Un pas puis l'autre. D'abord le talon, ensuite la plante en appui ferme sur le sol, orteils crispés raclant la semelle de la chaussure. Tenir l'équilibre malgré les bourrasques, les passants trop pressés, avancer même si les jambes se débinent et que les pieds sont usés.
Faire semblant de regarder la vitrine pour reprendre son souffle, mais être attiré par les chaussures en cuir épais et souple qui rutilent, rêver d'en ressortir chaussé, pieds bien calés, chevilles tenues, et poursuivre sa route à grandes enjambées. S'arrêter 807 mètres plus loin dans le café, regard ébahi sur la serveuse, sourire des yeux, mais les siens sont cernés par deux grosses poches, deux rouleaux de chair violacée. Petite mine dans le miroir glacé. Ces laideurs de l'âge, pouvoir s'en cacher en s'abritant derrière des lunettes de soleil opaques. Et repartir encore. Presque rassuré, si ce n'est la jambe qui tire, le genou qui vrille.
Il a atteint la place bordée de statues qui bravent le vent et la pluie, durent sous le plomb du soleil et de la poussière. Des molosses aux corps de marbre, muscles tendus, regards défiants. Il a posé sa main sur l'un, remontant sur le cou pour en saisir la respiration. De l'autre côté du temps, enfermé dans sa peau flasque, il a fermé les yeux.
Superbe et même plus !
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