dimanche 23 juin 2013

Chevillard, homme de glace


                J’ai naïvement pensé converser avec le miroir sans tain, à la santé du Saint Chevillard, mais en relisant son billet au sein des Vents contraires, mon huit-reflets a pris le melon et ma canne anglaise s’est redressée d’un coup ; 807 signes des temps ou bien priapisme matinal suivi d'une pose devant cette glace où l’on a l’air d'un encornet sans boules. Certes, Éric sait ôter la plume de paon à la chatoyante fourrure d’une alouette faisant sa mignonne au pied d'une psyché. Mais, il parvient aussi à traverser le miroir sans se couper un ongle. Il est le frère d’armes du verre de lampe, passant le ver au gris de la matière pour atteindre la soie du verbe. Lui, il en a dans le cocon. Il ne craint pas de faire bonne figure, du style nez rouge à la barbe d'une glace. Tel le poisson japonais nageant dans son bocal, il nous délivre de cette joie enfantine toujours renouvelée par l’oubli. 

              Ainsi, Éric Chevillard réussit à couler l'iceberg entre les deux pôles de notre psyché tandis que nous avançons, à pas de loup, sous le regard vitreux du miroir. Chaque matin, il nous observe — avidité de bombyx aux lèvres —, afin de nourrir, avec nos oripeaux et les restes de nos identités squameuses, les chairs palpitantes de ses aphorismes bébés qui crient famine.

            Voilà, Chevillard a fait bombance et offre désormais à son miroir le sourire carnassier d’un vendeur de piranhas derrière sa vitrine réfrigérée, lors d'une foire aquatique. J'aime donc croire que cet auteur est le bel ami de la psyché. Le compagnon d’épopée du verre pilé – frère des scarificateurs de tout poil – et même sculpteur de glaces exotiques qui fondent à la vitesse d’un éclair au café ; qui fondent sur notre gueule de métèque burinée par le sel de table, la mousse à raser et les calendes grecques.

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