Je ne supporte pas de ne pas manger sur une table dont je ne serais
pas en contact avec le bois dur. Je déteste poser les mains sur une
nappe, à commencer par ces horribles nappes en papier qui non
contentes d’être laides finissent toujours par se déchirer sous
nos coudes.
Quand je débarque chez ma fiancée le soir de Noël, j’ai de quoi
me sentir comblé. Petits rameaux de gui agrémentés de leurs
délicates perles blanches, discrètes guirlandes argentées ornant
chaque assiette, tandis que sur la table ronde (châtaignier ?
noyer ?) brûlent deux bougies colorées, jaune pour elle, rouge
pour moi. Je laisse cependant échapper une grimace. Quelque chose
qui ne va pas, m’interroge, inquiète, ma petite fée en
présentant la dinde rôtie.
Les couverts ? Lourds, sûrement en argent. Les serviettes ?
Fines, satinées, artistement roulées dans de d’adorables ronds de
nacre. Les verres ? En cristal de Bohême, leur musique me
charme les oreilles. Le vin ? Un précieux rubis, pour ne rien
dire du bouquet. Les assiettes ? Blanches, rectangulaires, très
classe. Alors tout va bien ? Presque. Presque ? Il y a donc
quelque chose qui cloche ? Disons que ce serait mieux si.
Mieux ? Impossible de faire mieux. Oh que si. Ajouter un
bouquet de roses ? Nul besoin de roses. Un repose-bouteille en
argent ? C’est inutile. Une nappe rouge avec de petits sapins
dorés ? Une table est infiniment mieux sans nappe.
C’est-à-dire qu’elle serait mieux aussi sans sets, c’est ça ?
C’est ça oui. Sans sets.
Bravo, Raymond. J'aime qu'on joue le jeu.Plus que 5 pour le set, donc.
RépondreSupprimer