samedi 30 novembre 2013

Top tulle.


           807 : C’est…Embrssé. J’ai dit embarrassé. Avant je voulais dire que- La gêne. J’étais gêné. C’était avec une ortie la première fois. J’y repense souvent c’est plutôt normal non de vouloir remonter à ses origines de savoir ce que tout le monde sait confusément sans être sûr de quoi et pourtant en croyant que c’est là attendant  une occasion de remonter et de s’installer. Tout a commencé là, je crois…Il y a cinq ans, on m’a dit que je devais me lancer.  J’y repense mais- 


            Cela ne me gêne pas de parler de ça. J’ai compté les fois. J’ai essayé de parler plusieurs langues, de donner des rendez-vous, de me faire prendre en photo. Je me suis même décomposé. Il y a en a qui parlent de transformation. Non. Je n’y crois pas. J’étais là. J’attendais juste mon tour. 804, 805 et 806 peut-être, mais moi, je voulais parler, m’exprimer, choisir mon sujet de conversation. Etre au centre de-


            J’ai poussé au crime. Je susurrais des insanités. Je ne m’en serais jamais senti capable. On dit bien que c’est-Je ne m’en souviens plus très bien. Je ne suis pas sérieux…



            Qu’est-ce que j’ai dit déjà ? Qu’est-ce que je vous ai dit déjà ?

vendredi 29 novembre 2013

Quand la réalité s’invite

    Raymond Penblanc | Femme à la robe rouge

            
          Elle s’appelle Hélène, elle a pour mari Jean-Marc, pour fils Johan, pour fille Émilie et pour nom Lester, c’est encore gravé sur la plaque de cuivre. 


          Hélène Lester. Hélène Lester. Hélène Hélène Lester. Il s’amuse à répéter son nom, comme la mer à ressasser ses vagues. Une petite lumière est restée allumée en haut de l’escalier conduisant au jardin, oubliée sans doute car on ne saurait y voir un signe, un message codé. Ou alors, tel le petit œil rouge des églises, c’est qu’elle témoigne d’une présence, et qu’elle se tient là tout près, Hélène, Hélène Lester, accoudée à la nuit.




1ère mise en ligne et dernière modification le 22 juin 2013.
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dimanche 24 novembre 2013

Bascule

Le mousse se plaint des règles que l’on applique dans la maison : pas d’écran avant la fin du petit déjeuner, plus d’écran après 18 heures 30, tandis que des jurisprudences savamment négociées ponctuent l’entre deux. Mais cette fois c’en est trop, Arthur fomente une révolte. Pensez donc, c’est l’heure de lever le pied et il est en train de réorganiser son village. Son village ? Un village sur Clash of clans, un jeu de stratégie. Le but est de construire autour d’un tilleul une église, une épicerie, un cimetière, des latrines. C’est aussi attaquer les ressources des autres villages, créer un clan et beaucoup, beaucoup d’autres choses. Arthur me montre un dessin, c’est le plan de son niveau hameau, le temps presse, son truc est super, il est est à deux doigts de la catastrophe. Je le crois. - Je n’ai pas assez de remparts et de fortifications pour le protéger efficacement. On ne pourrait pas faire une exception ? Il est 18 heures 30, l’exode rural n’est décidément plus qu’un souvenir.

Je suis né à la Source, le matin ou le soir, plus personne ne le sait, ceux qui le savent sont morts. C’était au mois d’août, le 6 de l’année 1955, je n’en sais pas plus, c’est amplement suffisant. Nous recevons ce soir un faire-part qui nous réjouit, une petite cousine est née. Le père et la mère précisent l’heure et la minute, 8 heures 07, je fronce, comme s’ils savaient ce que naître veut dire. C’est tout un monde qui disparaît soudain, le travail de l’horloger, l’imprécision les roues dentées. Et je ne dispose d’aucun moyen pour me consoler et m’opposer à ce pathétique. Je n’aime pas ça, la naissance confine à un punctum.

Je regrette chaque jour davantage la disparition des baptêmes, des confirmations, des communions, des doubles naissances, des fondations et des refondations.


mercredi 20 novembre 2013

En tout cas, on l'espère.

En partant ce matin de novembre, il ne fait plus gaffe. Ni au trafic, ni à la trouée de soleil, ni à son rêve où le monde était perdu.




Il traverse le boulevard des Maréchaux en courant, le tram arrive dans un grincement assourdi.




Au café des sports, il avale le même café trop serré qu'hier et qu'avant hier. Exceptionnellement il demande un verre d'eau et vous savez quelle heure il est ? - Huit heure sept minute très exactement, chuinte la patronne aux yeux cernés.







