Ado, après les cours au lycée Descartes, un soir, elle vole
une besace sac en toile kaki, molle et irrégulière, de forme similaire à celle
de chasse de son père. Sauf que celle-ci est marron et immense avec des taches
sombres de sang séché. Elle règle la longueur de l’hanse sur le côté. Alors, ce
sac, elle se l'approprie : au centre elle dessine un peace and love sur le
bord, au stypen trace le temps de l'anarchie et ça bave un peu. D’un vernis à
ongles violet avec paillettes elle dessine, elle arrondit des expressions, elle
dessine des volutes, elle gribouille. À chaque hectare fumé elle rajoute un
détail délire.
Bientôt le sac est couvert de dessins et quand arrive l'été 77
pays rajoute des pin’s, des petits badges en métal. C'est la mode des pin’s. En
bas une grosse tache d'encre turquoise macule la toile. Le dedans est un peu
sale, le stypen a fui. Souvent elle le pose entre ses jambes dans le bus 197.
Son sac contient en plus des classeurs, des livres, des cahiers et des carnets
ses foulards en soie indienne et les choses volées au Monoprix, ses récoltes
qui changent suivant les jours. Elle a une scoliose à force de porter cette
boîte à trésor ambulante, mais s'en séparer... Il flotte sur dans sac une senteur
de patchouli mélangée à du santal poussiéreux.
Ce n'est pas forcément un sac de
femme. Un mec aussi peut le porter. Olivier y rajoute ses calligraphies
rebelles, des signes de résistance, des détails punks au marqueur noir. Il
porte la besace du côté gauche. Il le nettoie un petit peu, puis il y cale des
gaz lacrymogènes, des bouteilles vides, un bidon d’essence, un briquet, un
foulard pour protéger les poumons, du citron, des boulons, tout pour
l’expression pendant les manifs. Tout pour lutter contre l’incompréhension du
monde hostile qui les enserre et mettre celui-ci à sac. Pour détruire les murs
dans les têtes et chasser le poids de tous les automnes de rentrée scolaire.
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