samedi 17 décembre 2011

Trêve des confiseurs

Sapin, guirlande, boule, bûche au chocolat, vieux barbu, cadeau, messe de minuit, champagne, carte de voeux, foie gras, vitrine, illuminations, famille, crèche, crise de foie, nouvel an, gueule de bois, bonne résolution... me faut-il continuer à énumérer les 807 choses qui éloigneront de ce lieu participants, lecteurs et taulier pendant quelques jours ?


Le blog ferme boutique, prend quelques jours de congés, vous souhaite de bonnes fêtes et vous donne rendez-vous l'année prochaine.

vendredi 16 décembre 2011

Un dernier ver

Le coq dans son poulailler picore du noir... au 807e ver, il arrêtera de se pavaner au milieu des poules de la basse-cour. Il cochera l’autre coq du poulailler, le beau blanc.


jeudi 15 décembre 2011

Bonne pomme

Elle aime particulièrement ce moment où le silence descend sur les grands arbres, quand le bleu du ciel enlace la nuit, dépose sur ses joues un baiser et disparaît lentement derrière la forêt. Tout le jour, elle l’a passé à nettoyer, laver, cuisiner, ne s’accordant une pause qu’à midi, le temps d’un déjeuner frugal et d’une courte sieste à l’ombre d’un chêne centenaire. Elle ne pensait pas que cette vie simple lui apporterait autant de réconfort. De son passé, elle ne garde que de vagues souvenirs zébrant sa mémoire. Flashs de cris, de larmes, de menaces, de coups. Elle s’est enfuie une nuit, n’emportant avec elle que ses vingt ans et sa rage de vivre. Elle a marché longtemps traversant la ville et la campagne avant d’atteindre l’orée de la forêt. Les arbres étaient denses, serrés, menaçants. Eux non plus ne voulaient pas d’elle, semblant lui dire dans un bruissement de branches : fais demi-tour, va-t-en, tu n’es pas des nôtres. Mais elle savait que la profondeur du sous-bois la protégerait et que jamais personne ne l’y retrouverait. Alors elle a marché encore, droit devant elle, jusqu’à arriver ici, dans sa nouvelle maison, au cœur de la forêt. Elle sourit à la nuit qui s’avance, étire ses bras endoloris d’avoir pétri, haché, épluché, remué, toute l’après-midi. Elle voulait que tout soit prêt pour leur retour, que la petite fête organisée en leur honneur soit un succès. Ils ont été si gentils avec elle, l’accueillant comme leur enfant perdue sans jamais lui poser la moindre question. Des pas légers se font entendre sur le chemin jonché de feuilles. Bientôt, ils apparaîtront en file indienne : Timide, Prof, Grincheux, Atchoum, Simplet, Joyeux, Dormeur. Ses chers nains.


Suivis de leurs huit cents invités.

mercredi 14 décembre 2011

8Q7

Il est piégé dans un mauvais Murakami comme on se gave de marshmallows un jour de vaine tristesse dépitée, les rideaux tirés, dans une chambre d'hôtel si ordinaire qu'elle fait peur. J'espère qu'il n'aura pas le Nobel se dit-il faisant la liste de tous ceux qui, selon lui, le mériteraient, eux.
Il aurait dû choisir un autre livre.
Et un autre endroit, il n'aime pas le vert, il n'aime pas la montagne, il n'aime pas grand-chose aujourd'hui. Il lui faudrait quelque chose à aimer pour enfin tuer ce chagrin d'amour qui se compte en années, et ça fait beaucoup de jours qui comptent pour rien... Il ouvre la fenêtre



Stéphane Massa-Bidal / Rétrofuturs, série new horizons

mardi 13 décembre 2011

Rien qu'un léger bruit de plume




Un voile noir est tombé sur la ville. Tous les ponts ont été coupés. Plus aucune route ne la dessert. La seule lumière vient de la lune et quand elle est pleine il arrive que le cœur d'un homme s'emballe. Une nuit, un pauvre bougre est sorti tout nu et a crié des choses incompréhensibles. Tel quel, on l'a enchaîné au mur du cimetière et condamné à vivre dans le silence de la pierre. Il s'est débattu jusqu'à s'en briser les mains. Dans la peur agissante, le croc s'est contracté. Maintenant, son corps ploie et ne parvient plus à protester contre le châtiment. Ses jambes se sont nouées et n'ont plus la force de rien. Il voudrait aspirer quelques goulées d'air pour réchauffer ses membres éreintés mais sa poitrine n'est qu'une poche crayeuse qui ne retient que la poussière. Il ne sait pas où donner de la tête. Ses yeux ont cessé de départager les ombres et ont abandonné l'idée même de chercher un secours. Des larmes s'y sont cristallisées et à l'intérieur il fait de plus en plus froid. Sa langue s'est usée elle aussi et les 807 mots qui lui étaient chers ont lâché prise l'un après l'autre. Il n'entend plus qu'un léger bruit de plume à la porte de ses lèvres... et l'emprise du dernier mot : viens !

lundi 12 décembre 2011

Linge sale

Ils viennent de se croiser mais elle seule l'a vu, juste se retourner pour s'assurer que c'est lui ; sonnée elle ne peut pas croire qu'il s'agisse bien de lui. Comme un automate elle se retourne et lui emboîte le pas en allumant une cigarette d'une main tremblante. Il traverse la rue en courant, s'enfourne dans une ruelle, débouche sur une petite place ronde où l'attend un homme en noir qu'elle reconnaît aussi. Hans. Elle ne voit pas le trou de la chaussée et dégringole lourdement dans le caniveau. Elle sent un élancement dans la cheville droite et laisse échapper un cri. Ils se retournent silencieusement comme des chats et approchent de Stella, leurs sourires s'élargissent pendant que la vieille femme se relève de guingois, en esquissant une ébauche de sourire malgré sa cheville qui irradie de puissants élancements dans sa jambe.
Hans et Klaus, leurs bouches perfides. Matricules 806 et 807. Deux frères siamois sournois, au charme vénéneux.


Sa bouche grande ouverte bourrée de gâteaux et de bonbons roses, ses yeux exorbités appelant à l'aide pendant que Hans la recouvre de chocolat chaud et que Klaus dit : Comment tu m'as reconnu, vieille sorcière, après mon opération ?
Elle recrache une bouillie rose, articule dans un râle : J'aurais reconnu mes saloperies de fils n'importe où et crève en ricanant sous les yeux reptiliens des siamois qui en restent comme deux ronds de flanc. Klaus regarde Hans et essuie de sa main râpeuse la minuscule goutte qui perle au coin de la paupière de son frère.

dimanche 11 décembre 2011

samedi 10 décembre 2011

Désœuvrement

Mauricette – après s’être regardé les ongles, étiré le dos, souvenu de s’occuper des impôts, promis de le faire plus tard, levée sans but précis – prit le dictionnaire des noms propres et l’ouvrit au hasard, page 807. Elle lut : « Han Guk. Nom coréen de la Corée ». Elle referma le livre. Se mit à la fenêtre, les bras croisés. Se demanda d’où venait le fait qu’on appelait la Corée Corée. Et quel nom les Coréens pouvaient bien donner à la France.


Et si l’ennui était aussi coriace en Corée qu’ici.

vendredi 9 décembre 2011

Des boules

807 boules
sur le sapin vosgien
érigé place de la Mairie
face au Petit Casino.


J'ai peur.

jeudi 8 décembre 2011

mercredi 7 décembre 2011

Tête de nœud

Il fait soleil, sur cette île, forcément. La mer est si bleue, les rochers du Vieux Port si rouges que les vagues s’y fracassent violettes au pied de la falaise. À l’horizon, des scintillements de feu, des voiles blanches et minuscules d’esquifs, qui se rapprochent, nombreuses, et les plus jeunes distinguent le miroitement d’armes, piques, et boucliers, au-dessus des bastingages. On n’en mène pas large sur le parvis de l’église où clignent des yeux les femmes, les vieillards, les prêtres. Car les diables, sur les bateaux, ont l’éclat sombre des chaudrons qui ont trop vu la flamme, leurs yeux sont cruels, leurs fronts arrogants sous le mouchoir noué en bandeau qui retient leurs cheveux noirs et frisés, entortillés sur eux-mêmes comme vipéreaux de printemps. On ne les a jamais vus, pourtant, on le sait, parce qu’ils ont attaqué l’île plus au nord l’année précédente. Ils y auraient aussi perdu des milliers des leurs, massacrés sans pitié mais cela, doit-on y croire ? À midi, les chevriers qui se sont relayés les nouvelles avec les guetteurs d’autres villages déboulent des hauteurs, affirment qu’une autre flotte s’est amassée, celle du connétable de l’Empereur, un certain Burchard, qu’il y aura bientôt bataille navale. Quand le soleil se couche, dans son orgie habituelle de pourpre et de sang, on respire, car les premiers noyés qui flottent jusqu’au Vieux Port, pieds devant, dans les vagues aussi rouges à présent que les rochers, ont la couleur des vieux chaudrons, et un mouchoir blanc flotte à leur traîne. Toute la nuit, les détrousseurs de cadavres se battent pour dénouer de leurs cous de petites mains de métal, parfois d’argent, que ces Infidèles portent en lieu de crucifix. Le lendemain, on tire sur le sable les coques défoncées de treize de leurs navires coulés par le fond, pas moins. Ah il te leur a bien a enfoncé le bandeau sur la tête, le Burchard, ah il leur a bien fait baisser les yeux ! On loue Charles le Magne, on fait la fête. On ne sait pas que dans deux ans, anno Domini 809, les Maures reviendront en Corse, prendront l’île, ne laisseront de vivants, hasard, paresse ou superstition, que l’évêque et deux ou trois vieux dans tout le bourg d’Aléria.


mardi 6 décembre 2011

Vie d'ange

Heureux l’élu à qui on a donné les clefs juste avant son passage dans le monde des vivants. Celui-là, sans essayer les serrures, il ouvrira les 807 portes rencontrées sur son chemin. En dépit des turpitudes réservées aux mortels, il atteindra la terre promise. Il ne doutera ni de lui ni de son avenir et saura trouver de l’aide si sa boussole intérieure l’égare – c’est que le Nord bouge sans prévenir; il faut se tenir en permanence au courant des nouveautés. En cas de tempête, il attendra sans angoisse que l’horizon s’éclaircisse. La chance saura le reconnaître et lui offrir sa planche de salut. Le surf est un sport de gourmand quand la mer est sucrée et les bateaux promis au naufrage croisent trop au large pour qu’on risque sa vie à leur porter secours. Il flottera, léger, au gré des alizés, confiant et rassuré par la douceur de l’eau. Pour lui, il y aura forcément une issue. S’il n’y en pas, il se souviendra qu’il a bien vécu et acceptera son destin. Il n’aura rien à regretter. L’amour l’aura choyé. Il aura passé son temps à savourer les saisons.


Prince du réel l’espace d’une vie, ange d’équilibre, lassé à la fin par son équanimité, il reportera aux ateliers du paradis ses ailes déplumées par les intempéries du siècle. Impatient de renaître.

lundi 5 décembre 2011

Sacrilège

Ça fait un moment que je le sens qui me regarde du coin de l'œil. Un moment que ce petit jeu là dure entre nous. Ce soir, c'est spécial. Ambiance électrique. Elle s'est enfermée dans la salle de bain en pleurant et j'ai senti qu'il allait passer à l'acte. Le voilà. Il me fixe, le regard vide. S'approche. Sa grosse patte m'effleure, délicatement d'abord, puis plus fort. Il me caresse, me tâte, me pince, me soupèse, m'évalue, s'enhardit. Ses yeux se mettent à briller, son souffle s'accélère. Il tire doucement sur la fermeture éclair qui refuse de bouger. Me saisit à pleines mains, force l'ouverture avant de glisser sa paluche dans mes entrailles. Il fouille, explore, d'abord timidement puis brutalement. Il s'énerve, le temps passe, sa respiration se fait lourde, l'autre main plonge, fébrile, maladroite, dévastant tout sur son passage. Il me bouscule, me retourne, renverse mon contenu dans un grand fracas.


