On dit le tigre en voie d'extinction ? Pas en France ! Où il parade dans des camions bigarrés au baratin hurlant d’un mégaphone promotionnel s’assurant que les enfants qui ne savent pas lire les affiches à tête de clown ne pourront pas ne pas quémander auprès de leur parents une visite dans ce lieu circulaire où le fouet claque.
(Tel le dernier représentant des poètes, j’irai rugissant promouvoir mes livres en camion-mégaphone.)
Il faut en ce site assumer totalement mon caractère d’éponge, pilleur impénitent, je fais œuvre de plagiat : c’est la mode, lit-on.
(Au bout de la 807 ème absence, la légende veut que l'auteur dont il est question ici, sera tout à fait éteint.)
Déclinaisons d'un aphorisme d'Éric Chevillard. "804… 805… 806… j’avais très rigoureusement repris le compte des herbes de mon jardin en pliant celles-ci au fur et à mesure, cette fois, afin de ne pas me tromper, mais à la 807ème ortie, ma main enflée, engourdie de douleur, n’est seulement plus capable de bouger les doigts, j’abandonne."
mercredi 26 mars 2014
mardi 25 mars 2014
Rédemption dans le métro.
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, vous vous doutez de ce que je vais vous demander. Mais en préalable voici mon humble histoire, aussi divertissante que poignante, ouvrez grand vos oreilles, vous allez être plus que surpris. Jeune pucelle, je me dirigeais vers le meilleur de la vie quand je m'amourachais d'un brun fatal qui me mis sur le trottoir pour remplir son portefeuille de gros biffetons pendant que je me vidais de toutes mes illusions d'amour; ainsi le gris de l'asphalte abrita mes passes sinistres à la lueur de lampadaires d'impasses putrides. Il grimpait dans la hiérarchie des maquereaux, je glissais dans des gouffres péripathétiques.
Lors d'un crépuscule babylonien, un homme plus grand que mes clients m'aborda en me demandant si j'étais d'accord pour témoigner contre mon ancien amour et actuel souteneur. Il me promis de me libérer de mon sort d'arpenteuse usée et de me trouver un travail honnête. Je lui demandais quelques jours de réflexions, c'était tentant. Une fois de plus j'avalais les promesses d'un homme avec ardeur et acceptais de révéler toutes les vilénies du brun fatal ; l'homme plus grand m'installa dans un hôtel de troisième zone jusqu'au procès ; l'ennui qui rythmai mes jours me poussa à faire monter d'autres hommes dans ma chambre et avec les gains je m'achetais 807 colifichets.
L'homme plus grand vint un soir et devant l'avalanche de vêtements, de bijoux et de sacs qui encombrait ma chambre, devina que j'étais retombée sur ma mauvaise pente. Son regard m'assassina froidement et je perdis ainsi sa confiance. Je descendis dans la rue distribuer mes trophées de pacotille aux passants, je jurais solennellement devant Dieu que je ne vendrais plus mon corps et que je chanterai sa gloire dans le métro, pour ma rédemption et celle de toutes mes sœurs. J'appris à tendre doucement la main pour récolter ce que le sort me donne, certains jours avec générosité. Et maintenant, passant inconnu croisé par hasard sous terre, réfléchis passant, sur ce que tu peux me donner pour soulager ma misère : un euro, un chèque restaurant, un ticket de métro, un sourire. N'importe quel petit don qui réchauffera mon cœur aigri et me ressoudra à la communauté humaine. Réfléchis aussi au bien que ça te fera de m'aider, comme tu te sentiras plus généreux, attentif, salvateur, à soulager une âme perdue : la mienne.
En me permettant de me nourrir, tu m'aides à donner à mon corps chétif un peu du respect dont il a tant manqué quand je trainais sur les trottoirs brillants à ramasser des coups furtifs ; je me reconstituerai progressivement grâce à ton obole amicale, c'est pourquoi je te tends la main, les yeux dans les yeux, ne t'offrant que mon sourire édenté. Alors, passant, qui que tu sois, quoique tu donnes, je l'accueillerai avec joie comme étant la réponse méritée, le pansement de mes infortunes, le signe que je dois suivre, la promesse d'un futur réconcilié, l'élan d'une journée plus ensoleillée, le déclic ouvrant sur un horizon plus large, qui que tu sois, l'ouverture sur une renaissance, quoique tu donnes, un nouveau tour de manège qui envole plus haut...
