mardi 25 mars 2014

Rédemption dans le métro.

            Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, vous vous doutez de ce que je vais vous demander. Mais en préalable voici mon humble histoire, aussi divertissante que poignante, ouvrez grand vos oreilles, vous allez être plus que surpris. Jeune pucelle, je me dirigeais vers le meilleur de la vie quand je m'amourachais d'un brun fatal qui me mis sur le trottoir pour remplir son portefeuille de gros biffetons pendant que je me vidais de toutes mes illusions d'amour; ainsi le gris de l'asphalte abrita mes passes sinistres à la lueur de lampadaires d'impasses putrides. Il grimpait dans la hiérarchie des maquereaux, je glissais dans des gouffres péripathétiques.


           Lors d'un crépuscule babylonien, un homme plus grand que mes clients m'aborda en me demandant si j'étais d'accord pour témoigner contre mon ancien amour et actuel souteneur. Il me promis de me libérer de mon sort d'arpenteuse usée et de me trouver un travail honnête. Je lui demandais quelques jours de réflexions, c'était tentant. Une fois de plus j'avalais les promesses d'un homme avec ardeur et acceptais de révéler toutes les vilénies du brun fatal ; l'homme plus grand m'installa dans un hôtel de troisième zone jusqu'au procès ; l'ennui qui rythmai mes jours me poussa à faire monter d'autres hommes dans ma chambre et avec les gains je m'achetais 807 colifichets.


           L'homme plus grand vint un soir et devant l'avalanche de vêtements, de bijoux et de sacs qui encombrait ma chambre, devina que j'étais retombée sur ma mauvaise pente. Son regard m'assassina froidement et je perdis ainsi sa confiance. Je descendis dans la rue distribuer mes trophées de pacotille aux passants, je jurais solennellement devant Dieu que je ne vendrais plus mon corps et que je chanterai sa gloire dans le métro, pour ma rédemption et celle de toutes mes sœurs. J'appris à tendre doucement la main pour récolter ce que le sort me donne, certains jours avec générosité. Et maintenant, passant inconnu croisé par hasard sous terre, réfléchis passant, sur ce que tu peux me donner pour soulager ma misère : un euro, un chèque restaurant, un ticket de métro, un sourire. N'importe quel petit don qui réchauffera mon cœur aigri et me ressoudra à la communauté humaine. Réfléchis aussi au bien que ça te fera de m'aider, comme tu te sentiras plus généreux, attentif, salvateur, à soulager une âme perdue : la mienne.


            En me permettant de me nourrir, tu m'aides à donner à mon corps chétif un peu du respect dont il a tant manqué quand je trainais sur les trottoirs brillants à ramasser des coups furtifs ; je me reconstituerai progressivement grâce à ton obole amicale, c'est pourquoi je te tends la main, les yeux dans les yeux, ne t'offrant que mon sourire édenté. Alors, passant, qui que tu sois, quoique tu donnes, je l'accueillerai avec joie comme étant la réponse méritée, le pansement de mes infortunes, le signe que je dois suivre, la promesse d'un futur réconcilié, l'élan d'une journée plus ensoleillée, le déclic ouvrant sur un horizon plus large, qui que tu sois, l'ouverture sur une renaissance, quoique tu donnes, un nouveau tour de manège qui envole plus haut...

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