Lorsque nous arrivons dans une ville, ma sœur et moi, il y a un endroit qu’il nous faut absolument visiter : la décharge municipale. Cela date de notre enfance passée chez ma grand-mère. Derrière sa maison, au lieu d’un jardin, à travers le grillage, se trouvait un terrain vague. Les gens venaient s’y retrouver et avaient pris l’habitude d’y déposer leurs détritus. De la fenêtre de la cuisine, on les voyait défiler les bras tendus, chargés de sacs boursouflés, comme des gymnastes aux anneaux. Dès qu’ils étaient partis, on se précipitait dehors : une moisson de poupées énucléées, peluches démembrées et autres objets en fin de course sous une couche de limon alimentaire nous attendaient.
Vingt ans plus tard, nous perpétuons cette coutume. Nous ne nous voyons pas le reste de l’année. Mais une fois par an, nous choisissions une ville dont nous avons entendu parler de la décharge, un genre de du bouche à oreille entre déchargeurs.
Ce mois de février-là, nous sommes tombés sur une décharge avec un cimetière pour portable. J’en ai vu une colline, à vue d’œil, peut-être 807. On s’est précipité au sommet pour en dévaler les pentes. Il y en avait un qui n’était pas éteint : cette photo était affichée :