lundi 4 juillet 2011

Jamais toujours

Chacun ses habitudes, ses repères. Elle, le dimanche midi, elle déjeune toujours au restaurant. C'est comme ça, ne cherchez même pas à comprendre. Se foutant éperdument de la météo, elle y va presque toujours à vélo. Toujours, elle s'assoit à la même table stratégique, celle en coin près de la fenêtre de sorte qu'elle ait vue à la fois sur la salle et sur la rue et ses passants. Vous voyez, finalement elle ne mange pas seule. Elle commande toujours des huîtres ; avec du citron, sinon c'est pas la peine ! En ce jour, toujours le rituel du déjeuner des dimanches ; brochettes de familles, d'amis, d'amoureux... Elle les reconnaît à dix lieues des tables rondes. C'est obligé, vous aussi, vous les connaissez. Dans cette foule presque familière, un homme absent au rendez-vous des habitués – plus concentré sur son stylo que sur sa fourchette – la pique de plein fouet. Son plat est servi, il est en train de refroidir, il ne le voit même pas, il s'en moque. De quoi pouvait-il bien se nourrir à cet instant ? Personne, ni vous ni moi ne le saura. Ce qui compte, c'est que dans la musique routinière des assiettes raclées, des verres qui trinquent, des additions s'il vous plaît, il dénote dans la perspective d'un ailleurs. Surprise qui arrive comme un cheveu sur la soupe, qui rompt l'ambiguïté des habitudes tant elles rassurent, tant elles exaspèrent ! Elle n'a plus faim; de toute façon, il n'y avait pas suffisamment de citron. Il vient enfin de saisir sa fourchette, la plante deux trois fois dans son assiette, l'histoire d'avoir un truc dans l'estomac. Puis dans la foulée, il avale son café en moins de deux gorgées, laisse un billet et file. Heureux hasard, il vient d'oublier son carnet ! Au lieu de le rattraper, elle préfère, sûrement emportée par la curiosité du mystère, le dérober. Trésor tombé des nues, elle découvre des pages entières noircies d'encre. Tiens, des encornets, ça changerait...


Pour finir, dans la rubrique du journal de la région « Perdu/trouvé », elle digère et rédige : « Trouvé au restaurant La belle échappée le 08/07, moleskine noir, textes lus – sorry – embarqué, pas pu m'empêcher, acte manqué ? Aimerais vous rencontrer. Réf : 00807 ». Peut-être tomberez-vous dessus par hasard...

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