vendredi 11 janvier 2013

papa


Ado, après les cours au lycée Descartes, un soir, elle vole une besace sac en toile kaki, molle et irrégulière, de forme similaire à celle de chasse de son père. Sauf que celle-ci est marron et immense avec des taches sombres de sang séché. Elle règle la longueur de l’hanse sur le côté. Alors, ce sac, elle se l'approprie : au centre elle dessine un peace and love sur le bord, au stypen trace le temps de l'anarchie et ça bave un peu. D’un vernis à ongles violet avec paillettes elle dessine, elle arrondit des expressions, elle dessine des volutes, elle gribouille. À chaque hectare fumé elle rajoute un détail délire. 


Bientôt le sac est couvert de dessins et quand arrive l'été 77 pays rajoute des pin’s, des petits badges en métal. C'est la mode des pin’s. En bas une grosse tache d'encre turquoise macule la toile. Le dedans est un peu sale, le stypen a fui. Souvent elle le pose entre ses jambes dans le bus 197. Son sac contient en plus des classeurs, des livres, des cahiers et des carnets ses foulards en soie indienne et les choses volées au Monoprix, ses récoltes qui changent suivant les jours. Elle a une scoliose à force de porter cette boîte à trésor ambulante, mais s'en séparer... Il flotte sur dans sac une senteur de patchouli mélangée à du santal poussiéreux. 


Ce n'est pas forcément un sac de femme. Un mec aussi peut le porter. Olivier y rajoute ses calligraphies rebelles, des signes de résistance, des détails punks au marqueur noir. Il porte la besace du côté gauche. Il le nettoie un petit peu, puis il y cale des gaz lacrymogènes, des bouteilles vides, un bidon d’essence, un briquet, un foulard pour protéger les poumons, du citron, des boulons, tout pour l’expression pendant les manifs. Tout pour lutter contre l’incompréhension du monde hostile qui les enserre et mettre celui-ci à sac. Pour détruire les murs dans les têtes et chasser le poids de tous les automnes de rentrée scolaire.

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