Lors d'un crépuscule babylonien, un homme plus grand que mes clients m'aborda en me demandant si j'étais d'accord pour témoigner contre mon ancien amour et actuel souteneur. Il me promis de me libérer de mon sort d'arpenteuse usée et de me trouver un travail honnête. Je lui demandais quelques jours de réflexions, c'était tentant. Une fois de plus j'avalais les promesses d'un homme avec ardeur et acceptais de révéler toutes les vilénies du brun fatal ; l'homme plus grand m'installa dans un hôtel de troisième zone jusqu'au procès ; l'ennui qui rythmai mes jours me poussa à faire monter d'autres hommes dans ma chambre et avec les gains je m'achetais 807 colifichets.
L'homme plus grand vint un soir et devant l'avalanche de vêtements, de bijoux et de sacs qui encombrait ma chambre, devina que j'étais retombée sur ma mauvaise pente. Son regard m'assassina froidement et je perdis ainsi sa confiance. Je descendis dans la rue distribuer mes trophées de pacotille aux passants, je jurais solennellement devant Dieu que je ne vendrais plus mon corps et que je chanterai sa gloire dans le métro, pour ma rédemption et celle de toutes mes sœurs. J'appris à tendre doucement la main pour récolter ce que le sort me donne, certains jours avec générosité. Et maintenant, passant inconnu croisé par hasard sous terre, réfléchis passant, sur ce que tu peux me donner pour soulager ma misère : un euro, un chèque restaurant, un ticket de métro, un sourire. N'importe quel petit don qui réchauffera mon cœur aigri et me ressoudra à la communauté humaine. Réfléchis aussi au bien que ça te fera de m'aider, comme tu te sentiras plus généreux, attentif, salvateur, à soulager une âme perdue : la mienne.
En me permettant de me nourrir, tu m'aides à donner à mon corps chétif un peu du respect dont il a tant manqué quand je trainais sur les trottoirs brillants à ramasser des coups furtifs ; je me reconstituerai progressivement grâce à ton obole amicale, c'est pourquoi je te tends la main, les yeux dans les yeux, ne t'offrant que mon sourire édenté. Alors, passant, qui que tu sois, quoique tu donnes, je l'accueillerai avec joie comme étant la réponse méritée, le pansement de mes infortunes, le signe que je dois suivre, la promesse d'un futur réconcilié, l'élan d'une journée plus ensoleillée, le déclic ouvrant sur un horizon plus large, qui que tu sois, l'ouverture sur une renaissance, quoique tu donnes, un nouveau tour de manège qui envole plus haut...
lundi 24 mars 2014
Accords toltèques
Valentin, encore lui.
C'est le soir, juste avant la fermeture du café-épicerie, à trois tours de roue de vélo de chez lui, roues de son vélo qu'il appuie contre le mur tapissé de lierre. Il achète un paquet de cigarettes qu'il ne fumera pas, mais descend un ballon de Sancerre au comptoir tout en promenant ses doigts sur quelques cacahuètes égarées au fond d'une soucoupe. On ferme, dit la patronne, et elle ferme, lui laissant à peine le temps de se faufiler sous le rideau de fer, encore tout frissonnant de ce petit effet guillotine.
Pince coupante à la main, une fille à la chevelure noire aussi longue qu'un ruban de zan déroulé, tout à son affaire autour de cet antivol en queue de petit cochon. Valentin fait Oh!, deux fois, interloqué et séduit par l'audace de la fille dans cette rue, dans ce quartier où rien ne se passe et où personne n'a jugé bon d'installer un commissariat de police. Elle le regarde droit dans ses bottes, et lui dit Ne fais pas de suppositions, je ne suis pas en train de voler ton vélo, j'essaie juste la pince que je viens d'acheter.
Elle, c'est une grande fille nature, peau pain d'épices, salopette en jean et livre dépassant de la poche arrière : la Bible. Sa bible à elle, plus précisément, "Les quatre accords toltèques". Elle revient du Mexique où elle a rencontré Don Miguel Ruiz, en personne. Se fait appeler Dolores ou Remedios, des noms qui ont à voir avec le corps et ses désagréments. Les noms, tant qu'on ne les traduit pas, on ne sait pas, pense Valentin en débouchant la deuxième bouteille de Pinot noir.
Fais toujours de ton mieux, a-t-elle dit hier soir, avant de sombrer dans un sommeil comateux. C'est le quatrième accord du livre.
Dans le jour qui se lève aussi lentement qu'un bas descend sur une jambe de strip-teaseuse, Valentin mastique le deuxième accord de la bible : Quoi qu’il arrive, n'en fais pas une affaire personnelle.
Dans le buffet, dans le coffret à argenterie hérité de la grand-mère, il manque 8 couteaux, 0 cuiller, 7 fourchettes.
Elle a laissé sur le frigo un post-it qui dit : Je pars. Salut!
Le premier accord toltèque, momentanément égaré dans les méandres de sa mémoire immédiate, revient à Valentin : Que ta parole soit impeccable.
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