La carte d'Éric Bressart, 80 rue Philippe de Girard, 75018 Paris, tel 06 80 71 46 20, est tombée. Il se penche pour la saisir au moment où elle sort de la salle de bain en hurlant « T'as fouillé dans mon sac espèce de salaud, dégage ! »

dimanche 4 décembre 2011

Clair de nuit

Elle entendit un grognement puis l’homme s’affaissa dans un craquement sec. Le plan avait fonctionné au-delà de toutes ses espérances, il ne lui restait qu'à passer à l'étape suivante, la plus délicate, celle dite du chanoine bulgare. Elle prit la canette de bière posée sur la marche de l'escalier, en vida le contenu d'une traite et se dirigea au fond de la rue vers le bar : il lui fallait prévenir Bogdan qui attendait deux rues plus haut pour ne pas éveiller les soupçons. En amplifiant sa foulée, elle ne put s'empêcher de se demander avec angoisse si elle allait reconnaître Bogdan, l'OUBE (Officiel Ultime Bureau Eliminateur) ne lui ayant hologrammé qu'une Identif-Basse-Déf qu'elle tenait discrètement dans la paume de sa main en pénétrant dans le bar sombre où irradiait le faisceau ionisant du détecteur de plasmons. Elle attendit plusieurs secondes que le rayon de lumière balaie le mur latéral pour se glisser au bout du comptoir et pousser la porte qui donnait sur l'escalier. Elle dévala les marches, poings crispés au fond des poches, sentit la chaleur puante des corps agglutinés dans la petite pièce où elle peinait à distinguer les visages. C'est à ce moment-là qu'une main attrapa son bras et qu'avant même de se retourner elle pressentit que c'était Bogdan, à peine le temps d'entrapercevoir ses pommettes sculptées et ses épaules musculeuses sur lesquelles il jeta un lourd manteau, que déjà il l'informait sur le deuxième homme à abattre, plus difficile cette fois car il fallait d'abord retrouver sa trace : on l'avait vu pour la dernière fois dans la zone est de la ville, une zone interdite puisque contaminée par la centrale. L'homme qui avait donné son signalement n'avait pas eu le temps de tout dire, mais avant de rendre son dernier souffle il lui avait tendu une éprouvette contenant le doigt momifié de l'agent REZE (Réseau Eliminateur Zone Est) qui était soupçonné d'avoir vendu des renseignements sur les réacteurs nucléaires à la mafia russe. Elle fourra l'éprouvette dans sa poche, se sentit amère de devoir quitter si rapidement Bogdan, mais que pouvait-elle faire sachant que la puce qu'on lui avait greffée répandrait dans son corps des rayons mortels qui la réduiraient en quelques minutes à l'état de poussière si elle n'achevait pas sa mission avant l'aube ?


Ensuite, ses pas résonnèrent, dans la nuit claire de Darwin leurs claquements s'amenuisèrent jusqu'au 807e que, bien qu'extrêmement attentif, Bogdan n'entendit plus...

samedi 3 décembre 2011

Au pied du temps

Cornaline pratique au sens propre le lèche-vitrine. Et il lui faudra encore bien de la salive pour parcourir les 807 mètres qui nous séparent du magasin de chaussures (et retour).


Tout ce sable, qui chaque jour tombe de ses petites chaussures, marque le passage du temps mieux qu'aucun instrument, et dire que je crois qu'un coup de balai effacera ça...

vendredi 2 décembre 2011

Coup de flippe

Dans ma tête tournoient 807 questions, elles rebondissent sous mon crâne comme les billes d’acier d’un flipper, y a-t-il toujours des flippers dans les bars ? voici la question 808, pour y répondre, il suffirait d’ouvrir la porte, la refermer, descendre les trois étages en prenant garde de ne pas glisser sur les marches étroites du vieil escalier de bois, remonter la rue, entrer dans le bar-tabac, l’explorer des yeux, se dire oui ou se dire non, refaire le chemin en sens inverse, la démarche assurée par la certitude d’avoir, pour une fois, une réponse fiable à une question simple, si les 807 autres pouvaient être résolues de la sorte, juste en sortant de soi, mais voilà, je suis enfermée ici, à l’intérieur de mon corps, les billes d’acier s’entrechoquent dans un vacarme épouvantable, il n’y a que des questions et pas une seule réponse, j’essaie d’esquiver, je suis emportée par la ronde affolée, bille à mon tour, je tourbillonne, je derviche, ma robe blanche en corolle, et par cette force centrifuge enfin éjectée de moi, rendue à l’univers, à la lune, aux étoiles, à tout ce qu’il y a de rond, de paisible, de lisse, d’inerte, de sans chaleur, de sans vie, d’absent. À toi en somme.


jeudi 1 décembre 2011

Briques

J'ai compté 807 briques de LEGO, puis je me suis arrêté. Il en manquait une !


mercredi 30 novembre 2011

Déluge

Steve fit une pause dans ses calculs de mécanique Newtonienne. Par la fenêtre où était scotchée une petite photographie d’Alan Turing, toujours le même paysage de pluie diluvienne, six semaines en continu après le prochain week-end qui s’annonçait déjà gâché. Les barrages du Tennessee étaient déjà pleins et avaient commencé à déborder. Son regard parcourut distraitement sa chambre simple, l’homme au chapeau de Magritte, une estampe représentant l’exploit de Guillaume Tell, un dessin de Blanche Neige offert par sa petite sœur. La cinquième symphonie de Beethoven entamait ses premières notes lorsque son iPhone le tira brutalement de sa rêverie par un son strident d’alerte. En amont, à Florence, le vieux barrage Wilson, construit par les travaux herculéens de l’Army Corps mais miné par les infiltrations, venait de lâcher. Un calcul élémentaire, une vague immense, trente mètres de haut, soixante kilomètres de long, soixante-six millions de mètres cubes d’eau allaient se précipiter à cent kilomètres par heure, submerger et raser sa ville de Iuka dans trente-trois minutes. Steve déglutit.


L'ingénieur saisit son iPad et son MacBook, le vivarium et ses deux crotales, et sortit les poser délicatement sur le siège passager de sa vieille Buick Roadmaster. Quels trésors pouvait-il encore sauver pendant les minutes qui lui restaient ? Il attrapa ses antiquités son vieil Apple II, sa collection de vinyles des Beatles, ses couples de perruches et de hamsters, une couette, son bac de papiers administratifs, et une bible pour la lecture. Il se fit un confortable sandwich, attrapa le reste de crumble et une vieille bouteille de Manzana. Sur Battleground Drive et sous la pluie de plus en plus dense, Steve maugréait, ils étaient bien tranquilles à New York, loin de la fureur du grand fleuve ! Il fonçait seul dans sa Buick vers le sommet de Woodall Mountain. Le chemin caillouteux, abrupt et détrempé glissait et le dernier mile fut difficile à parcourir. À 807 pieds d’altitude, sur la plus haute montagne de l’état du Mississippi, Steve était en sécurité. La vague, il pouvait la voir venir de haut. Il s’installa pour dîner de son sandwich. Il avait sauvé sa pomme et tant pis pour les autres.

mardi 29 novembre 2011

Le monde éphémère de Rina Banerjee

Quelques perles, un peu de paille qui luit
Sans cette libellule rose
Arrimée au soleil,
Que m’en resterait-il ?



Exposition Rina Banerjee, Musée Guimet, 2011, © Clémence D., 807 ko

lundi 28 novembre 2011

Corps de lecteur

Je n’aime pas lire sur un écran mais je m’y habitue, on s’habitue à presque tout. Évaporée, l’odeur du papier, celle très particulière des premiers livres de poche. Un peu acide, un peu sucrée. Disparu, le froissement des pages dans le silence d’une chambre la nuit, frère paradoxal de toutes les frayeurs et d’une solitude douillette. Adieu saveur, adieu caresse ! L’abstraction gagne du terrain. La dématérialisation nous tente. Machines envahissantes, avez-vous donc une âme qui saccage notre âme et nous force d’aimer notre matériel et misérable quotidien ?


Je me souviens d’un certain rocher au bord du Gardon de Mialet en Cévennes qui m’accueillait dans ses creux lisses miraculeusement adaptés à la forme de mon corps et dont le surplomb était pourvoyeur d’ombre. De temps en temps, pourtant très occupé à recréer le monde du roman que je lisais, le réel faisait irruption dans mon univers mental : bourdonnement d’insectes, saut d’un poisson, rires d’enfants, mistral dans les cimes... 807 incitations à lever la tête, à reprendre possession de soi. Plaisir de poser un livre quand on sait qu’on va le reprendre après un bain dans une eau claire et jaillissante où brillent les paillettes de quartz soulevées du fond par le bouillonnement du courant.

dimanche 27 novembre 2011

Dans le nez

Nous débouchons dans une crypte où attend un croulant, barbe blanche, yeux de merlan bouilli, visage livide ; la coupe que tu lui tends débordante du sang d'un bélier sacrifié, il la porte à ses lèvres, à chaque gorgée sa peau reprend les couleurs de la vie, celle qui resplendit au soleil et déserte cet endroit ; l'ancêtre demande si tu es seul ; ça fait des calendes que, aveuglé par l'espoir, tu attends son oracle, il est sensé t'éclairer sur ton retour dans l'île ; en fronçant les sourcils, tu me fais signe de rester immobile et bouche cousue, tu me gaves et enchaînes : Il n'y a que moi ici, prêt à écouter tes visions... j'aperçois à gauche une galerie pavée de sombres intentions... au loin un fleuve souterrain plus obscur que le pot-au-noir qui avait failli engloutir notre embarcation... Du coup, nous plantons le vieux ; à grandes enjambées tu fonces dans la galerie ; lâchant la place pour l'ombre je rejoins le fleuve, y plonge ma main ; son eau trouble ne me dit rien qui vaille, je reste sur ma soif, on avait festoyé de fèves avant de descendre dans ce trou... Le croulant patiente dans la crypte ; tourmenté, avec un pet de travers, tu arpentes la galerie ; je t'observe, aimerais mettre les pieds dans le plat de vos salamalecs, ça rime à quoi tes mystères, cette façon de me demander de faire comme si je n'étais pas là ; dans l'ennui les clapotis du fleuve résonnent, 666 petites vagues, faiblardes pas comme celles de la mer qui me manquent terriblement... La crypte est déserte ; dans la galerie on attend, (peut-être un moment propice pour une prédiction de derrière les fagots ?), justement le vieux, je l'ai bien à l'œil, maladroit il longe le fleuve, est-ce qu'il te cherche, va-t-il te monter un bateau ? Je retourne dans la crypte ; dans la galerie tu médites (tu te mets le doigt dans la pupille en espérant qu'une prédiction puisse abolir le hasard, car rien ne nous détourne de notre destin erratique et au royaume des aveugles, tu n'as plus rien d'un roi...). Crypte et galerie vides ; au bord du fleuve froid où cent quarante et un clapotis refluent, je réalise que je ne sais compter au-delà de 807, le vieil aveugle, toi et moi ne te quittant plus d'une spartiate ; sans vouloir jouer les Cassandre comme l'impression que votre entrevue va tourner en eau de boudin ; œil pour œil, tu vas payer le fait de me dissimuler ; trop de choses retenues, je lâche un vent retentissant, oui je pète, l'ancêtre prend un air dégouté et aboie : Traître, mais qui est avec toi ?



