mercredi 30 novembre 2011

Déluge

Steve fit une pause dans ses calculs de mécanique Newtonienne. Par la fenêtre où était scotchée une petite photographie d’Alan Turing, toujours le même paysage de pluie diluvienne, six semaines en continu après le prochain week-end qui s’annonçait déjà gâché. Les barrages du Tennessee étaient déjà pleins et avaient commencé à déborder. Son regard parcourut distraitement sa chambre simple, l’homme au chapeau de Magritte, une estampe représentant l’exploit de Guillaume Tell, un dessin de Blanche Neige offert par sa petite sœur. La cinquième symphonie de Beethoven entamait ses premières notes lorsque son iPhone le tira brutalement de sa rêverie par un son strident d’alerte. En amont, à Florence, le vieux barrage Wilson, construit par les travaux herculéens de l’Army Corps mais miné par les infiltrations, venait de lâcher. Un calcul élémentaire, une vague immense, trente mètres de haut, soixante kilomètres de long, soixante-six millions de mètres cubes d’eau allaient se précipiter à cent kilomètres par heure, submerger et raser sa ville de Iuka dans trente-trois minutes. Steve déglutit.


L'ingénieur saisit son iPad et son MacBook, le vivarium et ses deux crotales, et sortit les poser délicatement sur le siège passager de sa vieille Buick Roadmaster. Quels trésors pouvait-il encore sauver pendant les minutes qui lui restaient ? Il attrapa ses antiquités son vieil Apple II, sa collection de vinyles des Beatles, ses couples de perruches et de hamsters, une couette, son bac de papiers administratifs, et une bible pour la lecture. Il se fit un confortable sandwich, attrapa le reste de crumble et une vieille bouteille de Manzana. Sur Battleground Drive et sous la pluie de plus en plus dense, Steve maugréait, ils étaient bien tranquilles à New York, loin de la fureur du grand fleuve ! Il fonçait seul dans sa Buick vers le sommet de Woodall Mountain. Le chemin caillouteux, abrupt et détrempé glissait et le dernier mile fut difficile à parcourir. À 807 pieds d’altitude, sur la plus haute montagne de l’état du Mississippi, Steve était en sécurité. La vague, il pouvait la voir venir de haut. Il s’installa pour dîner de son sandwich. Il avait sauvé sa pomme et tant pis pour les autres.

2 commentaires:

  1. Newton et sa pomme inspirante
    Alan Turing se suicida avec une pomme empoisonnée
    l'homme au chapeau de Magritte a une pomme comme tête
    Guillaume Tell et la pomme
    Blanche Neige et sa pomme empoisonnée (qui inspira Turing d'ailleurs)
    Beethoven et sa célèbre introduction pom pom pom pom !
    iPhone /Apple
    Ipad
    MacBook / Apple
    Apple II
    Beatles:Apple records
    La bible fait référence à la pomme
    Crumble : gateau à la pomme
    Manzana : alcool de pomme
    New-York : la grosse pomme
    sa pomme

    Mais Steve ne déglutit jamais de frayeur ...
    (Laurent G)

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