux cocon de ouate et la lumière blanche qui m’enveloppait de sa douceur.
La charlotte se penche, les lèvres monstrueuses se rapprochent : « Je suis désolée Madame, mais nous avons dû vous amputer des deux membres ! »
Un écrivain manquant de lecteurs Découvrit chez un vieux brocanteur Sous un amas de vieille poussière, La plume d’une ancienne sorcière, Et se dépouilla pour son achat. Il retourne à son logis fébrile Et la fait respirer à son chat, Qui change aussitôt de domicile.
Il n’eut cure de ce noir présage Et mit à sa plume tant de rage, Qu’au petit matin, tout somnolent, Il avait écrit 807 pages Dans un incomparable talent, Parsemées là, sur son carrelage.
Il sombra dans un heureux sommeil Tout peuplé de beaux rêves vermeils. Mais au réveil il dut bien admettre Que la plume avait repris ses lettres.
Ils étaient 80,7 enfants devant la maternelle à brandir leurs banderoles fleuries en chantant « Nicolas, nous voilà... ».
Il y avait 8,07 vieilles femmes enragées devant le Pôle emploi à hurler pour qu'on donne du travail à leurs petits-enfants, et vite !
Il y eut 807 usagers de la SNCF en gare de Tain L'Hermitage-Tournon (buvant du vin offert par la cave coopérative) massés derrière une pancarte proclamant « le travail c'est la santé ».
La pluie cesse. Au fil de la départementale, le miel des foins coupés, la senteur chauffée des troènes invitent à la sieste mais je n’ai jamais su m’arrêter. Comme si je n’avais pas le temps.
Je conduis machinalement, perdu dans mes pensées. Les kilomètres défilent. Le 807e meurt sur le cadran. Je traverse les premières banlieues d’Île-de-France qui me gâchent le plaisir de rouler. Je me perds dans le lacis des routes et des échangeurs. Le béton colmate le paysage. La ville s’alanguit dans les rayons roses du couchant, percée de meurtrières, hachée de passerelles, grouillante, lacérée par le bistouri des voies express. Elle fuit en perspectives vertigineuses : jetées de béton sans fin, rails de néon, sirènes hurlantes, hypermarchés, jumbo-jets sillonnant le ciel qui vire au violet, à l’est entre les méga tours, paquebots métal et verre, surplombs, voies souterraines, feux clignotants, policiers en ribambelles, gyrophares, ambulances fonçant dans le trafic. Soudain, la réalité de l’environnement m’éblouit. Les panneaux publicitaires forment un corridor hérissé de couleurs. Les chaussées se divisent, se superposent, se multiplient. Les perspectives se pénètrent, se chevauchent. Le vertige ouvre ses parois verticales. Respirer, respirer...
Je ne vois plus rien. Des arcs électriques pulsent sous mes paupières, mon corps accomplit des gestes automatiques. Un zigzag de magnésium vibrionne dans un coin de mon œil gauche, obscurcit peu à peu mon champ de vision. La migraine grimpe l’échelle de ma colonne vertébrale. Le bruit du moteur est cotonneux. Le moteur cale. Je ne bouge plus, les mains sur les yeux, la tête sur le volant. Peu à peu, l’orage fuit au fond de mon œil. Je retrouve la vue. J’examine mon teint sale dans le rétroviseur. Sale comme les façades qui me dominent, gris comme le passant qui m’observe depuis le trottoir. Des coups de klaxon. Je redémarre, la nuque raide, le nerf optique vrillé. Je me répète mon nom. Tout mon être s’y accroche. Ma voix me redevient familière : Calme-toi, calme-toi ! Ce n’est que le monde tel qu’il va et tu n’es rien. Pas de quoi paniquer...
Un homme, yeux exorbités, rage écumante aux lèvres, doigt pointé sur le haut de son crâne dégarni. Il tourne autour d’un homme, hurle : Frappe. Je veux que tu frappes le premier. Allez vas-y, frappe. FRAPPE. Fraaaaaaaaappe. Allez. Je veux que tu frappes le PREMIER. C’est toi qui frappes le premier, allez, frappe. Nique ta mère, tu me dis ? Tu me dis quoi, nique ta mère ? Allez frappe. Frappe je te dis, frappe. Tu me dis nique ta mère, parce que je suis noir ? Alors tu crois que je nique ma mère parce que je suis noir, c’est ça ? Moi je veux que tu frappes le premier, on verra bien qui frappe le premier. L’autre, yeux rentrés, regard sournois. Qu’est-ce qu’il tient dans sa main ? Un parapluie ? Non le ciel est désespérément bleu depuis dix jours. Quelque chose comme une matraque. Est-ce un flic, est-il en civil ? Les deux hommes s’épient. Des voitures s’arrêtent, un passant les interpelle : Arrêtez, qu’est-ce qui se passe ici ? C’est quoi encore ? Expliquez-vous mais ne vous battez pas !
Les yeux dans les yeux, l’un crie, l’autre crispe sa main droite sur la matraque, recule d'un pas. Le passant a laissé tomber, autant pisser dans un violon. Un attroupement. Une tension parcoure la rue, ça bouchonne, bruits assourdissants de klaxon, chaleur de plomb, coups de gueule, insultes. Ça dure, au moins 807 badauds s’arrêtent là, d’autres jettent un coup d’œil en s’éloignant.
Ronde autour du Noir et de l'homme à la matraque. Rumeur sourde de la foule, agitation. Suspense, chacun choisit son camp, parie en silence, attend. Le premier continue de hurler : Tu vois, tu n’es même pas capable de frapper le premier. Tu aimerais bien que je commence, hein ? Tu m’insultes mais tu as peur de frapper le premier, tu voudrais que, moi, je commence à frapper. Parce que je suis NOIR. Noooiiiiirrrr. Mais je t’emmerde, moi.