Il dessert son écharpe grise et déboutonne le premier bouton de sa veste avant de s'élancer dans la rue animée.




jeudi 14 novembre 2013

2074



               
              À l’origine, la tortue était sphérique. Elle formait même un globe autonome et suffisant qui en tout point tournait le dos à la Terre.
Éric Chevillard (6.11.13)


            La tortue lutte toujours pour se faire entendre, même entre les mains musicales d’un fin luthier — amateur de Ginger ale et de bowling —, qui lui plante deux doigts dans les narines, avant de la lancer sur la piste au lièvre. Strike ! La tortue a dézingué deux gardiens anglais de la paix dressés devant Buckingham Palace. Deux bobbies — qui ont vu que la bête avait fait bobo aux bons soldats — tentent de la saisir par la carapace, aussi glissante que les piquants d’un hérisson tissé au crochet sur une tapisserie d’Aubusson. Résultat, elle a réussi à se faire la malle en passant sous le ventre enfumé d’un taxi londonien. Puis, elle a roulé, a divinis*, dans les avenues pentues de San Francisco, car, fluctibus opes*, et là voilà sur le sable chaud, sa centenaire carcasse dévorant des yeux les eaux bleues de l’océan. Ah ! L’instinct ! Elle brasse à s’en rompre les pattes ; en fait, elle creuse un bout de plage, afin d'y déposer ses œufs précieux qui, au grand jamais — parole de scaphandrier —, ne serviront pas de boules pour une bachique partie de pétanque sur la côte marseillaise, au milieu des tièdes bouffées de pastis.



       Son devoir accompli, la tortue tourne le dos à la terre pour couler à pic au sein du Pacifique, loin des jeux de main de ces vilains humains…


*A divinis « Hors des choses divines. »
*A fluctibus opes « La richesse vient de la mer. »

lundi 11 novembre 2013

Strip-tease.

               Comme elle prétendait posséder le secret de la vie bien enfoui dans le fond de son cœur,  je décidai de la déshabiller. De la déshabiller tout entière. 



                La sachant frileuse, je ne m’étonnai pas de la trouver emmitouflée sous trois manteaux fourrés. Je ne m’attardai pas à identifier quels animaux sauvages détenaient autrefois ces fourrures. J’étais trop désireux d’enlever le reste afin de parvenir le plus rapidement possible à la révélation espérée. Une dizaine de pulls de plus en plus fins se succédèrent. Comment faisait-elle pour supporter tout ça ? Suivirent autant de chemisiers encore plus fins (je comptais toujours, tout en commençant à m’impatienter.) Ce qui ne semblait pas être son cas. Sa patience avait beau confiner à la passivité, je m’efforçai de prendre exemple sur elle. 



                 Quand j’atteignis sa peau, force me fut de constater qu’elle était  fagotée comme un oignon, que j’entrepris d’éplucher aussitôt, surpris de ne pas mettre à jour le réseau arachnéen des nerfs et des vaisseaux, encore moins de voir affluer  le sang. Car elle ne saignait pas. C’était sûrement ça, son secret. Je continuai à l’éplucher consciencieusement, comme si je feuilletais les pages d’un livre. Peau après peau, page après page, j’agissais tel un somnambule, je ne la voyais même plus. Tout était si simple, si facile,  les peaux se décollaient toutes seules. A la huit cent septième 





elle avaitdisparu.



mercredi 6 novembre 2013

Le silence de 807 vagues



             Le fracas mécanique des vagues lui détraque le système. La soif le possède. Olivier part sur la gauche. Essuie le rideau acide qui dégringole sur ses yeux. Encore une étendue blanche, intacte à traverser. La chaleur de 807 grains de sable s’imprime sous ses pieds. L’homme sort une paire de ray ban de sa besace, la cale sur son nez, avance en direction des dunes lointaines. Rejoindre sa caisse et se barrer de cette foutue plage. Sa gorge est desséchée. Et ces putains de vagues qui n’arrêtent pas de se fracasser. A trois cent mètres devant, une tache sombre. Un peu vouté, l’homme avance jusqu’à distinguer une silhouette accroupie… près de quoi ? 


            Comme un corbeau immobile sur une tige noire, un robinet. Olivier allonge le pas, trébuche, se redresse tout en accélérant, personne ne lui a parlé de ce point d’eau, il déglutit, il va s’élancer pour courir…Un robinet. 


            La silhouette se tourne lentement, une face sombre, deux yeux qui le regardent durement, un sourire en biais qui lui rappelle quelqu’un…Le pêcheur croisé il y a plus de trois jours, à la sortie du village. Qui a craché à coté de lui en marmonnant une phrase incompréhensible. Le pêcheur se lève devant le robinet, tête baissée, regard opaque qui défie, noirceur qui s’enfonce dans son crâne desséché. L’homme s’arrête. Serre les poings. Pourquoi l’autre fouille dans sa djellaba ? Et en sort un couteau. Les rayons du soleil convergent en bloc sur la lame d’acier, insupportable l’éclat qui rebondit. L’horizon s’efface. La main de l’homme tâtonne dans la besace, agrippe le revolver, jamais eu aussi soif, à vingt mètres viser l’autre dans l’éblouissement. 


