L’écorce
rugueuse,
noire et blanche s’écaille, se fissure et laisse apparaître de
grandes zones
lisses et brunes. Le tronc du bouleau est dur dans mon dos. Le
froid rentre
dans mes doigts, tandis que la chaleur du soleil pénètre ma
peau. J’écarte une
branche souple, les feuilles fraîches caressent ma main. La
pelouse est
élastique et quelques pas me ramènent à la dureté du béton de la
route. Quelques
foulées, et je suis sur la passerelle en bois au-dessus de la
Bièvre. Les
travées vibrent sous mes pieds lors du passage d’un coureur. Je
m’arrête un
instant, appuyé sur la rambarde rugueuse.
Une
forte odeur
de décomposition envahit mes narines, presque fétide. Un mélange
de terre
mouillée, d’herbes en décomposition, mon nez enrhumé ne filtre
que les odeurs
délétères. Un camion passant non loin m’asperge de
son odeur de
diesel, après avoir déjà fui au loin.
Le
léger vent
souffle doucement et continûment dans mes oreilles. Sous mes
pieds, à quelques
mètres, un petit bruit de cascade discret signale la rivière. A
l’autre bout de
la passerelle, un piéton aux semelles dures s’éloigne
bruyamment. Le
zip de mon gilet déchire sèchement ce presque silence. Devant, à
gauche puis à
droite des oiseaux échangent quelques cris. Au grondement sourd
de réacteurs,
je lève la tête pour repérer dans le grand ciel bleu le
quadrimoteur responsable.
Mon oreille gauche est au calme, tandis que par la droite
pénètrent tous les
sons de la route distante : quelques voitures, une moto
pétaradante, un
camion au son grave et fort. Je me tourne d’un quart de tour sur
la droite en
fermant les yeux. Je suis soudain envahi par la spatialité du
son : les véhicules
se déplacent d’un coté à l’autre, je surprends mon esprit qui
les localise, les
suit sur leur trajectoire en position et vitesse. Ils s’arrêtent
ou accélèrent,
tournent au croisement pour s’éloigner. Je suis plusieurs
véhicules
simultanément, qui se suivent ou vont dans des directions
opposées. Je joue à
ouvrir et fermer les yeux pour confirmer par la vue cette
véritable vision
sonore, et cela marche étonnamment bien. Je suis au bout de la
passerelle, le
bruissement de 807 feuilles agitées par la brise envahit mes
oreilles. De tout
près, je peux individualiser ces milliers de petits chocs des
feuilles entre
elles ou contre les branches voisines. Deux corbeaux s’envolent
en croassant.
L’aboiement d’un chien traverse le parc. Je croise un couple qui
discute à voix
basse, l’un se racle la gorge bruyamment. Les pas d’un coureur
rythment pendant
quelques instants le soufflement du vent. Sur le fond du ciel bleu,
au-dessus du toit
d’une maison, se détachent les silhouettes variées d’un saule,
d’un cèdre et
d’un sapin.
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