Elle est située loin
de notre Terre, sur une planète inconnue. Mais y habitent néanmoins
807 terriens. La Ville y prend toute la place. Elle est en hauteur,
en terrasses et en espaliers formant un tout étrange et tarabiscoté.
Le manque d’espace est flagrant. Y règne le régime de l’auto-gestion. Chacun, à son tour de rôle, y compris les enfants, endosse
les fonctions de maire, de membres du conseil municipal, de
professeurs, de gens d’armes, de gardiens de la paix…Une ville
paisible faite d’harmonie et de sérénité.
A chaque strate,
on trouve invariablement, toujours 807 maisons d’habitation. J’en
choisirais une, plus singulière que d’autres : elle est
construite comme une pyramide. Plusieurs pièces en enfilade au rez
de chaussée et au fur et à mesure que l’on monte, l’espace se
fait plus restreint. A la pointe extrême, tout en haut, on y trouve
une pièce minuscule, mansardée. Le plus curieux,
le plus symbolique de cette maison est la composition de ses 807
murs : ils sont faits en papier plus exactement en 807 livres !
Toutes tailles de livres assemblés en quinconce : albums en bas
des murs et livres de poche en haut.
Dans la pièce
minuscule tout en haut, la mansardée, vit une femme seule, une
femme-écrivain. Elle a trente ans et écrit des contes. Les livres
de Perria elle - même sont les murs de son bureau. Construire les
murs avec ses livres et ceci en plusieurs épaisseurs était la
seule solution pour laisser un peu de place dans la pièce. Ses 807 contes
sont célèbres dans le monde entier mais Perria vit cloîtrée,
dans son monde et dans son bureau, refuge et cocon .
Un voyageur entre
dans la ville. Il est déjà venu. C’est
un vieil homme, encore vif et alerte. Il a gardé,
près de son cœur, une adresse sur un bout de papier. Un prénom et
une adresse. Le voyageur se sent poussé à revenir dans cette ville
même si les 807 raisons qui l’ont poussé sont floues .
Il marche dans la
Ville. Il se trouve, au tournant d’une rue, devant un portail
qu’il reconnaît tout de suite : sa maison est là devant lui,
exactement la même gardée au fin fond de sa mémoire. Son cœur bat
à tout rompre, ses jambes flageolent et d’aigres gouttes de sueur
perlent sur son front.
Il doit savoir.
Il gravit les 807
escaliers.
Il frappe à la
porte de la chambre mansardée, au dernier étage.
« Entre. Je
sais que c’est toi».
Il s’exécute.
Pierra , debout et penchée sur son écritoire, est de dos et
continue à écrire.
« Je
t’attends depuis longtemps. Bonjour, Papa, faisons
enfin connaissance…. »
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