samedi 17 octobre 2015

les fourmis de Noirmoutier

    Monsieur Chevillard, laissez-moi vous raconter à quel drôle de rituel nous nous adonnons chaque jour dans notre fourmilière du Bois de la Chaise, à Noirmoutier. 

    Le passant encore attentif aux merveilles et aux subtilités de la nature, ne manquera pas de constater, en longeant la cornette surplombant la baie de Bourgneuf, une fourmilière d’un genre nouveau dont l’activité principale se résume à l’élaboration d’un socle bien solide en votre honneur. Vous avez tant fait pour nous !

    Ce passant donc, les jours d’automne, se baladant dans la pinède, verra 807 fourmis, prosternées face à la mer, qui lèvent et abaissent leurs petites pattes en cadence, en prononçant dans un langage aisément compréhensibles pour les plus chevronnés : « cheuvi-cheu, cheuvi-cheu, chevillard… », et ainsi de suite « cheuvi-cheu, cheuvi-cheu, chevillard…. ».


    Constatez monsieur que nous faisons tout notre possible pour rétablir la relative injustice qui règne parfois dans le champ littéraire. Ces précisions sur notre mode de vie peuvent vous paraitre quelque peu dérisoires, nous le cautionnons. Il nous semblait cependant important de vous les signaler. Bien cordialement, à bientôt.

mercredi 30 septembre 2015

Le premier des Douze.


    Admirez ce profil de médaille, ce nez fin et busqué, cette bouche  mince éclairée d’un sourire confiant, ce  menton volontaire que souligne une courte  barbe rousse, cette chevelure soyeuse qui me boucle dans le cou, ce mollet ferme et galbé, ce genou rond que dénude le bas de ma robe - bleue,  n’est-ce pas, et non pas grise ou brune.





     Ne  me donnerait-on pas le bon Dieu sans confession ?



   La bourse que je tiens serrée entre mes doigts est bien moins remplie que celle que j’écrase entre mes cuisses avec la volonté de me faire mal. Là se situe ma vraie blessure, celle qui me fait gémir chaque nuit. Non que je sois chaste. Nous nous frottons les uns aux autres pour nous tenir chaud quand les vents glacés balaient les sables du désert. Mais c’est à Lui que je rêve, qui à défaut d’avoir quelqu’un, nous porte tous dans son cœur. Et maintenant,  laissez-moi  me concentrer sur cette scène qui fera de moi le premier des Douze. Car on me verra enfin, de face et en pleine lumière, mes pièces d’argent répandues par terre, autour de moi. Qu’on les foule du pied, qu’on me les jette à la figure, je m’en bats les couilles. Mais qu’on ne s’avise pas de  piétiner les 807  petites fleurs blanches de mon jardin d’amour. Et qu’on n’y envoie pas rôder les chiens.



jeudi 24 septembre 2015

page retrouvée de la Recherche


Quand j'arrivais chez les Swann et attendais sur le fauteuil dont l'odeur de poussière et de fleur réveillait en moi la douceur de l'attente de l'apparition de Gilberte, qu'interrompait avec un délice tout autre les interventions de Madame Swann pour me distraire, me faire patienter en me demandant si j'avais déjà mangé du cheesecake à la framboise et qu'il fallait absolument qu'elle s'en procure à nouveau chez elle ne savait plus quel pâtisserie des Champs-Élysées qui était en contact avec des new-yorkais charmants, il me semblait que cette attente aurait pu se renouveler huit cent sept fois à l'identique, exactement — le fauteuil, la surprise de sentir ce mélange unique de poussière et de fleur (et d'ailleurs, quelle fleur ? Certes pas l'aubépine mais une fleur toute proche, toute blanche, rare et fragile), la conversation légère et sans importance à laquelle d'ailleurs je ne répondais que par hochements de tête et murmures, tout occupé que j'étais à simplement profiter du moment même de l'attente, de la répétition de l'attente — de sorte que cette huit cent septième et ultime répétition allait m'offrir Gilberte comme la toute première fois où elle m'apparut ici, et non pas avec l'ennui de l'habitude qui a tendance à tasser les sentiments. 

mardi 3 mars 2015

Bruines létales.

photos Nosfermanu fantôme de la vie

Oublier éreinte quand on l'a décidé. Ce qui est cas maintenant. Oublier la terre, sa capture de nos pas. L’oublier pour ne pas l’honnir au point de ne plus marcher quand ne reste plus qu’à grimper à une quelconque cime et mater haut. Trouver indice de ciel, déclenchement muet qui déroulera l’océan des cumulus. Les paupières descendent dans leur obscurité en mi- teinte, dans le sillage du vent l’aube se renfrognerait tandis qu’évaporations.