Musique originale composée par Xavier Brillat et Michel Gaspérin, tous droits réservés.

samedi 26 novembre 2011

ICD-10 G47.4

Aujourd'hui, j'avais pourtant 807 excellentes questions à poser à Robert A. Bourrik. D'où lui vient l'inspiration, ses influences, s'il était une plante, etc. Mais impossible de terminer l'interview.


vendredi 25 novembre 2011

Anniversaire

Toutes nos entreprises, vaines ou essentielles, croisent un jour celles que d'autres ont initiées dans le passé ou initieront dans l'avenir, petites ou grandes, c'est l'un des corollaires de l'effet papillon. Ainsi, la petite affaire qui a démarré au Riau le 29 octobre 2008 croise aujourd'hui l'aventure à laquelle Franck Garot, avec la complicité d'Éric Chevillard, a donné le coup d'envoi le 20 janvier 2009, et croisera demain ou après-demain celle qu'a mise en route Roger Federer le 30 septembre 1998 à Toulouse aux dépens de Guillaume Raoux. Et tandis que le roi du gazon songe secrètement au déclin et que le logicien fanatique de la Roche-sur-Yon s'incline une fois encore sur les brins d'herbe de son jardin, je dépose ce billet et m'envole, tourne le dos à ce petit monde, cueille quelques fleurs et m'éloigne de ce point de conspiration, inexorablement, heureux d'en avoir été.


Meuble le temps

Ce matin là ne venait en rien
Un lit et une chaise
Trois raisons de glisser
Je ne faisais que regarder
À décompter le temps
Deux ans deux mois et deux poussières
807 jours à m’entraver


jeudi 24 novembre 2011

Football

Je marche dans Paris. En moi, une douleur très ancienne que rien n'apaise. Ni la beauté de la ville ni la joie de mon corps qui s'élance.


Je reconnais les rues où tu m'as embrassée, celles où tu as pris ma main et où j'ai cru que tu m'aimais. Et je voudrais shooter dedans, les envoyer valdinguer, qu'elles disparaissent, et toi avec, à tout jamais hors de ma vue, si loin, au 807e ciel.

mercredi 23 novembre 2011

Les communautés de l'arbitraire

Éric Chevillard aura été l'un des premiers héros des pelouses à succomber à son charme, Roger Federer rejoindra la communauté peu après. Mais ne nous méprenons pas, d'autres avant eux y avaient succombé, d'autres après eux y succomberont. Autour du nombre sacré s'étaient en effet donné rendez-vous le corps et l'esprit, les poètes et les jongleurs, les pelouses et le bitume, le tout et le rien, les riches et les pauvres, Dubaï, Rome, Jérusalem et Toulouse, ce qui avait commencé depuis toujours et ce qui viendrait plus tard. C'est ainsi qu'est née, succombant à son charme, la première des communautés de l'arbitraire qui ont été appelées à fleurir dans les siècles à venir.


mardi 22 novembre 2011

aigrette

elle ne sait pas vladje. où elle va, elle ne sait pas. mais elle sait que quelque chose suit son cours. il y a la pluie, une sorte de. dedans. il y a la jonchée crissante, version ocre jaune, dehors. il y a la grande bête, son rose un peu bave vers la bouche, une sorte de. on dit la gueule, quelqu'un dit. il y a ces yeux derrière les barreaux. il y a les banques préempteureuses pour terrains à construire des immeubles et déraciner le grand orme. quelqu'un dit majestueux jusqu'à la canopée. il y a le bleu mésange qui se lance comme cailloux d'une branche l'autre du tilleul


la veille le verdict. ça fomentait depuis du temps. une couvaison maybe. c'était d'abord resté calme, dans un fond, aigrette de pissenlit ou d'asclépiade. sorte de. rien d'épais, de palpable, de visible. mais quelque chose était dans l'œuvre. après que 807 fois le temps eut fait tourner ses astres, ça apparut. on déclara qu'il fallait sortir les couteaux. on crut même voir voler ciseaux des filandières

lundi 21 novembre 2011

Premier congrès/Eglefin fumé

Les éléphants s’installent toujours au premier rang dans l’amphi Poincaré : Franck le polygraphe, Joachim le jeune chenapan, Camille la bombe atomique, Magali la bayardère de Carnaval, Catherine l’isotope, Hélène le cyclone, Joël le vivisectionniste, Kzerphii le brontosaure, Laurent le gibier de potence, Michel le naufrageur, Xavier le pyromane. Aucun ne manque les salutations traditionnelles, chaleureuses et zélées, sourires naturels et forcés, traduisant la coopération amicale et la compétition féroce entre faux frères du parti. Le temps des interventions est décompté très précisément par un Mamelouk paranoïaque et mégalomane.
Le premier tribun, le fameux capitaine Eglefin, penché par-dessus le pupitre avec sa casquette de marin bien fixée sur ses cheveux fous, entame son discours au porte-voix en postillonnant : « Bande d'emplâtres, bande de voleurs, bande d'ectoplasmes de tonnerre de Brest, esclavagistes, que le diable vous emporte !.. » Le ton est donné. Le discours ferme et coloré se poursuit au rythme immuable d’un mot toutes les secondes pendant treize minutes. L’homme reprend son souffle : « ...protozoaires, cloportes, pyrophores, faux jetons à la sauce tartare, sapajous, vers de terre, crétins des Alpes, vauriens, scolopendres, schizophrènes, marins d'eau douce, cornichons diplômés, marchands de guano, huitcentseptophilistes ! » vingt-huit secondes de paroles finales pour un whisky bien mérité.
Le Mamelouk lance son signal : une seconde et un mot de trop.


Un silence glacial s’installe dans la salle. Puis une rumeur enfle soudainement dans les rangs de l’assistance, les bandes de bachi-bouzouks, d’ectoplasmes, de canaques, de sauvages et de voleurs s’agitent frénétiquement, hurlent, montrent du poing et insultent l’hérétique. Le premier rang bondit et se scinde en deux. Les dignitaires se précipitent sur l’estrade par les escaliers latéraux, bouchant toute issue de secours. Attrapant, frappant, renversant et piétinant le malheureux orateur, ils lui arrachent la barbe, l'aspergent de son alcool, l’enflamment. Une torche humaine jaune et rouge illumine l’amphi, la salle entière regarde avec joie et rage cet hérétique de capitaine Eglefin fumer et ne laisser qu’un tas de cendres et une pipe cassée.
Les éléphants retournent s’asseoir, le calme est revenu dans l’amphi. Les orateurs suivants sont prévenus : le congrès sera difficile.

dimanche 20 novembre 2011

La secte

Deux ans déjà que je suis prisonnier de cette secte de graphomanes, encagé dans ce réduit aux murs tapissés de livres, 807 exactement, portant ce même numéro 807, quel que soit l’éditeur ou la collection. Tout juste si mes geôliers m’apportent une ration suffisante pour survivre, le plus souvent une bouillie infâme de pâtes alphabet gonflées dans un brouet clair. Pour boire, il faut que je supplie et je n’obtiens mon verre d’eau qu’à condition de réciter sans me tromper les livres qu’on me force à lire. Toutes ces lignes accumulées forment un monstrueux hypertexte où mon esprit se perd. À peine, me souviens-je des titres qui s’enchaînent hors de toute cohérence stylistique. Voyez cette liste folle (et il m’en reste encore 793 à ingurgiter avant ma libération !) : Le pari d’un chirurgien de Marion Lennox – Ed. Harlequin / La chute de Constantinople d’Edward Gibbon – Ed. Payot / Télé poche du 29 juillet 1981 / La fille des marais (anciennement titrée : Bayou, bayou) de Charles William – Ed. Rivage Noir / Huis clos, suivi des Mouches de Sartre – Ed. Folio / La machine de Balmer (SF) de Claude Veillot – Ed. J’ai lu / L’éternel mari, pièce de Victor Haïm d’après Dostoïevski – Ed. de l’Avant scène / Jean-Christophe (tome III – l’adolescent) de Romain Rolland – Ed. Livre de Poche (le surveillant n’a pas voulu m’apporter les neuf autres tomes qui ne portaient pas le bon numéro) / Ma vie chez les indiens de Mary Campbell – Ed. Livre de poche jeunesse / Les dieux de l’espace (SF) de Franck Dartal – Ed. Fleuve noir / Le numéro du 14 janvier 1960 des Lettres françaises où l’on parle d’Aragon et de Michel Butor / Le Voleur, journal pour tous du 20 décembre 1872 / L’Auto Journal du 15 juillet 2010 consacré à la Peugeot 508 (une erreur de casting, probablement) et enfin last but not least, Le volume 3 (sur 5) des Fondements de la critique de l’économie politique de Karl Marx aux éditions 10/18.


Mais, silence ! Il me reste 150 pages à apprendre par cœur et j’entends les pas du Taulier dans le couloir.

samedi 19 novembre 2011

Élans

Se caler jusqu’à sentir la corde de la balançoire incrustée sur le côté droit, la petite sœur en prend de la place, se soulever en reculant en arrière sur la pointe des orteils compressés dans les chaussures cirées, prendre une grande inspiration et de l'élan en sautillant pour bien se recaler les fesses sur le rectangle de bois, tendre les mollets pour que le mouvement gagne, l’autre sœur pousse fort à chaque retour, sentir le dos vibrer et le sol s’éloigner, tendre un maximum les jambes cagneuses pour fendre l'air avec plus d'élan.


Tout est dans l'élan, il se gagne à la tension du jarret dans une bascule précise suivie par une projection de tête en avant, gagner de la vitesse qui fait crier, pluie de sueur sur les yeux, c'est parti l’oscillation perpétuelle qui rapproche du sol autant qu’elle en libère, vertigineusement, emportant au moment déployé ou l'on se trouve piaillantes, allongées, les dos soutenus par l'air. La balançoire va-t-elle faire un tour complet, va-t-on se retrouver la tête en bas comme les cosmonautes en serrant les cordes, s’emmêleront-elles furieusement là-haut au plus haut des cieux. 807 va-et-vient pendulaires de plus en plus hésitants, et l’ennuyeuse verticalité immobile, qui revient.

jeudi 17 novembre 2011

Récolte

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle écrivait Prévert. Foutaises. Moi je les ramasse à la main, à pleines poignées, genoux dans la terre froide, plongeant mon visage dans la masse humide et craquante avant de le relever vers cet arbre que j'ai tant aimé. Je crois avoir versé autant de larmes qu'il a perdu de feuilles.


mercredi 16 novembre 2011

Temps long

Souvent, il a l'impression de la reconnaître : à un trois quart dos ineffable, une nuque nacrée, un trotte menu de bas à couture, une main baguée qui règle le rétroviseur d'une 807. Mais ce n'est jamais elle. Et ce n'est plus lui.


