mardi 30 octobre 2012

Promenade


                               L’écorce rugueuse, noire et blanche s’écaille, se fissure et laisse apparaître de grandes zones lisses et brunes. Le tronc du bouleau est dur dans mon dos. Le froid rentre dans mes doigts, tandis que la chaleur du soleil pénètre ma peau. J’écarte une branche souple, les feuilles fraîches caressent ma main. La pelouse est élastique et quelques pas me ramènent à la dureté du béton de la route. Quelques foulées, et je suis sur la passerelle en bois au-dessus de la Bièvre. Les travées vibrent sous mes pieds lors du passage d’un coureur. Je m’arrête un instant, appuyé sur la rambarde rugueuse.


                              Une forte odeur de décomposition envahit mes narines, presque fétide. Un mélange de terre mouillée, d’herbes en décomposition, mon nez enrhumé ne filtre que les odeurs délétères. Un camion passant non loin m’asperge de son odeur de diesel, après avoir déjà fui au loin.


                              Le léger vent souffle doucement et continûment dans mes oreilles. Sous mes pieds, à quelques mètres, un petit bruit de cascade discret signale la rivière. A l’autre bout de la passerelle, un piéton aux semelles dures s’éloigne bruyamment. Le zip de mon gilet déchire sèchement ce presque silence. Devant, à gauche puis à droite des oiseaux échangent quelques cris. Au grondement sourd de réacteurs, je lève la tête pour repérer dans le grand ciel bleu le quadrimoteur responsable. Mon oreille gauche est au calme, tandis que par la droite pénètrent tous les sons de la route distante : quelques voitures, une moto pétaradante, un camion au son grave et fort. Je me tourne d’un quart de tour sur la droite en fermant les yeux. Je suis soudain envahi par la spatialité du son : les véhicules se déplacent d’un coté à l’autre, je surprends mon esprit qui les localise, les suit sur leur trajectoire en position et vitesse. Ils s’arrêtent ou accélèrent, tournent au croisement pour s’éloigner. Je suis plusieurs véhicules simultanément, qui se suivent ou vont dans des directions opposées. Je joue à ouvrir et fermer les yeux pour confirmer par la vue cette véritable vision sonore, et cela marche étonnamment bien. Je suis au bout de la passerelle, le bruissement de 807 feuilles agitées par la brise envahit mes oreilles. De tout près, je peux individualiser ces milliers de petits chocs des feuilles entre elles ou contre les branches voisines. Deux corbeaux s’envolent en croassant. L’aboiement d’un chien traverse le parc. Je croise un couple qui discute à voix basse, l’un se racle la gorge bruyamment. Les pas d’un coureur rythment pendant quelques instants le soufflement du vent.  Sur le fond du ciel bleu, au-dessus du toit d’une maison, se détachent les silhouettes variées d’un saule, d’un cèdre et d’un sapin.

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