Je côtoyais
une vieille, ridée, usée. Elle avait perdu son homme comme son
sourire. Sa vie sans sens ne tenait même plus à un fil.
Je l'ai connue, droite et fière au
côté de notre père. Elle traçait le sillon de notre vie dans
lequel nous voguions confiants. Lui, inventait des routes et nous
embarquait dans ses aventures. Elle était son matelot, son second et
notre capitaine. Souvent, nous partions vers le lointain à l'écart
de la petitesse des hommes, vérifier si les étoiles étaient
toujours là avec l'infime espoir d'apercevoir quelques fulgurantes
filantes. Au retour, notre mère s'installait à la barre, le père à
la proue, et scrutant le couchant, il rêvait : "un jour, nous
irons là-bas…" Un soir, une mer plus malicieuse que
d'habitude, eut raison de notre chétif récif, rétif au clapot
claquant des vagues moqueuses. Les flots fous entravèrent peu ou
prou notre étrave. Puis, la carcasse de notre père sombrant dans
les abîmes bleus glacés de l'océan, ses yeux vitreux cherchant nos
regards embrumés, quelques mots criés… de muettes… bulles
d'air…
La vieille femme se mit alors en tête d'aller là-bas. Là où la mer tombe comme une cascade infinie, où s'échouent tous les hommes et les bateaux perdus. Le bout du monde se situait à 807 milles, et autant de jours pour y parvenir. Je sentais que rien ne pouvait empêcher ma mère de partir pour le grand voyage.
La vieille femme se mit alors en tête d'aller là-bas. Là où la mer tombe comme une cascade infinie, où s'échouent tous les hommes et les bateaux perdus. Le bout du monde se situait à 807 milles, et autant de jours pour y parvenir. Je sentais que rien ne pouvait empêcher ma mère de partir pour le grand voyage.
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