Ploc ploc crisse la mousson hivernale, à moins qu’elle s’enlarme sous orages, le risque de pluie soufrée qui empeste et absorbe le peu d'oxygène stratosphérique.


Crispations hors-source dans les courants du vent, l'abandon inscrit sa promesse dans le premier souffle.
 

Floc 807 fois des bruines létales, ralentissent l’évaporation exacerbée des dégâts. L’aspiration venteuse disloque. Tout se précipite en vaincu au cap perdu, désastre impalpable des ombres englouties. Alarme vaine. Silence.

vendredi 30 janvier 2015

à l'orée de ce lac là

     Autant de ce délire flairé à ras... L'eau vaseuse entoure, non, elle enserre le lisse du fond du vallon, alors ça dort de ci de là, alors un floc sonore lacérera le calme miroir de ta surface où nulle trace. Où l'émotion de ce lieu émousse le son taré, l'avancée évitée où le fun de la muse, où ça désuni dans le cadre ? Sous la ramure, enfin sur l'ile – l'Entité, mais le lac ne délasse ...
photos Nosfermanu


     A l'orée de celui-là de lac, il verra, lui le fils de l'ombre... donc à l'orée vomie de la mine, l'influence floue de l'eau ne laissant moiteur émerger, l'orée mate le filoute flasque, ire moirée de cette onde, il filmera ras la surface amusante, verra l'arasé sans le délire étreint. Mare madrée, marre, marre...Et donc de ses foulées, enfouira les fils indicibles enlacés sans ruses. Mission trouilleuse : fondre l'allure infusée au-delà de sa tarée de vrilles.  Avalé dans les raclements du lac. Funédérailles.


Son effacement retord l'ombre flouée en méduse immense ; fils de l'ombre et de la flamme, serf ou elfe tapi au tatouage crasse derrière ces manutentions fluidifiées, ces lacets dénoués de tortues raflées en mode enflure, ces mammifères raturés et flapis ;


moins deus plus diablesses, in situ l'Entité attaquée en 807 cadences fallacieusement arasées, ossuaire assurément en vrac, race éteinte, ravalages vers ruines marécageuses. Au fond des failles son effondrement calamité, rêves ravalés de leurs limbes acides ; dentures tueuses accrocheuses en remontée de dessous la surface ; à donf fondre d'encagements

jeudi 22 janvier 2015

contorsions élastiques

    Avec une panique mécanique, Véronique astique son portique asiatique. Le hic, c'est la dynamique de Dominique. Dominique, c'est le flic qui trique Véronique mais qui lui pique tout son fric. Il est frénétique et sans éthique, elle est sympathique, mais par vengeance ce matin, elle lui a refilé ses tiques.

    Ses tiques le piquent au vif; il critique la pas très chic Véronique, prend des antibiotiques, puis, sans cette électrique colique, abdique et claudique une gymnastique pharmaceutique. 


    C'est parti pour une nouvelle crise épileptique autant que satanique, rien ne contient ses contorsions élastiques quand débarque Monique, une femme monolithique qui jalouse Véronique. 

    C'est le déclic : Dominique, pratique, prétexte un pique-nique au milieu des biques et, bisque bisque rage, claudique dehors avec la réplique des disques antiques de Véronique. La situation se complique lorsque Monique panique : "Sale trafic".

lundi 19 janvier 2015

la coke nuit gravement à la santé


    Cela faisait quinze minutes que Le Puma les chauffait. Quand les mecs du quartier des roses apparurent Mo La Taupe était chaud-bouillant, au point d'arracher involontairement les fils dénudés de l'embrayage la Corvette. Il se mit à jurer, montant dans les aigus comme un perroquet déchaîné, excité, drogué.