Il habite dans la rue, maintenant.

mardi 15 novembre 2011

Tristounette

Clairette, un peu pompette, rouspète, elle se répète dans sa tête huit cent sept défaites à l’odeur aigrelette. Qu’importe l’amertume, elle cherche l’écume. Elle préfère avancer et s’aventurer à l’aveuglette au cœur de la tempête. Suivons-la...


lundi 14 novembre 2011

Flaques

807 petits cailloux que j'avais laissés en main
adoucis en galets pour ne plus nous blesser
jeux d'enfants qui font les reflets d'eau
807 petits mots que j'avais lâchés au vent
arrondis en murmures pour ne plus nous quitter
bruits de rires qui font le doux du temps
807 bris de larmes que nous ne séchons plus
abrasés en hoquets pour ne plus nous entendre
brins de rien qui font les miroirs vides


dimanche 13 novembre 2011

totem

alors, vladje, qui avait tant plié le genou à brûlure d'encens au fond des orgues, plurielles délices et ors, considéra la situation le temps d'un vol de mésange. une cloche sonna du côté de la gare. où trouver de quoi continuer en souplesse. la douceur du sol et des herbes l'attirait. il y avait aussi quelques phrases. elle lança la décision dans les airs. sous des rayures avionesques au ciel, ce fut fait.


la veille, on avait vu un mercenaire tourner de longues bandes de coton autour de deux poteaux de bois. d'aucuns parlaient de performance. d'autres disaient non, ce n'est pas sa vie qu'il met en jeu. il s'appliquait à superposer les couches, enroulées alternativement de droite à gauche et de gauche à droite et montait méthodiquement jusqu'à tout recouvrir. bientôt ce furent comme totems, dressés blancs dans l'évidence. il ne s'était trouvé personne pour compter les bandes. mais quand quelqu'un proposa le nombre 807, il en fut un pour dire que les brûlures n'étaient pas si aiguës

samedi 12 novembre 2011

Hanoï 4

Refaire le parquet du séjour de la grand-mère : rien de plus simple, déposer le lourd canapé et le grand tapis afghan dans le bureau adjacent, mais là je suis vraiment à l’étroit, il faut tout remettre d’aplomb dans le bureau sur lequel traîne un vieux jeu de Tours de Hanoï avec seulement 4 disques restant, sinon c’est râpé pour mes allergies à la poussière. Et puis ce putain de minou vicieux, il n’a rien d’autre à faire que bouffer, dormir dans son énorme couffin sur le canapé et le défendre toutes griffes dehors dès qu’il me voit me rapprocher. Et 8,07 kg de chat, ça donne à réfléchir. Mais aujourd’hui, il ne va pas gagner à ce jeu-là, faut pas me chercher tous les jours. J’enfile ma tenue de combat, gros bleu de travail, chaussures et gants de protection.


J’agite quelques croquettes sous le nez du tigre, je pose l’écuelle dans la cuisine, et le morfale me suit. Je déplace vite fait le couffin dans le bureau, mais le rusé félin m’a entendu : il se précipite vers sa couche et se love dedans. J’en profite pour pousser le canapé dans la cuisine. Impossible de mettre le tapis dans le bureau à cause du chat maintenant. Je file un coup de pied dans le couffin : abasourdi, le sale chat déguerpit en miaulant dans le séjour. Je chope le couffin et le dépose fissa sur le canapé. Dès qu’il me voit revenir dans le séjour, le chat s’échappe dans la cuisine en couinant. J’attrape le lourd tapis et le positionne difficilement dans le bureau en poussant les autres meubles contre le mur. Je promène l’écuelle sous le nez de l’imbécile à quatre pattes et l’attire dans le bureau. Pendant qu’il se remplit de bouffe, je pose son couffin dans le séjour, et je saisis le canapé en beuglant sous l’effort. Terrorisé le crétin de chat se barre et se réfugie dans son couffin. Enfin tranquille je pousse péniblement le canapé sur le tapis. Je réapparais dans le séjour, le putain de chat s’enfuit vers sa gamelle. Du coup, je ramène tranquillement le couffin sur le canapé, et retourne dans la cuisine pendant que cet abruti de chat file entre mes jambes vers son refuge douillet. Quand j’aurai fini le parquet, j’enfermerai le chat dans la chambre pour tout remettre en place.

vendredi 11 novembre 2011

Friables frontières

En arrivant à Kiev, au Perlina Dnipra Hotel, Noémie a eu le temps de repenser aux derniers mois. Quatre heures d'avion, pour survoler l'affaire avec comme point de départ l'arrestation d'une petite frappe qui tabassait ses putes russes. Un réseau que son père et elle surveillaient autour de la porte Maillot. Filatures tranquilles, clichées habituels des tapineuses. Mais un matin, la grande péronnelle sarde est revenue avec un œil au beurre noir et un paquet déposé d'une main tremblante, avant qu'elle s'évanouisse dans la nature... Un paquet dont le contenu les avait horrifiés et qui se trouvait au fond de son Balenciaga et pesait aussi lourd en grammes que sur sa conscience. Début de la chute de son père et fin de son insouciance... Il contenait des centaines de photos d'enfants debout dans des pièces blanches. Chacun avait son double à terre, gisants blafards comme une matérialisation de leurs âmes. Derrière, un homme fixait l'objectif, son père a blêmi : Otmar von Verschuer. Il prononça son nom sans hésiter. Cet homme avait disparu dans les années 70 en Allemagne. Comment peut-il apparaître sur ces photos récentes alors qu'il a disparu depuis 43 ans. Noémie fixa la bouche de son père :
— à Berlin en 1938, ma mère, Leni, l'a rencontré, il lui a proposé d'être sa secrétaire. Elle aimait embellir la vie des gens, elle lui avait trouvé un air savant et remarqué que ses brodequins étaient mal cirés, avait accepté en jurant de ne pas le décevoir, d'être fidèle les yeux fermés — c'était dans l'air du temps, elle s'était attaché à cet homme de pouvoir. Elle quitta le 807 Nachtstrasse pour emménager chez lui et découvrit assez vite la façade de sa gentillesse, la friabilité de ses décisions ainsi que la constance de ses coups.
Une plus grande honte encore l'envahit quand elle tomba enceinte, avec en épilogue une double naissance.
Elle mourut quelques jours plus tard, les cloches annonçaient le grand chaos. En abandonnant, à Otmar, ses deux fils...


jeudi 10 novembre 2011

Sourde et mouette

À l’horizon, l’océan fermentait sous la quille des navires silhouettes, îles de métal posées sur les brisants. S’asseoir sur un rocher, ne plus bouger. Attendre. Profiter seulement de la douceur de ce mois d’octobre, de l’odeur du varech et des lubies du climat. Bâillonner le langage intérieur qui babille en permanence. Ne plus penser. Étouffer ce bruit de fond parasite qui pervertit toute spontanéité et renforce le sentiment de solitude. Atteindre un état végétatif, le temps de générer une nouvelle vie, sans mémoire. Sourde au grouillement de l’âme.


Alice concentra son regard sur la ligne de vagues qui frappait les roches. Elle se laissait bercer par le rythme de la marée en essayant de laisser filer sans les retenir les 807 pensées qui lui venaient, souvenirs ou questions obsédantes. Incapable d’endiguer ce flot intime, elle tentait au moins de ne pas s’y noyer, de se laisser porter, de n’être que sensation hors de toute conscience, comme les nuages indifférents qui filaient au loin. Elle fut un court instant la mouette frôlant la crête des vagues ébouriffées par le vent, portée par les courants ascendants, ombre violette sur le gris vert de la lande. Elle survola à haute altitude un chalutier qui revenait au port, ses hélices tissaient des dentelles blanches et vertes à son arrière. Vertige. Revenant brutalement à la réalité et prise de panique, elle battit des ailes si vite que son cœur explosa en plein vol.

mercredi 9 novembre 2011

Robert A. Bourrik

Robert Aka Bourrik les a parcourues ces routes, toutes. Et depuis longtemps. C'est pourquoi il ne bouge plus de cette épicerie dans laquelle il vit désormais. Il a, dit-il, « atteint un but, fortuitement ». Dans cette épicerie il ne vend rien, les étagères sont vides, le sol poussiéreux, les vitres pas nettoyées depuis plusieurs années. Derrière le comptoir sans caisse enregistreuse, assis dans un fauteuil à bascule, la botte calée sur une caisse retournée, il a chanté, en exclusivité pour les 807, un de ses vieux tubes.


mardi 8 novembre 2011

En grippe

Ce fut une longue fièvre qui dura des jours et des jours. Les murs de sa chambre, tendus de tissu ont nourri ses cauchemars de harpies griffues et ailées hurlant son nom. 807 fois il a appelé sa mère, qui n'est pas venue. Guéri, il a exigé qu'on arrache cette horreur et qu'on peigne les murs en blanc.



Raoul Dufy. Textile Design

lundi 7 novembre 2011

Projet littératuro-immatriculé (et chantonné)




Une bonne idée, oui, une très bonne idée de commencer par une photo, une photo qui serait le facteur déclencheur du projet, et les idées viendraient toutes seules.
« Il faisait nuit, mais avec l’éclairage, on pouvait voir jusqu’au flanc du coteau, en s'foutant pas mal du regard oblique des passants honnêtes. Dans la foulée, Marie-Jo s'en est allée inhaler les vapeurs d'essence. Encore heureux qu'il ait fait beau, et que la Marie-Joseph soit un bon bateau. »
Un cut-up créée uniquement à partir de paroles de chansons (c’est ce que voulait la photo). Et les prendre un peu au hasard, en les suivant, en accrochant la suivante à ce que la précédente racontait.
Ça pouvait emmener n’importe où cette histoire. Un projet assez insistant et foutraque pour savoir se tenir debout et claudiquer en même temps dans toutes les directions. Enfin, c’était compliqué à expliquer, mais ça faisait sens, bizarrement.
Combien de chansons utiliser ?
Bien sûr, 807. Un but difficile à atteindre, mais d’une logique !

dimanche 6 novembre 2011

Bonne année

La vieille tourne autour du pâté de maisons, marchant sans but sur ses jambes enflées, poussant un vieux Caddie dans lequel elle entasse chaque jour un peu plus d'objets disparates. Kilomètre après kilomètre, elle enchaîne les tours, un coup par la droite, un coup par la gauche, horaires indécis, on peut même la voir circuler la nuit. D'ailleurs, à chaque nouvel an, à partir de minuit, elle marque une pause devant chacune des quatre-vingt maisons du lotissement des Bois jolis et extirpe un objet de son Caddie pour le déposer devant les portes closes. Parfois une vieille poupée désarticulée, parfois une carcasse de poulet, parfois un crâne humain, parfois une boîte à musique, un diamant ou une pépite d'or. Elle marque ensuite chaque porte d'un sept à la craie noire. Elle repart pour une nouvelle année, légère, le Caddie vide. Ils en tous peur mais sortent malgré tout découvrir le cadeau magique ou empoisonné qu'elle leur a laissé.


