Prostré
dans le fauteuil, Boris écoute, voilà déjà bien longtemps qu’il ne
décroche plus le téléphone. C’est une voix féminine, jeune, assurée,
pressée, tellement sûre d’elle qu’elle n’a même pas mentionné le nom de
la maison d’édition, ni le numéro à rappeler, comme si cela allait de
soi. Mieux vaut qu’il ne sache pas, qu’il ne creuse pas, parce que ça
pourrait mal finir. Face à lui, la télé, son coupé, 807 images qui
défilent, dans sa main gauche la télécommande, il appuie sur les touches
comme un fou, zappe, zappe, zappe. Elle détestait ça. A sa droite, sur
la table basse, des canettes de kro, un cendrier plein. Il envoie la
télécommande valdinguer par terre, télé bloquée sur des gens qui rient
comme des cons, allume une clope, tire quelques tafs nerveuses et se met
à trembler. Le tabac et l’alcool le tueront, tant mieux, il n’attend
que ça. Il laisse la cigarette se consumer dans le cendrier qui déborde
et se prend la tête entre les mains. Sur la table basse, à côté du
cendrier et des canettes, un paquet de feuilles froissées et tachées à
force d’avoir été lues et relues, et jamais éditée.
Une petite tache de sang sur la première page, à droite. Son suicide, Emilie ne l’avait pas raté.
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