dimanche 24 novembre 2013

Bascule

Le mousse se plaint des règles que l’on applique dans la maison : pas d’écran avant la fin du petit déjeuner, plus d’écran après 18 heures 30, tandis que des jurisprudences savamment négociées ponctuent l’entre deux. Mais cette fois c’en est trop, Arthur fomente une révolte. Pensez donc, c’est l’heure de lever le pied et il est en train de réorganiser son village. Son village ? Un village sur Clash of clans, un jeu de stratégie. Le but est de construire autour d’un tilleul une église, une épicerie, un cimetière, des latrines. C’est aussi attaquer les ressources des autres villages, créer un clan et beaucoup, beaucoup d’autres choses. Arthur me montre un dessin, c’est le plan de son niveau hameau, le temps presse, son truc est super, il est est à deux doigts de la catastrophe. Je le crois. - Je n’ai pas assez de remparts et de fortifications pour le protéger efficacement. On ne pourrait pas faire une exception ? Il est 18 heures 30, l’exode rural n’est décidément plus qu’un souvenir.

Je suis né à la Source, le matin ou le soir, plus personne ne le sait, ceux qui le savent sont morts. C’était au mois d’août, le 6 de l’année 1955, je n’en sais pas plus, c’est amplement suffisant. Nous recevons ce soir un faire-part qui nous réjouit, une petite cousine est née. Le père et la mère précisent l’heure et la minute, 8 heures 07, je fronce, comme s’ils savaient ce que naître veut dire. C’est tout un monde qui disparaît soudain, le travail de l’horloger, l’imprécision les roues dentées. Et je ne dispose d’aucun moyen pour me consoler et m’opposer à ce pathétique. Je n’aime pas ça, la naissance confine à un punctum.

Je regrette chaque jour davantage la disparition des baptêmes, des confirmations, des communions, des doubles naissances, des fondations et des refondations.


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