           Appuyer sur la gâchette brûlante, la déflagration fait enfin taire les vagues, appuyer encore, encore, le silence résonne l’autre s’effondre mollement sous le robinet, gros sac sombre jusqu'où une goutte étire sa verticalité. Minuscule miroir éphémère où tremble sa face écarlate.



mardi 5 novembre 2013

La folle. (Chaim Soutine)



             Dans mon corps cette femme voutée, la courbure de son dos collée à la mienne, et son cou rentré, absent, sa tête posée directement sur les épaules. Dans mon corps, son corps tassé sur lui-même, son corps replié, faisant tout pour ne pas être vu, caché, dissimulé dans un vêtement informe et lâche, un corps qui voudrait disparaître, comme aspiré de l’intérieur, au niveau du sternum, un vide qui vous emporte et vous dissout.


          Dans ce corps le visage est absent, même si on ne voit que lui tans sa peau est blanche, ses yeux immenses, sa bouche rouge, un corps au regard vide, tourné vers le bas, un corps tout en dedans, dedans du mien, dedans du sien.



          Et les mains pliées, doigts recourbés sur le vide du dessous, cuisses et genoux gommés sous le bleu de la robe, massives mains d’hommes sur ce corps de femme, pendantes et molles, mollusques mains inutiles et douces, qui ne saisissent rien sinon les 807 motifs du désespoir.

dimanche 3 novembre 2013

Intermède d’automne


        La saison de la chasse, ça a déjà commencé ? 


        Le vieux avait enregistré vingt ans de l’émission Des chiffres et des lettres.  Collection de vidéocassettes comme on en fait plus. Étiquetées, toutes, et tapissant du sol au plafond le couloir du vieux terrier. Nimbé de la lumière bleutée de l’écran télé, capté par le direct de son émission, il se redressait dans son canapé, comptant sur ses doigts et sur ses phalanges, se pourléchant afin de s’aider au résultat : plus, plus plus, moins, plus encore, moins moins, plus plus. Comme s’il braconnait dans la forêt des nombres. Soit cinquante plus un multiplié par huit multiplié par deux auquel on soustrait neuf, et voilà qu’il obtient 807, vous me suivez ??  


          Je déteste le mot kyrielle. Plein de gens l’emploient. Dans mon imaginaire, mon petit dico  personnel, certains mots viennent se prendre dans mes cheveux en hurlant à bas bruit. À cet endroit-là, là où ça vient vriller mon tympan, kyrielle côtoie crécelle, querelle à gauche et Kiri -le clown- à droite, bretelle n’est pas très loin dans l’arborescence, mais pas au même étage. Rien, à première vue, pour sauver ce mot-là, plutôt l’engloutir dans les eaux sombres. Hallali !


          Le vieux, oui, me suivait, il me devançait même. Qu’est-ce qu’il pouvait bien aller foutre dans les chemins des 807 ? Il savait pas que c’était un territoire libéré ? Chasse gardée où ne pénètrent que quelques allumés du clavier, ou des Camillophiles historiques ?? Je ne parle que de ce que je connais, hein. Les pères fondateurs, les histoires de brins d’herbe ou d’orties, on me les a pas présentés. 
Pour revenir au vieux, y’a des gens qui n’ont idée de rien. Et quand je dis rien, c’est tellement rien de rien que... On n’a pas le temps de regretter. On s’exécute, et voilà. 
Le compte est bon : un vieux, mort d’avoir trouvé 
Le calcul mental peut tuer 
Les manchettes des journaux battant au vent et aux devantures des kiosques s’étalaient. Criblé de balles, le vieux –le journaliste ne mentionnait même pas le nombre de balles, tout d’un coup, un peu frileux, un peu superstitieux, il envoyait au front le stagiaire qui, lui, osait parler de chevrotine, de gibier, même de gibier à peau…  
Maintenant c’était les lettres-voyelles-consonnes, et je vous jure que le vieux rabattait à tout va et venait de trouver huit lettres, et que le mot qu’il ânonnait, c’était  k-y-r-i-e-l-l-e. 
Y’a des signes qui trompent pas.  
P’pa, j’ai dit, ton dîner, tu te le feras chauffer tout seul, ça me gave. Garde-toi un peu de neurones pour quand tu seras très vieux. Et j’ai claqué la porte tellement fort que le vieux a sursauté, je suis sûre qu’il a sursauté.