Elle les tient en son pouvoir, la sorcière édentée qui leur fera la peau à la première occasion.

samedi 5 novembre 2011

corpus

une contracture dans la cheville tentait d'aspirer des mécanismes de conscience, de jugement, de perception. un centaure attendait au fond de la cage et dans le paysage. le pic-épeiche tapait son soûl dans le tunnel. des frémissements annonciateurs coulaient dans des couloirs terre de sienne brûlée. vladje cherchait quiétude et moyen de se soustraire. était-elle sous définitive influence dans un glissement aux bords des mondes. pensée, sensibilité, parfums, fleurs, oiseaux allaient-ils se pixeliser en éclats bientôt hors de sa portée


la veille on avait distribué, pour recyclage, les volumes de l'encyclopedia universalis. quelqu'une avait reçu le corpus 18 : phéniciens – proclus. elle ouvrit à l'aléatoire les pages du volume. (elle entamait travail de dessin-collage-peinture à contraintes. ce travail devait être exposé en triptyque, dimension : 21 x 29,7, sur cinq kakemonos de 2m10 x 50, et devait utiliser comme support, ou dans l'espace d'un autre à sa fantaisie, les pages de la dite encyclo). ce fut la p. 848, article poussin. puis, elle fit un écart à l'aléatoire et choisit la p. 48, en clin de pierre ménard. puis, elle reprit à la fortune. ce fut p. 174, article andy wahrol, p. 171, article muybridge, p. 257, article physique, p. 323, article piero della francesca, p. 651, article polymère, p. 289, planche philatélie, p. 289, article phytosociologie, p. 493, article plotin, p. 570, article pollock, p. 670, article polyphonie, p. 784, article portugal, p. 814, article potamologie, p. 672, planche IV, porcelaine, p. 752, article portrait, p. 960, planche poterie, p. 480, article pliocène, p. 664, article polynésie française, p. 859, article la leçon philosophique, p. 370, article pincevent, p. 371, article pindare, p. 466, article platon, p.336, article maladie des pierres, p. 479, article pliocène. on se demanda pourquoi elle s'arrêta après que 25 fois l'univers s'encyclopedia. pas une seule fois ne s'ouvrit la page 807. soudain, une inconnue s'approcha, déplaça la cheville d'une page, et le monde revint dans ses marques

vendredi 4 novembre 2011

VDM

J'avais absolument besoin d'un balai brosse, de sacs poubelles et de serpillières. Le seul (bip) du coin ouvert entre midi et deux fera l'affaire. Tu parles, ce jour-là, ce (bip) fêtait son ouverture. Animations à tous les rayons, rayons surpeuplés, le souk, le bruit, les ballons, les cotillons, le traquenard. Je n'ai pas vu l'animateur foncer droit sur moi et me flanquer son appendice/micro sous le nez.
– Ah, madame, je sens que vous le savez et que vous allez repartir avec ce porte-clés gracieusement offert par (bip) ! Combien y a-t-il de petits pois dans une petite boîte de petits pois ?
Désarçonnée, n'ayant pas le temps de compter les comédons de ce nez brandi à hauteur du mien, j'ai hoqueté au pif.
– 807.
– Plus, madame, bien plus !
Et le bonhomme au grand blair intrusif de se tourner vers d'autres balai brosse/sacs poubelle/serpillières plus perspicaces et consommateurs obsessionnels du petit pois.
Dépitée de ne pas avoir gagné un porte-clés (bip), j'ai raflé des bonbons gélifiés dont je me suis empiffrée en poireautant aux caisses (ceux dont les noirs sont les meilleurs et se battent en duel dans le sachet). Pour me consoler de ce (bip) de (bip) de porte-clé de (bip) passé sous le nez, j'ai visualisé un chapelet de 807 bonbons gélifiés noirs.


J'ai eu un haut le cœur et je suis rentrée faire le ménage.

jeudi 3 novembre 2011

Chats en Ré

Nous avons tant marché. Les enfants s'agglutinaient aux grilles. Seuls les chats, indécis, semblaient n'y prendre garde. Une à une, les 807 ruelles qui penchaient vers la mer, nous saluaient avec leurs fleurs. Je ne savais pas encore s'il fallait en rire ou pleurer. Et j'avais mal à la cheville.


mercredi 2 novembre 2011

Dure réalité

Comme une actrice, elle ne vivait que pour plaire, arrivait toujours sur scène avec des retards de diva. Or, ce matin-là, elle souffrit pour la première fois des atteintes de l’âge. Son miroir lui renvoya une image cruelle mais juste : celle d’une pétasse bouffie de cocaïne qui valait plusieurs milliards de dollars. Les questions s’abattaient sur elle comme 807 gifles.


Le soir même, elle se présenta sur les planches à l’heure et à la façon d’une coupable qui se constitue prisonnière.

mardi 1 novembre 2011

C'était les 807

C'était chaque jour vérifier la messagerie du blog, puis une seconde, voire celle de Facebook, car les contributions venaient de toutes parts. C'était lire, relire, accepter, refuser, corriger, traduire, parfois récrire. C'était répondre à tous, toujours. C'était aussi échanger, donner et recevoir, parler style, règles. C'était découvrir de nouvelles voix, de nouveaux horizons, de nouveaux projets. C'était faire des erreurs, sûrement. Mais c'était aussi rencontrer certaines de ces voix dans le réel, pour un déjeuner, un événement. C'était se dire qu'on ne respirait plus, qu'il fallait arrêter, et on arrêtait, et on recommençait, différemment, certes, mais on recommençait tout de même, et on arrêtait de nouveau, pour mieux recommencer. C'était se demander pourquoi cette addiction, pourquoi perdre un temps précieux parce que rare, se dire néanmoins qu'on continuait d'apprendre. C'était annoncer le programme, les changements, les suspensions faute de propositions, faute de temps. C'était voir les jours passer et le stock diminuer, jusqu'à écrire à la dernière minute pour que le flux continue. C'était retravailler des images pour qu'elles rentrent en 520 de large, trouver un lecteur pour écouter le son. C'était composer de la musique, l'enregistrer. C'était prendre des photos qu'on utiliserait et qu'on n'utilisera jamais. C'était se connecter à l'interface du blog, de la maison, de New York, Londres, Bangkok, Chişinău... C'était corriger après publication des fautes de participe passé qu'on avait oublié voire oubliées, ou régler un problème de programmation, l'objet publié trop tôt ou trop tard. C'était tenter de nouvelles choses, sur le fond, sur la forme, tenter des pastiches comme celui-ci, maquiller des fêlures et les donner à lire, ou au contraire inventer une histoire. C'était publier un livre, puis en préparer un deuxième. C'était envisager une lecture publique. C'était accepter tout le monde, du moment qu'il ait quelque chose à dire, sans aucune discrimination quelle qu'elle soit. C'était rester seul maître à bord, taulier malgré soi, assumer ses choix, ses erreurs. C'était certains jours haïr ce nombre, violemment, le considérer comme un triple six. C'était s'étonner que ça tienne toujours, que ça intéresse encore, ne pas comprendre ce que ça signifie, et se demander jusqu'où ça irait dans l'hypothèse improbable que ce chemin mène quelque part. C'était enfin ne pas savoir comment remercier chacun, participant ou lecteur.


C'était mon 100e.

lundi 31 octobre 2011

La montre

Cette saloperie de Heavy Metal gueulait ses insanités par les fenêtres ouvertes. Ce genre de musique, ça me prend la tête. J’avais mon Glock dans la poche de mon blouson. La porte d'entrée était grande ouverte. Je suis entré. Zenacker était allongé sur un canapé, une bière à la main, les pieds nus sur un tabouret. Il n'a pas réagi quand je l'ai braqué, il s'est juste marré. Complétement pété. Ce mec était tellement stone qu’il restait là, à rigoler doucement. Il se foutait de moi. J'ai flingué son ampli. Ça l’a calmé. C’est là qu’une porte s'est ouverte dans un coin de son taudis et qu’un autre mec s’est pointé dans l'encadrement. Énorme, gonflé de partout, le bide débordant du jean, l’œil vitreux. Il a dit à Zénacker : C’est quoi ce nain de jardin, tu ouvres une garderie ? Et il s’est accoudé au buffet, tranquille, sa cannette à la main, shooté lui aussi ! Comme si je n’existais pas, comme si j’étais une hallucination. Ils auraient dû me faire pitié, mais j’ai vu le poignet du gros quand il s’est accoudé. Un cadran bleu, la montre de Zoubir. On en avait chouravée une cargaison dans un camion. 807, pour être exact ! La preuve que c’était ces zombis qui avaient liquidé Zoubir. Putain, piquer la montre d’un cadavre ! J’ai plié le gros en deux d’un coup de pied. Quand Zénacker a bondi sur moi, j’ai tiré, d’instinct. Mon bras a cogné le mur à cause du recul et un deuxième coup est parti tout seul. C’est le gros qui a morflé. Quelque chose a giclé, un œil, un bout de joue, un truc comme ça. Rouge. À gerber ! Zénacker était sur moi, j’ai encore pressé sur la détente.


À bout portant.

dimanche 30 octobre 2011

samedi 29 octobre 2011

Moules... frite

Il faut être un peu fou pour les compter, les coquilles de moules de Marcel Broodthaers... 807 au moins.
Pour ce qui est de la frite, il l'avait.


vendredi 28 octobre 2011

Échauffement

Se réveiller clair et déterminé au camp de base à 4 h juste à temps pour voir disparaître les dernières étoiles. Visualiser une dernière fois la voie face nord de Woodall Mountain, le plus haut sommet de l’état du Mississippi. Être fin prêt pour lui lancer l’ultime défi. Enfiler le baudrier et mettre le casque. Vérifier le sac à dos : une corde de soixante mètres, une paire de crampons, huit coinceurs, deux bloqueurs, un huit, douze mousquetons, cinq cordelettes, trois sangles, l’eau et la nourriture... Un café, trois tartines. Se mettre en route rapidement, en laissant la tente et le matériel de bivouac pour le retour. Transpirer dans la pente raide malgré le froid glaçant de l’aube.


S’acharner seul dans la neige pendant quatre heures. Mettre enfin le pied sur la pierre du sommet, à 807 pieds d’altitude. Débarrasser la table de pique-nique des emballages de fast-food. S’installer pour déjeuner. Rien à voir au milieu de la forêt. Écouter bourdonner les antennes relais de téléphone. Rentrer tranquillement par la route caillouteuse.

jeudi 27 octobre 2011

L'amer

Dans ce boyau puant, moi, le bon à rien, le va-nu-pieds, je réalise comme rester à la surface d'une chose limite la perception de sa vraie nature. Quand je marchais sur le plancher des vaches, je n'imaginais pas les roches et les immenses cavités qui le soutiennent. Quand je flottais sur la mer, je ne sentais pas l'amplitude de ses masses d’eau. Et maintenant, dans ce trou du cul du bout du monde, sur quoi déboucher ? Deux tunnels, lequel choisir, par où passer ? Ma peur est un vautour perché qui n'a pas encore déployé ses ailes. Dans celle de gauche, je reconnais l'empreinte de tes sandales. À cette profondeur, chaque fibre de mon corps me crie de faire demi-tour. Non, poursuivre malgré les remugles fétides et soufrés, finir par te rejoindre dans une caverne aux dimensions surhumaines où se jette une rivière huileuse. Une femme aux longs cheveux gris se matérialise juste devant toi, elle ouvre ses bras et t'attrape. Tu t'agrippes à elle, cent-vingt-sept premières larmes jaillissent de tes yeux. Je me sens coincé. Elle dit des mots de miel et quatorze sanglots de plus en plus violents secouent ta carcasse. Je ne suis que le spectateur inutile des 666 autres larmes qui dégoulinent sur ton visage. Depuis la nuit des temps, les vivants n'ont jamais eu accès aux ténèbres du centre de la terre. Il ne fallait pas que ça change. Par hasard je m'y trouve, tremblant des pieds à la tête, ici y a rien qui vaille. Il fait une chaleur de placenta, tu restes effondré sur l’épaule de la vieille, tes 807 pleurs sont de trop... Envie de m’enfouir. Mais ce lieu n'en a rien à foutre de moi. Urgent de fuir. Si ma vie est purge, l'éventualité de m'éterniser ici n'en est pas moins laxative.



