Je n’aime pas lire sur un écran mais je m’y habitue, on s’habitue à presque tout. Évaporée, l’odeur du papier, celle très particulière des premiers livres de poche. Un peu acide, un peu sucrée. Disparu, le froissement des pages dans le silence d’une chambre la nuit, frère paradoxal de toutes les frayeurs et d’une solitude douillette. Adieu saveur, adieu caresse ! L’abstraction gagne du terrain. La dématérialisation nous tente. Machines envahissantes, avez-vous donc une âme qui saccage notre âme et nous force d’aimer notre matériel et misérable quotidien ?
Je me souviens d’un certain rocher au bord du Gardon de Mialet en Cévennes qui m’accueillait dans ses creux lisses miraculeusement adaptés à la forme de mon corps et dont le surplomb était pourvoyeur d’ombre. De temps en temps, pourtant très occupé à recréer le monde du roman que je lisais, le réel faisait irruption dans mon univers mental : bourdonnement d’insectes, saut d’un poisson, rires d’enfants, mistral dans les cimes... 807 incitations à lever la tête, à reprendre possession de soi. Plaisir de poser un livre quand on sait qu’on va le reprendre après un bain dans une eau claire et jaillissante où brillent les paillettes de quartz soulevées du fond par le bouillonnement du courant.
L'ivresse de la lecture qui nous incite à la joie.
RépondreSupprimerMerci, Joël. On a besoin en novembre que scintillent le mica des rochers éclaboussés de soleil et les écailles des ablettes.
RépondreSupprimerJe n'ai pas dit des tablettes, hélas...Encore un truc de plus à passer au Glassex, misère de moi!