80 photographies géantes en noir et blanc représentant diverses parties du corps ont été dressées tous les vingt mètres le long du parcours. D’abord la série des gueules cassées, fronts ouverts, bouches tordues, ensuite la série des dos rompus, bras tranchés, jambes brisées, enfin celle des mains actionnant des roues de bicyclette, doigts en gros plan accrochés aux rayons d’argent comme des doigts de harpiste. La petite infirme n’est pas lourde, ses chevilles sont nouées autour du cou du jeune homme, ses mains plaquées à son front, son ventre collé à sa nuque. De temps en temps elle écarte les bras et bat des ailes. De temps en temps elle tend le poing. De temps en temps il ralentit sa course, pour souffler, pour marcher. Démarche sautillante, toujours très précise, comme s’il suivait une ligne invisible qu’il ne viendrait à l’idée de personne d’interrompre en traversant. Au contraire, on s’arrête pour les regarder passer. On songe à ce guerrier grec parcourant cinquante-deux fois 807 mètres (et des poussières) afin d’annoncer au peuple d’Athènes la victoire de Miltiade. On songe au plus jeune des trois Horace, à l’élégance de sa foulée, à l’intelligence de sa démarche. On songe à Saint Christophe portant le Christ, on songe au passage du Graal.
Devant eux les 80 photographies géantes défilent comme autant de détonations silencieuses. Le vrai tonnerre est pour bientôt. 7 percussionnistes noirs ont pris place au milieu du pont des Arts, qui les accompagneront le temps de la traversée. Le roulement atteint simultanément les deux rives, et c’est, avec la passerelle et les quais, le fleuve tout entier qui résonne et se met debout.
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