Musique Michel Gastérin tous droits réservés

mercredi 26 octobre 2011

No, Johny, no !

« Johny Shine ?... chambre 807... »


J’avais cru m’être trompé au départ. Mais non... C’était bien l’adresse que m’avait donné le rédac chef... Difficile de rêver cadre plus miteux... Une de ces imitations de motel américain, coincée entre autoroute et zone commerciale... Un secret pour personne que le fennec d’Austin était dans une mauvaise passe. Picolait beaucoup trop à ce qu’on disait... Incapable de monter sur scène certains soirs... Et quand il parvenait à quitter sa loge, massacrait deux ou trois morceaux puis se lançait dans des impros interminables... Un véritable autoportrait, son dernier album !... De drown in my own booze à getting sober, gettin mad, pas un morceau qui ne fasse plus ou moins écho à ses dérives alcoolisées... Mais de là à imaginer telle dégringolade !... Aussitôt franchie la porte de sa chambre, j’avais capté ce qui m’attendait... Affalé dans un fauteuil, le vieux Johny... Quittant le goulot le temps de s’en rouler un petit... À peine s’il est parvenu à articuler trois phrases pendant l’interview... Son manager qui s’est chargé de répondre à sa place... Une vraie pitié !... Me quitte plus depuis sa silhouette ratatinée... ses longs bras maigres... joues creuses... ses yeux barrés... sourire rictus... Sale plan !... Gamin on m’aurait dit qu’un jour je viendrais frapper à la porte de sa piaule... Que je me retrouverais comme ça face à lui... Mais j’étais venu rencontrer une icône... et avais serré la main d’un fantôme...

mardi 25 octobre 2011

chevillette

pour désengorger la circulation pendant les travaux vladje pensa installer en fiction un flic vers l'aine / faire passer le flux par latéral droit côté marché sous le creux poplité des tilleuls / faire ressortir niveau presbytère / ainsi tirée la chevillette, la bobinette cherrait / ça marcherait / le flux passe oui mais il y a des arrêts, des empêchements, des intrusions, des gros calibres / il faut rappeler des flics vers l'aine / à nouveau tenter le passage du creux poplité sous les tilleuls – tiens déjà l'automne – et essayer le passage par latéral gauche / faire ressortir niveau rocade / ainsi tâtée la bobinette, la chevillette sourirait / le flux passe oui mais il y a des verrous, des sténoses, des boutonnières, des diverticules, des coinçures, des enfonçures, des boursouflements, des empêchures


la veille, quand terre fut fouillée et que jardin eut perdu dessus et dessous, ce fut l'heure des ossements / on trouva à l'emplacement du noyer, juste déraciné, tibias fémurs cage thoracique et crâne de ce qui fut sans doute un grand chien, disposé dans la posture que lui avait donnée ceux qui l'avait confié à l'ombre du grand arbre / le long du muret de pierre, entre souvenir d'hortensias et souvenir de roses trémières, ce furent plus petits os mais eux aussi assemblés dans leur posture de déposition / il y avait sûrement plusieurs bêtes / on paria pour des chats domestiques / autour du cerisier montmorency dessouché os plus petits encore : dépouilles d'oiseaux – comment reconnaître dans ces cris d'os, qui du rouge-gorge ou du pinson, qui du pic épeiche ou de la grive musicienne – petits os d'omoplate, petits tibias, semblait-il, petits crânes allongés ; certains parlaient de petits rongeurs, de musaraignes, de souris / quelqu'un rectifia en disant que musaraignes n'étaient pas rongeurs mais insectivores et précisa les noms, et ce fut litanie : grande musaraigne larina brevicauda, grande musaraigne du désert megasorex gigas, grande musaraigne à queue courte, musaraigne alpine sorex alpinus, musaraigne aquatique neomys fodiens, musaraigne arctique sorex arcticus, musaraigne bicolore crocidura leucodon, musaraigne carrelet sorex araneus, musaraigne cendrée sorex cinereus, musaraigne ciliée, musaraigne aquatique, musaraigne commune, musaraigne couronnée sorex coronatus, musaraigne de beaufort famille de musaraigne cendrée, musaraigne de bendire famille musaraigne des marais, musaraigne de béringie famille musaraigne cendrée, musaraigne de cowan microgale cowani, musaraigne de dobson microgale dobsoni, musaraigne de flower crocidura floweri, musaraigne de gaspé sorex gaspensis, musaraigne de gaspésie, musaraigne de hoysorex hoyi, musaraigne de merriam sorex merriami, musaraigne de miller neomys anomalus, musaraigne de millet famille musaraigne couronnée, musaraigne de preblesorex preblei, musaraigne de sikkim soriculus nigrescens, musaraigne de talazac microgale talazaci, musaraigne de tanzanie crocidura usambarae, musaraigne de thomas microgale thomasi, musaraigne de toundra sorex tundrensis, musaraigne de trowbridge sorex trowbridgii, musaraigne de witaker crocidura whitakeri, musaraigne des alpes famille musaraigne alpine, musaraigne des apennins sorex samniticus, musaraigne des appalaches sorex dispar, musaraigne des champs famille musaraigne bicolore, musaraigne des jardins crocidura suaveolens, musaraigne des maisons suncus murinus, musaraigne des marais sorex bendirii, musaraigne des montagnes famille musaraigne alpine, musaraigne des steppes sorex haydeni, musaraigne des tarfaya crocidura tarfayensis, musaraigne du désert notiosorex crawfordi, musaraigne du valais sorex antinorii, musaraigne d’eau neomys fodiens, musaraigne d’éthiopie, musaraigne errante sorex vagrans, musaraigne fuligineuse sorex fumeus, musaraigne géante crocidura goliath, musaraigne ibérique sorex granarius, musaraigne italienne famille musaraigne des apennins, musaraigne kulandar crocidura lusitania, musaraigne lapone famille musaraigne masquée, musaraigne leucode famille musaraigne bicolore, musaraigne longicaude famille musaraigne des appalaches, musaraigne masquée sorex caecutiens, musaraigne minuscule famille musaraigne naine, musaraigne musette crocidura russula, musaraigne musquée desmana moschata, musaraigne naine sorex minutissimus, musaraigne nordique famille musaraigne arctique, musaraigne palustre sorex palustris, musaraigne porte-rame famille musaraigne aquatique, musaraigne pygmée, musaraigne pygmée de thompson microsorex thompsoni, musaraigne sombre sorex monticolus, musaraigne vulgaire famille musaraigne carrelet, musaraigne à dents blanches crocidurinae, musaraigne à longue queue famille musaraigne des appalaches, musaraigne à visage pâle microgale fotsifotsy, musaraigne étrusque suncus etruscus, musaraigne-taupe uropsilus soricipes, petite musaraigne cryptotis, petite musaraigne à queue courte famille petite musaraigne / il y eut quelqu'un d'autre, assis vers les fantômes des tilleuls, pour se demander s'il n'y aurait pas bonheur à ce que le flux des noms de musaraignes s'arrêtât avant 807

lundi 24 octobre 2011

Pastèque étoilée

Quel bonheur de pouvoir pisser dehors, le nez aux étoiles. Cette nuit elles sont toutes là et d’autres sont invisibles, au-delà du regard. Parmi les milliards qui poinçonnent la voûte, je ne sais pas en nommer plus de 807. Quelle folie ! diront certains, d’en connaître tant ou si peu. C’est que détenir une parcelle du Verbe nous permet de croire qu’en distinguant les choses, nous avons pouvoir sur le réel, cosmos y compris et que, depuis la nuit des temps, notre cohorte progresse. Chacun, faible ou puissant, oublie que sa course immobile, le ramène invariablement à la nuit dont il vient, plus démuni que la pastèque qui a mûri sous les étoiles et a retenu leur image sur sa peau.


samedi 22 octobre 2011

Linguicide

Des langues nicobar qui sait la trajectoire ?
Qui connaît le môn-khmer, qui sait que le chaura,
Le car, nicobari, shompen ou teressa
En sont de vrais cousins, qui sait la triste histoire
Du trinkut, du katchal, ou de la camorta ?
Akkadien, sumérien, hittite, hourrite, live,
Mannois, kikai, eyak, suève et brabançon
Qu’aucune d’elles plus ne vive
Qu’à jamais nous ne connaissions
Ni la douceur de leur caresse,
Ni comment s’y nommait la fesse
Qu’importe direz-vous le son
Des langues mortes, nous vivons.
Combien d’assassinats, combien de linguicides ?
Entre langues combien de guerres fratricides ?
Auvergnat, occitan, bourguignon, champenois
Basque languedocien, ligurien, franc-comtois,
Breton, corse, lorrain, picard, wallon, normand,
Flamand occidental, limousin, arpitan,
Francique mosellan et francique rhénan,
Poitevin, provençal, romani, saintongeais,
Bruxellois, limbourgeois, tous autant en danger.
Et tous se désagrègent,
Avec ou sans Hagège
Qui n’en savait que cent.
Où sont les sept cents autres ?
Qui parle araméen, la langue des apôtres ?
Et ces six que j’ajoute, extirpés du néant,
Comme on pêche en la nasse une poignée de vives :
Khotanais, hyrcanien, bactrien chorasmian ?
Qu’aucune d’elles plus ne vive
Qu’à jamais nous ne connaissions
Ni la douceur de leur caresse,
Ni comment s’y nommait la fesse
Qu’importe direz-vous le son
Des langues mortes,
Nous vivons.


Quand on verra de ce poème
La huit cent septième édition
Quel mandarin, lettré, linguiste
Saura, penché sur son registre,
En lire sans accent mondiste
L'originale version ?
De cette langue exotique et bizarre
Retrouvée en quelque bazar,
Poubelle d'univers, résidu de l'abîme,
Saura-t-il ouïr la douceur ?
Entendra-t-il frémir son cœur ?
Qu'importe, dira-t-il, le son
De ce français et de ses rimes
De ses allitérations
Qu'importe, dira-t-il, son sort,
Je suis vivant et il est mort.

vendredi 21 octobre 2011

Poème bancal

Je voudrais écrire un poème
Que le taulier accepterait.
Ce poème ne parlerait
Hélas pas du nombre qu'il aime.
Il faudrait trouver une idée,
Un peu comme les vers bancals
De Sylvie qui jamais ne cale
Quand son vers il lui faut vider.


Une strophe de huit vers
Comptons sept pour la troisième
Quant au mètre, c'est idem
Tout est monté de travers !
Cher lecteur trinque avec nous
Si tu tiens toujours debout,
Pour ce blog : lève ton verre !

jeudi 20 octobre 2011

Silence d’or

(c) Estelle Ogier


Chaque matin, Odilette se disait qu’il s’agissait de son dernier bain dans la mer dorée au sable fin. Elle revenait toujours de son excursion natatoire après de longues heures — épuisée mais ravie. Elle rentrait chez elle, ruisselante, vacillante, aimante... Odilon guettait le retour d’Odilette car il était inquiet du risque de noyade... Il l’accueillait en serrant son jeune corps pulpeux et salé contre son vieux corps attendri... Le jour de l’enterrement d’Odilon, Odilette se noya à 807 mètres au large en mer... À quoi bon rentrer puisque plus personne ne l’attendait à terre les bras grand ouverts.

mercredi 19 octobre 2011

Modestie

À peine étais-je entré qu’on me souffla dans le conduit, vous allez bien ? Je fis oui ! parce que je ne pouvais pas dire non ! C’est formidable, pour vous ! C’est formidable ! s’exalta le nabu qui venait de m’alpaguer ; en cherchant à portée de voix un autre interlocuteur que moi, qui pût prendre vraiment la mesure du bol que j’avais, parce qu’apparemment je n’étais pas le mieux placé pour ça, à ses yeux.