    Il avait rencard avec sa dealeuse au Tabou à minuit. Il débarqua dans le club lunaire et repréra Aline, toujours aussi pimpante, qui en était à sa troisième vodka stalingrad. Il s'approcha : « Tu veux une autre vodka, Aline ? ». Elle tituba sur ses Louboutin et lui répondit : « Oui mais pas ici, la musique est trop pourrie, j'ai horreur des synthétiseurs ». Il demanda à Aline si elle aimait le groupe Téléphone. elle acquiesça. Il lui proposa alors de venir chez lui car il en possédait tous les albums dans sa Cdthèque. Les murs de l'appartement de Mo La Taupe étaient recouverts de CD, classés par style, artiste, ordre alphabétique. Aline pensa avec horreur être tombée sur un tordu dont la passion pour la musique est soluble dans la maniaquerie. Quand, presque distraitement, elle ouvrit l'armoire à troll et que Balthazar en sortit elle comprit, un peu tard il est vrai, que l'hôte de ces lieux n'était pas qu'un fêlé mais un furieux fou. Son visage s'était couvert de 807 pustules dorées et il la fixait d'un oeil louche qui balayait l'espace comme un crabe circule sur un trottoir.



    Se débarrasser de cette créature à tout prix, survivre. Elle se baissa brutalement, son corps se repliant comme un trombone à coulisse, pour aller choper la kalachnikov sous la table. Elle glissa sur le parquet, attrapa l'arme et tira. Le monstre s'écroula. Elle avait gagné. Elle s'approcha du corps et le regarda attentivement. Il ressemblait davantage à un zombie. Elle souleva le corps vers le ciel en hurlant sa terreur afin que plus aucun zombie ne vienne la faire chier dans sa vie.

mardi 2 décembre 2014

extrait du journal d’Ysengrinn


lundi 29 septembre 2014 
Une louve solitaire nous a rejoints cette nuit. Hersent est d’accord et nos trois louveteaux l’ont baptisée : Tatie Loulou. Six ! Je suis près de tenir le serment fait à Wolfgrinn lors de son agonie sur les fougères. Dans son enfance, la famille comptait 100 individus ; quand il prit le commandement, 63 ; à ma naissance, 48. Puis le massacre. Ils sont venus plus nombreux avec plus de fusils plus puissants. Les balles perçaient l’aube et les panses. Ma douce louve de mère abattue en plein bond : PAN ! Et PAN ! PAN ! PAN ! Tous. Je me suis blotti contre le Vieux mourant, il m’a ordonné de m’échapper et m’a fait jurer. En route, j’ai trouvé Hersent qui avait désobéi et s’était éloignée. Nous avions 1 an et nous ne savions rien. Nous avons couru jusqu’à ce que nos huit pattes s’affaissent, nous avons dormi puis ouvert les yeux.
J’ai dit : « C’est ici que nous reconstituerons la meute ».



30 septembre
Tatie Loulou est géniale. Elle est d’une saison plus récente qu’Hersent et moi, mais elle a pu être éduquée avant l’extermination de son clan. Elle comprend les systèmes humains et sait qu’il se passe quelque chose de pourri dans trois jours.
1er octobre
Nous irons chasser avec les gosses cette nuit, même s’ils sont un peu jeunes ; s’il nous arrive malheur, ils doivent savoir se débrouiller.
2 octobre Rifgrinn a chopé un agneau ! Fifgrinn a détecté le berger et Lohengrinn, qui court à une vitesse incroyable, l’a détourné. Quelle belle chasse ! La relève… 
On s’appelle, tanière, bonne bouffe.



3 octobre    
Ils ont accroché partout un papier où est écrit qu’ils ont le droit d’en tuer Un. Nous, on les mate : de toute la vallée arrivent des caisses en ferraille avec 4 roues dessous et une derrière. Ils rient, boivent, arment, sont bête, arment, boivent, rient. Loulou nous raconte un conte d’Hommes: il y a très, très longtemps, ils ont inventé la roue pour soulager la peine, porter sans fatigue, aller aussi loin que nous. Là, en bas, 161 4x4 à 5 pneus et 1 scooter partent en guerre. 807 roues contre 24 pattes.
Bon, on ne va pas s’alanguir sur leur décadence… J’ai dit : « on va bouffer à l’alpage ». Là-haut, tout de suite, Hersent attrape un chevreau. Martin, le berger, ne fricote pas avec les immondes d’en bas. Lui, c’est pas pareil, il fait son boulot. N’empêche que quand il sort son rectangle en plastique et se met à taper dessus, Loulou lance l’appel et on met les bouts.



