mercredi 15 février 2012

Talismans

Livres, sur les étagères, les tapis, les tables de chevet, pour se coucher parfois il faut les chasser de sous les draps, de sur la couette, ils se sont glissés là comme des chats frileux ronronnant dans la chaleur du corps, livres, les mots des autres qui rendent jaloux ceux qui nous accompagnent, ceux qui se plaignent qu’on ne les entend plus, qui voudraient qu’on relève la tête, qu’on cesse enfin de s’intéresser à ce qu’un inconnu murmure à notre oreille, livre dans la poche de nos vestes, poids qui leste, qui rattache à la terre, livre tenu dans la main en marchant dans la ville, comme on tient celle d’un ami, d’un amant, de l’enfant qu’on n’aura jamais. On se dit parfois qu’il faudrait s’en défaire, vivre sans eux, regarder le monde en face, la vie en face, ne plus se dissoudre dans chacune de leur page, revenir à la réalité, à l’absurde, à la souffrance, au temps qui nous transperce.


Et je me dis encore une page, encore deux, encore trois, à la huit cent septième, c’est promis, si je peux, comme le taulier, j’arrête.

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