Ils disaient tous oh moi ! dans cette soirée, quand on leur demandait et vous ? En un éclair je compris que j’avais affaire à des modestes ; ce qui n’était pas plus mal et je dois dire que ça m’arrangeait même bougrement. Je n’étais pas homme à comprendre les philosophies ni à m’encombrer de 807 futilités de conscience.

mardi 18 octobre 2011

Dernière frontière

Il ne s’agissait pas de l’ombre qui rendait la frontière incertaine, non plus de ce flou cristallin qui la dissimulait par endroits, ni du regret de Noémie qui brûlait un papier, non il s’agissait en cette fin de journée de supporter cette petite musique agaçante qui s’était introduite, écartelant ses souvenirs, raclant l’intérieur avec une précision dérangeante. Pourtant plusieurs fois déjà elle avait préparé son départ, sa traversée du no man’s land, ses papiers pour passer de l’autre côté, et elle avait tout annulé à la dernière seconde. Mais ce matin comme guidée par ce refrain lancinant, elle se leva, ouvrit son unique placard, y jeta toute ses affaires dans une valise, vérifia dans le lavabo que le papier n’était plus que cendre, claqua la porte, longea la rue et entra dans une bouche, à peine entrouverte, encore pâteuse du métro. La direction Mairie d’Issy lui sembla tout indiqué pour aller dans ces steppes tant évoquées il y a longtemps, sans qu’elle n’ait jamais réussi a démêler le faux du vrai. La seule chose dont elle était certaine c’est qu’à Issy habitait celui qui lui donnerait une réponse, tout du moins un début de réponse. Même s’il se morfondait dans une retraite anticipée, suite aux débordements de l’affaire qui avait fini en fiasco, deux morts non élucidées quand même, il pourrait lui expliquer l’origine des maux qui la hantaient. La dernière lettre qu’elle avait reçue, celle qu’elle s’était empressé de brûler, ne contenait qu’une phrase : souviens-toi de Чернобыль n'était qu'un préambule, qu'une action l'éclipsera, un Armageddon plus redoutable que le séisme de 関東 et ses plus que 807 morts. Comme à son habitude, le liquidateur avait tracé une ligne directe entre elle et les événements.


Quant elle sonna à la porte du pavillon, elle ne fut pas étonnée de voir son père lui ouvrir la porte, déjà habillé, rasé, de si bonne heure. C'était pareil quant ils faisaient équipe ensemble, au 36. Lui paré au lever du soleil, elle pas maquillée, fraîche comme si elle sortait d'une cuite la veille. Cela dit, c'était ensemble qu'ils étaient arrivés à Чернобыль, et avaient découverts les deux jumelles. Deux sœurs enlacées dans la même fosse. Mortes depuis peu. Mais le regard de son père s'était assombri depuis leur retour. C'est parce qu'il ne s'en était par remis qu'elle devait retourner là où tout avait basculé, résoudre ce qu'il n'avait qu'entrevu.

lundi 17 octobre 2011

Démission

Un rai de lumière filtre à travers les rideaux mal fermés et la frappe directement au cœur de l'œil droit, l'extirpant brutalement du rêve où des hérons cendrés glissaient dans un ciel azuréen. Elle s'étire, soupire, pose un pied par terre et écrase sa montre qui marque 08h07. Ça lui apprendra à ne plus rien ranger. Elle titube jusqu'au fauteuil dans lequel elle se cogne avant de percuter l'aspirateur qui traîne au milieu de la pièce. Pas eu le courage de le passer la veille, pas plus qu'elle n'a ouvert les fenêtres, fait les poussières ou épluché les patates pour le gratin dauphinois qu'elle avait promis à ses gosses. Elle croise son reflet dans le miroir de l'armoire, se fait peur, referme les rideaux hermétiquement pour que le soleil lui fiche la paix et retourne se coucher.


Avec un peu de chance peut-être qu'elle réussira à rattraper son rêve.

dimanche 16 octobre 2011

Remplacement

Celui qui croit que Steve Jobs a changé le monde, celle qui croit que le PS va faire peur aux banquiers, ceux qui croient que je vais en écrire 807 comme ça.


samedi 15 octobre 2011

Differenciateur #3

Créer LA différence était devenu pour Georges M. la profession de foi de son activité de commercial. Pas la différence grossière et facile, incluse dans les performances des objets qu'il vendait, et qui se révélaient invariablement supérieurs à ceux de la concurrence. La différence technologique, créée par les ingénieurs et designers, très peu pour lui ! Il voulait LA différence, celle qui, dans l'esprit de l’acquéreur, le faisait l’élire LUI, en premier, devant ses collègues, quelles que soient les qualités du produit. L’acheteur devait se féliciter d’avoir obtenu auprès de Georges M. le produit miracle, et il devait absolument, pour son salut, revenir vers lui pour obtenir un nouveau bienfait. Georges M. était un commercial de l’âme, qui pensait qu'un acheteur dévot est un bon acheteur, et il ne reculait devant aucun stratagème honnête ou infernal pour l’endoctriner. Sa jovialité, son bagout, son amitié convertissaient immédiatement presque tous ses prospects. Les récalcitrants adhéraient en général grâce aux offrandes et autres pots-de-vin, et les supplices et châtiments venaient à bout des plus difficiles. Alors qu’aucun collègue de Georges M. ne pouvait tenter la moindre tartuferie sans se faire remarquer, insulter et excommunier, Georges M. pratiquait son sacerdoce avec autant de délicatesse et de subtilité que de désir d'aboutir. Il raflait toutes les primes de son entreprise, mais ce qui lui plaisait le plus, ce qui ravissait son âme, c'était l'immense dévotion que lui vouaient ses clients, la foi aveugle que lui portaient enfin ses ouailles. Lorsque leur dépendance à sa personne était totale, que leur adoration était sans faille, il savait alors qu’il avait créé LA différence. Invisible car tressée dans les esprits de pensées et de mots, sa puissante ascendance était ignorée de tous.


Un matin d’hiver, George M. annonça sa retraite par email à ses acheteurs. Déboussolés par cet abandon, ses disciples le supplièrent de les accompagner et les guider encore et toujours. Mais insensible à leurs prières, Georges M. partit jouir de sa richesse à l'autre bout du monde dans son paradis fiscal. Ce qui déclencha une vague de 807 suicides d’acheteurs.

vendredi 14 octobre 2011

onco

oncologie, une spécialité ostréicole de son arrière grand-mère, bretonne, grande ramasseuse de varech à l'estran des grandes plages du nord de france. peut-être que vladje s'en souvient un peu quand elle déguste savoureux pétoncles et juteux oncorneaux


la veille, à côté du terrain planté d'ifs, était tombée une pluie d'oiseaux morts. bécasses, passereaux, cigognes, courlis, martin-pêcheurs, perruches, accenteurs mouchets, loriots, tourterelles, bouvreuils, pinsons, cormorans, mésanges et rouges-gorges. dans la joncheraie de plumes, une femme s'étonna qu'il y eut 807 ornithorynques

jeudi 13 octobre 2011

Différenciateur #2

L’ennui ne pouvait jamais atteindre cet expert de la séduction. Il se faisait un point d'honneur à choisir ses femmes toujours différentes : grandes, moyennes, petites, cheveux courts, moyens ou longs, cheveux lisses, en chignon ou en tresses, africaines, asiatiques ou scandinaves, intellectuelles ou cocottes, maigres, pulpeuses ou rondes, les yeux bleus, verts, marrons... Pour la conquête, sa science de la surprise systématique de l'adversaire, dans les lieux et les moments lui aurait permis d’écrire le traité ultime de séduction. Dans les gestes de l'amour, il connaissait si finement le Kâmasûtra qu’il offrait à chaque femme ravie une combinaison toujours nouvelle et adaptée de plaisirs.


Sa seule erreur, embarrassante, lors de sa 807e conquête, fut de séduire un travesti dont il ne perçut la différence que trop tard.

mercredi 12 octobre 2011

Bip

oui, mon amour je respire, écoute l'électrocardiogramme, bip, bip, compte-les avec moi, 1, 2, j'ai ce goût de métal dans la bouche mais ça ira, écoute te dis-je, bip, bip, oui bien sûr tu ne m'entends pas, je ne bouge que les yeux, bip, bip, compte-les pourtant, tu dois être à 20 déjà, non ?, je te vois tu sais, bip, bip, ne t'inquiète pas, je vais m'en sortir, ne pleure pas, bip, bip, 32 peut-être, ce n'est pas ta faute, c'est la mienne, bip, il ne faut pas téléphoner en conduisant, bip, bip, bip, mais le texto était de toi, il fallait que je le lise, même à 180 sur l'autoroute qui me ramenait vers toi, 45, bip, je t'avais déjà pardonné, bien sûr que je t'aime, bip, le téléphone a vibré et ta photo est apparue, bip, bip, bip, 62, je savais bien que c'était dangereux, je savais bien que je risquais l'accident, bip, bip, mais il fallait que je lise ton message, tu comprends ?, bip, alors j'ai ralenti, j'ai laissé la file de gauche aux plus pressés, bip, 87, je suis descendu à 140, bip, bip, et j'ai pris le téléphone, j'ai ouvert ton texto et j'ai vu ton « reviens », bip, j'ai eu raison de rouler moins vite, c'est pas ton message la cause de l'accident, vois-tu, bip, bip, donc c'est pas de ta faute, mon amour, bip, 104, non, c'est pas ton message, c'est la joie ensuite, bip, bip, j'ai crié dans la voiture en tapant comme un dératé sur le klaxon, 112, bip, et cette embardée, et ce camion, bip, bip, bip, 120, bip, bip, bip


bip, bip, 807, b–

mardi 11 octobre 2011

Différenciateur #1

Relever les différences était sa raison de vivre. Partout il soupesait et mesurait toutes choses : la hauteur des pieds des tables, la largeur des portes, la longueur du nez des passants, le nombre de pétales des fleurs... Il notait précisément les nombres dans son carnet. Rentré chez lui, il comparait tous ces chiffres, les nouveaux collectés dans la journée et les anciens. Il en faisait les différences, il en mesurait l'évolution, il en supputait les causes profondes. Ses talents de différenciateur furent bientôt reconnus. De toutes parts on venait à sa rencontre lui proposant de nouveaux défis, des différences de plus en plus subtiles. Mais la gloire ainsi atteinte ne le toucha pas, et la facilité des calculs que proposait le peuple lui faisait perdre son temps. Le calcul des différences finies ne lui suffit bientôt plus. Il ne fit qu’une bouchée du zéro et de l’infini. Il passa aux équations différentielles, dont la subtilité et l'enjeu étaient à la mesure de son expertise. Plus ardue fut pour lui la comparaison des infinis.