3 octobre, le soir
Pendant qu’ils montent d’un côté, on descend de l’autre. Bête comme choux, chèvre et loup. Eux, là-haut, c’est engueulade et alcool mauvais, nous c’est tanière et bonne bouffe. Loulou dit qu’ils placarderont une autre fois leur papier létal. Je m’en fous, on  bougera … Et puis, c’est bientôt l’hiver… Et puis, il me semble avoir entendu un appel. Sept ? 
C’est gagné, Grand-Père, nous comptons. 

jeudi 30 octobre 2014

Nettoyage insulaire


   En 2012, on pouvait lire aux éditions de Minuit, page 9 et 11 de L'auteur et moi d'Éric Chevillard ceci : « Il est en revanche, dans ce même cimetière, une tombe qui l'attire irrésistiblement, où sa mélancolie trouve un charme qui la berce, qui l'apaise et la change en un sentiment très doux, voisin de la sérénité, une tombe simple et modeste, un tertre de gazon ceint d'une bordure blanche et planté d'un rosier jaune, avec en son centre une dalle de marbre portant en lettres dorées les noms de ses occupants et les dates entre lesquelles s'écoulèrent leurs jours : Dina Egger et Nino Egger. » « La rêverie émue de l'auteur tournait depuis longtemps autour de ce drame et de ce tombeau et il résolut de mêler les deux prénoms, Dina et Nino, lorsqu'il conçut le personnage de son dernier livre. » « L'auteur apprend qu'elle fut une belle jeune femme au teint clair, Suisse allemande, architecte urbaniste, drôle, engagée, féministe, amoureuse, et qu'une lame de fond l'a emportée sous les yeux de son compagnon, alors qu'ils se promenaient sur la côte sauvage de l'île, le 31 décembre 1985. La mer n'est pas ton amie, avait-elle confié quelques mois plus tôt, lors d'un séjour à Naples, à Élisabeth, qui, elle l'était, son amie. » 
En 1986, on pouvait lire dans la publication intitulée Transpositions, les actes du colloque national (organisé à l'Université de Toulouse-Le Mirail, sous le patronage de la Société française de littérature générale et comparée, 15-16 mai 1986), page 105, un hommage d'Élisabeth : « Ce texte aurait dû être rédigé avec Dina Egger, architecte. Elle a quitté ce monde le 31 décembre dernier. Je dédie donc à sa mémoire le fruit de nos conversations passionnées et heureuses pendant l'été 85, à Naples et à Aix : tout petit signe de mon affection et de ma tendresse. 
" Les mots ont trop menti, leur crédit est épuisé. 
Je le dirai avec des pierres, rien que des pierres " 
La maison des Prophètes, Seuil, 1984, p. 144. »
En 2014, on pouvait lire aux éditions de Minuit, page 33 de Pour Éric Chevillard (co-écrit par Bruno Blanckeman, Thiphaine Samoyault, Dominique Viart et Pierre Bayard) ceci : « À la démesure élémentaire du réel et ses imprévisibles flux, dont la "lame de fond" emportant sur son passage la promeneuse d'hiver de l'Île d'Yeu pourrait être la manifestation, répond en écho le discours du bavard, les flots incessants d'une parole qui, aux seules digues de ses tropes, tente de faire barrage contre son propre Atlantique. » 




  Stella Maris prit connaissance de cette légende littéraire et chevillardienne. Elle avait lu le livre Dino Egger d'Éric Chevillard. Cette lecture l'avait beaucoup amusée (on peut lire ses billets sur l'Espace Childfree : 164169178213214216232). Son ami de la Toile Joachim Séné avait aussi poursuivi l'œuvre d'Albert Moindre (on peut apprécier avec gaîté ses inventions ici) . Elle voulut vérifier sur place l'exactitude des confidences romanesques du maître Chevillard et elle se rendit sur l'Île d'Yeu. Huit heures de route, zéro stress, sept jours de clôture insulaire. Après des heures passées dans les allées du cimetière, Stella Maris trouva enfin la tombe à l'état sauvage : 





   Stella Maris se remémora cette phrase chevillardienne : « La tombe embroussaillée demeure un beau jardin pour le songe et la méditation. » Mais le songe et la méditation n'étant pas sa tasse thé, elle décida de prendre en main ce « beau jardin » avec son amie de chair et de sang Florence qui mit du cœur à l'ouvrage car Stella Maris ne voulut pas risquer de s'écorcher les mains avec les épines des rosiers jaune et roses. Les deux complices purent enfin après deux heures d'effort pour Florence et de contemplation pour Stella Maris se recueillir sur la tombe nettoyée et arrosée :





    On laissa même une petite étoile de mer sur le marbre qu'on acheta à Port Joinville. On pria pour les âmes des disparus qui ne faisaient plus seulement partie à présent de la constellation chevillardienne mais aussi stellamarisienne et florencienne. 

mardi 28 octobre 2014

Le fils de Nout


"Ton histoire est une sombre histoire de haine, de crimes et de vengeance. 
Bref, une histoire de famille....
 
Tu avais reçu en héritage de ton père une terre stérile et ton frère avait reçu 
les bonnes terres. En rage et fou de jalousie, tu as tué ce frère et l'a coupé 
en morceaux. Caïn est à ton image !
 
Ambitieux, comploteur et manipulateur, tu voulais le pouvoir et tu fis un procès
 à ta propre famille que tu perdis. Tu tentas alors de violer ton neveu, 
fils du frère détesté.
 
Tu étais opposé à l'harmonie des choses. Tu étais le maître du tonnerre, 
de la foudre et du désordre. Tu étais celui sans qui le jour n'existait pas.
Tu étais l'éternel retour de la Nuit.
Ô, Puissant Seth ! "

dimanche 26 octobre 2014

Nuit sous les Tropiques

     A supposer que je rencontre Julio Cortazar sur une plage des Caraïbes et que, terminant une de ses nouvelles intitulée "Histoire avec des mygales", confortablement allongée dans un transat à quelques mètres de lui, je puisse l'observer à loisir, exactement comme le fait son personnage fraîchement débarqué sur une île où la mer moutonne au pied des collines et dont le nom n'est pas précisé, sachant que cela a peu d'importance tant l'intrigue se noue autour de ce personnage que je regarde marcher vers l'écume pour tremper ses pieds dans l'eau turquoise, si bien qu'il m'offre son dos athlétique que je contemple en tournant machinalement les pages de mon livre sans y prêter attention, bien trop occupée à imaginer notre rendez-vous ce soir au bar de l'hôtel, pourquoi là et au moment où le soleil décline me demanderez-vous, parce que l'heure est souvent propice, quant à l'endroit il préserve de la nuit qui arrive tôt et d'un seul coup sous les Tropiques, avec ses petites lumières tamisées qui nous feraient deviner les formes dans le noir, nous parlerions sans plus nous arrêter, est-ce que ce serait en gliglico ou dans une langue qu'il nous faudrait inventer alors qu'il ne resterait que peu d'heures avant la tombée du jour.

   - Vous aussi venez ici pour échapper à.
- Oui c'est tellement plus. 
- Et les jours ici ne répondent pas à ce que nous en.
- Parce qu'il faudrait renoncer à ses.

    Après des nuits longues balayées par des averses et des rafales de vent, l'air serait à nouveau suffoquant. Un matin, ma main sur le matelas ne trouverait que le vide au bout de mes doigts, puis une page arrachée de mon livre et raturée en tous sens avec ces quelques mots : ce que serait se regarder, jusqu'à ce que tout commence.

vendredi 24 octobre 2014

807 signes


#807 Il faut produire un texte plus ou moins long dans lequel à un moment ou à un autre apparaîtra le nombre 807, en chiffres ou en lettres.

#807 Pour répondre à la commande, j’ai décidé de composer mon “807” sous la forme de plusieurs tweets (six) rassemblés sous le hashtag #807.

#807 L’ensemble de mes six tweets comprendra 807 signes (espaces compris), l’arithmétique énonçant que 807 = 269 x 3 et que 269 = 140 + 129.

#807 On lira donc trois tweets de 140 signes, qu’on appelle tweets parfaits (en anglais, twooshes) et trois autres de 129 signes.

#807 On pourrait publier ce texte en un feuilleton de six épisodes sur Twitter, mais on le donnera en priorité à @Kmillephilibert


#807 Quand ce dernier tweet sera écrit, il restera à poster la copie sur le blog des 807 à l’adresse : http://les807.blogspot.fr/

mercredi 22 octobre 2014

Alleluia Salem Mathu

     - Tu vas chez Salem ? m’avait demandé Rachel.
Pour son anniv’, lui dis-je en forme de réponse.
Ben ouais, quoi, tu sais bien, il nous a invités avec sa bande de potes il y a déjà plus d’un mois.
Ses potes, je les kiffais pas trop. Un groupe d’allumés qui fumaient l’encens et chantaient  « Alleluia » à tout bout de champ. 
Fais un effort, quoi. C’est pas tous les jours qu’on lui fête, son anniv’.