Il résolvait une équation du 807e degré lorsqu’une crise cardiaque le terrassa brutalement, laissant son opus magnus inachevé. Lors de l'autopsie, ô ironie du sort, on s'aperçut que son cœur était à droite.

lundi 10 octobre 2011

Trouée

Que le vent pour nous embarquer jusqu'au bout de l'océan. Que le vent pour rabattre ce parfum de cyprès. Que la brise pour refroidir mon dos quand je mets mes pas dans les tiens le plus silencieusement possible. Il ne faut pas que tu me repères. Ni moi, ni ce satané Vautour qui me colle et éructe tout feu tout flamme :
– J'te jure qu'y a un trésor, faut qu'on mette la main dessus.
Tu t'étais précipité dans cette grotte pestilentielle avec un troupeau de moutons dont les bêlements infernaux résonnent en écho entre les parois froides. Un ruisseau glisse à côté de nous, la pente s'accentue au fur et à mesure que la galerie se resserre. Un recoin obscur cache ta silhouette, le flot noir s'épaissit, c'est presque un fleuve maintenant. Mon pas dérape, Vautour me rattrape avant que je ne me viande dans le courant furieux. Tu as rejoint un vieil homme qui te parle sans te regarder. On se planque derrière une anfractuosité triangulaire. Tu creuses une fosse aux pieds de ton interlocuteur, commences à faire des offrandes de lait, de miel et d'eau pure. Toujours avide d'épater la galerie, Vautour me murmure :
– C'est sûrement ici, ce trou inaccessible où ont été cachés cent trente-six rubis, cinq améthystes et six cents soixante-six diamants de la taille d'un poing. 807 pierres précieuses qui vont nous sortir de nos vies de gueux, fini de tirer le diable par la queue...
– Ferme-là, tu vas nous faire repérer.
À cet instant, éclairé par une trouée de lumière soufrée, tu prends ton couteau, saisis le mouton le plus proche, tu n'y vas pas de main morte et tranche son cou sèchement. Un geste répété, encore un hurlement, geste répété encore, à nouveau jusqu'à ce que la dernière carcasse ensanglantée s'écrase sur les moutons égorgés, un tas pyramidal entassé devant le vieillard qui ne scille pas. Ces pauvres bêtes n'ont pas fait long feu. On a ouvert une voie qu'on n'aurait jamais dû ouvrir. Ce nase de Vautour m'a planté. Rien à gagner ici, j'en mettrais ma main au feu. Au secours, sans reprendre le mien alors qu'aucun souffle ne s'exhale de cette satanée grotte.



Musique Michel Gasperin

dimanche 9 octobre 2011

Épouvantail

Perplexe, il se demande ce que le sculpteur a voulu dire avec cet épouvantail au rictus inquiétant portant un rocher sur le dos, tout empêtré de ses longs bras maigres. Rester zen. Dans ce jardin on est sur une autre planète. Il poursuit son chemin, s'attendant à tout moment à tomber sur une autre bizarrerie tout droit sortie de l'enfer. 807 brindilles craquent sinistrement sous ses semelles, et cette impression de tourner en rond...


Les heures passent, la nuit vient, il ne cesse de passer et de repasser devant l'épouvantail qui semble imperceptiblement changer de position à chaque nouvelle rencontre. Le musée-jardin décrit un cercle concentrique dont l'unique œuvre ne le laissera peut-être jamais sortir.

samedi 8 octobre 2011

5:07

Trois heures avant l'heure légale : ce mignon réveil-matin de dix kilos qu'il faut éteindre avec un biberon de lait.


Cornaline me raconte la crèche (principalement par gestes, mais tout est tellement clair) et comment la grande Agathe et sa petite sœur Suzie ont prit le contrôle des petits et le monopole des jouets : « mon papa il casse du Quignard dans le Monde, na ! »

vendredi 7 octobre 2011

La compagnie des prurits

Si je n’avais pas les cordes vocales coincées (je crierais), les doigts engourdis (j’écrierais). Mais je suis ligotée par une sorte de transe et je me contente de souffrir en silence. Pourtant, pour un peu, j’écrirais bien mes combats désespérés. J’appellerais ce texte, non pas la Compagnie des spectres, ou la Compagnie des jeunes pianistes, comme le fameux livre que je viens de prêter à Malgorzata et qui raconte les amours incestueux d’un virtuose d’Oslo qui joue du Chopin en pensant à la mère de sa fiancée, non, j’appellerais ça la Compagnie des prurits. Compagnie dans le sens de groupe, de club, de gens divers convaincus de la nécessité de rester ensemble mais aussi compagnie dans le sens d’accompagnement et de façon de lutter contre l’absolue solitude. Car c’est mon compagnon habituel de chaque instant, avec comme pour une partition d’orchestre, chacun sa petite note et son petit vibrato : du suintement voluptueux dans mon conduit auditif, à la raclette de la peau des joues tavelées, sans oublier l’absolue démangeaison de chaque entre-doigt, la rougeur obsédante des chevilles, ma plante des pieds en feu, le gonflement irrité de ma nuque qui semble habitée pas tous les parasites de la plaine de l’ouest américain, l’épaule, le creux poplité, le dessin animé dans mon cuir chevelu sans parler évidemment de zones qui devraient rester discrète mais qui me font me tortiller comme un incontinent obèse dans une salle de concert pendant le boléro de Ravel. J’ai changé mes draps, dépensé des fortunes en paillettes de savon biologique, continué ma collection internationale de crèmes et onguents antiallergiques. Rien n’y fit. Rien n’y fait. Serais-je, sans le savoir la fameuse brebis galeuse de la Bible ? Mais je ne suis jamais allée dans le pays de Galles. Je me griffe les joues par excès de grattage (sans gagner au tirage) et je vois sur ma peau, blanche comme une souris chauve dans un champ de neige suédois, 807 de ces papules, taches, macules, simples boutons de mousticus vulgarus, situés toujours par trois, comme les pies dont les couples amoureux se dotent toujours d’une vieille tante célibataire pour garder les œufs ou comme l’époustouflant mystère de la Sainte Trinité dont je n’aurai pas l’outrecuidance de mêler son puissant symbolisme à mes opéras dermiques. J’ai vu plus de médecins en un an que le rwandais moyen n’en verra tout au long de sa vie. Je ne veux plus en voir un en peinture sauf peut-être le docteur Gachet… Je veux me bagarrer seule.


J’ai commencé une danse synchronisée entre grattage et huile essentiellement essentielle, enfin c’est le pharmacien qui le dit car pour le moment, à part l’odeur qui devrait faire fuir un troupeau de bisons, tout autre effet ne se fait pas sentir. Je change, je varie, je jongle, je supplie le tea-tree de conjuguer ses efforts avec le ravintsara ou la lavande fine, mais rien ne marche, je me gratte et je me gratte encore jusqu’au sang. Vous direz que cela m’occupe. Ce n’est pas faux. J’écris, ce me semble, en ce moment, à cette minute même, ce qui m’empêche de me gratter. Mais je ne vais pas pouvoir écrire toute la vie quand même !

jeudi 6 octobre 2011

Gasconnades

Nonobstant des compétences professionnelles indiscutées, il avait une propension à utiliser du vent au service de ses propositions. La plupart du temps, il ne pensait pas vraiment ce qu’il disait, n’imaginait même pas qu’on puisse le prendre au mot. On était supposé dire, merci beaucoup, ce sera un plaisir ! et ne jamais donner suite à l’invitation. Il était comme ça. Qu’une occasion se présente et il bondissait dessus. L’Inde ? Ah ! Oui, j’y vais justement la semaine prochaine. C’est un pays fascinant. Vous devriez venir avec moi… Puis il passait rapidement à autre chose ou nous gratifiait d’un bonsoir et nous plantait là.


J’avais noté dans mon petit calepin qu’à ce jour il avait lancé 807 propositions en l’air avec une facilité déconcertante. Tout cela est bel et bon mais vous imaginez l’étendue de la cata si l’un de nous avait répondu par l’affirmative ça tombe bien, la semaine prochaine je n’ai rien à faire... chiche ! Je pars avec vous…

mercredi 5 octobre 2011

Solitude

Il était heureux d’être si bien entouré. Il culpabilisait même de ne pas pouvoir répondre à tous leurs messages de sympathie, de félicitations pour ses petits écrits sur son petit blog. Il avait honte de manquer de temps pour les saluer tous, rire de leurs bons mots, se réjouir de leurs succès, intervenir dans leurs débats. Il avait fait le compte, la semaine dernière : pas moins de 807 amis, mieux qu’une famille ! Pas moins de 807 raisons de chanter « La solitude, ça n’existe pas ! »


Lorsqu’on l’a mis en terre, ce matin, dans la fosse commune, pas un pèlerin pour l’accompagner. Ses amis facebookiens n’étaient pas au courant.

mardi 4 octobre 2011

Automne estival

Si Verlaine avait connu cet été en octobre, ces terrasses accueillantes, ces robes légères, nul doute que ses violons de l'automne auraient chanté des rires ingénus plutôt que des sanglots longs.


807 feuilles mortes
807 brins d'herbe
l'écrivain hésite

lundi 3 octobre 2011

La route

Je me souviens d'avoir lu l'été dernier, une biographie de Thomas Lanier Williams dont une bonne partie dans le tramway. Alors que je n'étais pas loin de la 807e page, je levai la tête. Le tram était bondé. Un monde fou s'entremêlait. On pouvait y voir un homme à l'allure de boxeur manchot, un petit vieux à la peau de serpent, un sac de dame en perles, une rose tatouée sur une épaule dénudée, un amoureux rassurer son amie Hey, baby, ne t'en fais pas, la chatte finira bien par descendre du toit !, une petite fille déguster un sucre d'orge en forme d'iguane, un musicien équipé d'une contrebasse descendre à l'arrêt Orphée et mille autres curiosités. Dans ce petit train aux grandes vitres, on se serait cru dans une ménagerie de verre. Comme emportée dans un flux de cinémas et simagrées, bon gré mal gré, la vie semblait pouvoir tenir sur une trame de transport en commun jusqu'au terminus. Je n'ai jamais aimé Johnny mais, ce jour-là, je me souviens que dans l'air flottait « quelque chose en nous de Tennessee ».


dimanche 2 octobre 2011

La coupe est vaine

Heureusement, cette fois, rien n'arrive qui mérite sacrifice aux dieux. Tu restes toujours autant toi. Le même. Bouffi pareil, bêtement humain. Je voudrais boire la potion de la femme quand tu donnes un coup dans le plateau qui valdingue. Elle grimace. Je la déteste, je la hais, elle vaut moins que ces porcs qui se vautrent à ses pieds. Ne pas rester ici une seconde de plus immobile, échapper à ses charmes. Tout se referme dans ma tête. Je me propulse sur elle pour la massacrer : Fais revenir mes potes, sinon je te transforme en chair à pâté ! Tu essayes de me maîtriser. Bang ! Sur ma tête, quelque chose explose. Pas le temps d'avoir mal. Quand je me réveille, cette traîtresse et toi êtes enlacés, vous avez sûrement frotté le lard ensemble. Les pourceaux ont disparu, mes amis sont revenus, sauf un cochon, le casse-couille de service qui grouine : Qui t'a dit qu'une forme est plus belle qu'une autre ? Ou bien homme ou bien porc, ou survivre dans la fange ou la lutte à mort, entre les deux, il n’y a rien. 14 étreintes, 204 embrassades, 385 tapes dans le dos et 204 congratulations, j'ai compté chacune de nos 807 accolades. Disposés en pyramides, rôtis et gibiers nous attendent sur de grandes tables. Cette île n'est qu'une luxueuse porcherie. Cette étape de notre périple nous a rempli la panse, mais bombance chaque jour, ça me gave. Y a toujours la canne à pêche comme passe-temps, balancer l'hameçon dans les vagues, attendre sans moufeter le soir et peut-être un rayon rose. Quand on l'apercevrait, il créerait un élan tel qu'il libérerait le monde de sa gangue de glace.



Musique (c) Franck Garot