J’ai vaguement promis, tout en sachant que je m’empresserais de penser à autre chose.  J’ai repris mon chemin en sifflotant. J’avais trente-deux euros en poche, ce qui ne m’était pas arrivé depuis au moins une quinzaine, et je me promettais d’en faire bon usage. Ben, croyez-moi si vous voulez, ils ont filé à des conneries. Des clopes, d’abord, puis une canette de bière. Il me restait que douze euros, après. J’ai eu envie d’aller au ciné. Ils donnaient les Dix Commandements. C’est pas mal, ce film. Et puis la salle est chauffée. 


     En sortant d’là, v’là t-il pas que je tombe sur Rachel. Parlez d’un manque de bol ! Elle m’a rebassinné avec la teuf chez Salem. Elle aime l’encens, elle. Pas mèche ! Rien à faire pour me défiler. Elle m’a pas lâché d’une semelle. Je l’ai suivie, contraint et forcé, jusqu’à la maison de notre pote. Sur la boîte aux lettres, y avait écrit : Salem Mathu. 


     On est entré, et s’y trouvaient déjà des emplumés coiffés de kippas pas nettes. On s’embrassait comme du bon pain azyme, of course. Moi, j’avais pas osé l’avouer, à ces fanas du Pentateuque que j’y croyais plus vraiment, à leurs salades. Et j’te bisouille par ci, et j’te bénis par là, des sacrés bêtes à bon dieu, ceux-là. Y avait bien des gerces, mais elles veulent rien faire avec ceux qui sont pas coupés. Salem, on est copains depuis des lustres. Dans le temps, il faisait moins chier son monde avec ses salamalecs, son chandelier et sa bouffe casher. Il est tombé sur des mecs et des gerces complètement siphonnés qui lui ont bourré le mou avec les histoires de Noé, de Moïse et d’Abraham. Des tarés, j’vous dis. Je m’emmouscaillais ferme quand une nana, l’air plus givrée que les autres, s’est mise à beugler :
- Salem ! Salem, Mathu Salem ! Bon anniversaire.
- Ça te fait combien, a demandé un vieux kroumir.
- Ben tu sais bien, l’an passé, j’ai fêté mes huit cent six ans.

Alors là, j’ai mis les bouts.

samedi 18 octobre 2014

dégringolade atmosphérique


photos Jux El Nuevo
      Troisième étage. De l'autre coté d'une baie vitrée légèrement fêlée donnant sur le balcon d'un immeuble des années 30, une jeune femme au regard amnésique posé sur la sortie Art Nouveau du métro Abbesses qui se reflète en ombre tarabiscotée sur une vitrine de masques grotesques. Rien ne bouge, rien n'est en place. Anne-Céline regarde de l'autre coté de la rue, à l'arrivée à 60 degrés de la rue en coté, ses yeux rougis s’agrippent au dessus des immeubles de neufs étages, ils harponnent le vide du ciel.



      Elle se masse les tempes. La pression atmosphérique en dégringolade, chute biseautée de la lumière du jour, saturation des cumulus déchirés de flash et un aveuglement à l'Ouest, derrière d'autres rues et boulevards le grand parc de l'Est, elle doit y aller elle recule un peu doit y aller. Restent les murs en béton recouverts de 807 mots peints. Cap sur les Buttes Chaumont.



      Passer au dessus des rails de la Gare du Nord, avaler à grandes enjambées la rue Clavel, passer la rotonde la Villette en chantonnant sur les faibles grondements du lointain, marche plus légère au fur et à mesure de l'approche du parc quand elle se parle dans toutes les langues connues, maintenant elle se souvient d'hier, se raconte des trucs merdiques, des gags, rigole en bossue au croisement de la rue des Poissonniers, s'embarque plus avant, crâne atrocement compressé soudainement. Allure trainante désormais et sans regarder son ombre



Et la traversée de la rue des Butés, elle insulte une voiture qui vient de lui couper la route, passer les cars de flics, arriver au lac artificiel dans la fatigue. Canards et cygnes filent s'abriter sous les grottes grotesques. Tachée de carmin, grouillante d'éclairs éparpillés, la couche nuageuse engloutit Paris et ses derniers pas.